Chapitre 31

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Le talon de mes escarpins claque contre le bitume, laissant la possibilité aux gens qui m'entourent d'entendre ma colère. Mon réveil n'a pas sonné, je n'avais plus de dentifrice à la maison et je ne suis toujours pas remise de la soirée d'hier. 

Elle m'est restée en travers de la gorge. 

Lorsque je suis retournée dans la salle principale, Chris derrière moi, tout le monde nous observait. Heureusement, mon ami est rapidement parti, avant de créer une nouvelle scène avec son père. Le discours du Président a ensuite attiré l'attention, mais cela ne m'a pas permis, à moi, de me rassurer. J'ai passé le reste de la soirée à ruminer. 

Et ce matin, ce n'est pas mieux. 

Plusieurs murmures me suivent, je ne sais pas ce qu'ils disent mais toutes les personnes que je croise se retournent pour m'observer. Discrètement, mais non sans fulminer, je vérifie en lissant ma robe entre mes doigts que mes sous-vêtements ne se voient pas. Il ne manquerait plus que ça.

Un soupir de soulagement traverse mes lèvres entrouvertes quand je constate que tout va bien mais ce moment de relâchement est très vite suivi d'un autre moment de doute. S'il n'y a aucun problème avec ma tenue, alors que se passe-t-il ? Pourquoi tout le monde chuchote à ma suite ?

La réponse me vient d'un petit garçon apparu devant moi, qui me montre du doigt.

— Maman, c'est la dame du journal !

J'arque un sourcil, sans savoir quoi répondre. La dame du journal ? Qu'est-ce que c'est censé vouloir dire ?

Mes précédents doutes sont de plus en plus grands. Il n'y a pas besoin d'être Einstein pour comprendre que le scandale a éclaté. « L'attachée de presse de James Jones est en fait une prostituée ! »

— Dans le journal, il disait que vous alliez peut-être vous marier et avoir des enfants, ils ont même dit que peut-être, c'était déjà fait ! Moi je dis, c'est pas vrai. Parce que le Président eh bah il peut pas avoir d'enfants comme ça !

Je manque de m'étrangler avec ma salive, percutée par ses mots comme par ses suppositions. Enfants ? Me marier ? Président ???

Je me tourne vers la mère, qui me regarde avec impuissance. Elle ne sait visiblement pas quoi dire à son fils pour le faire taire. Car, malgré mon absence de réponse, le petit déballe tout ce qu'il a entendu à la table du petit-déjeuner.

— Papa, il a dit que c'était pas vrai parce que vous étiez pas assez jolie. Le rouge, ça vous va pas, qu'il a dit. Maman, elle, elle pense que...

— Jason, ça suffit !

La femme ressemble à un mulot, avec ses couinements et les minuscules mouvements de son corps. Elle passe enfin son bras autour du garçon et l'entraîne loin de moi. Tant mieux, j'aurais pu lui arracher les yeux. Les siens à elle, pas ceux du gamin. Le pauvre ne comprend même pas les conneries qu'il vomit.

En revanche, tout s'additionne dans ma tête. L'absence de message de la part de Chris, l'attention particulière des passants sur moi, et la mauvaise impression d'avoir une pancarte collée dans le dos qui dirait « frappez-moi, je suis déjà à terre ! »

Fuyant vers le kiosque à journaux le plus proche, j'ai à peine relevé le nez que je le vois. C'est là, partout autour de moi. Des photos devant son immeuble mais aussi celles d'hier soir, au gala. Sur l'une, nous sommes quasiment collés l'un à l'autre, tandis que je remets son nœud papillon en place.

Le gros titre : Un nouveau couple explosif en ville.

D'où sortent-ils ces conneries ? Qui a pu être assez débile pour nous espionner ?

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant