Chapitre 5

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Le soleil perce à travers les rideaux à peine tirés et un grognement m'échappe alors que je me frotte les yeux. Redressée sur un coude, je regarde ce qui m'entoure, avec l'impression de ne rien reconnaître. A vrai dire, je ne me rappelle pas vraiment la soirée que j'ai passé hier, je sais juste qu'une enclume semble avoir élu domicile dans ma tête et que ma langue est aussi pâteuse que du porridge.

Je me laisse retomber sur l'oreiller avec la ferme intention de me rendormir. La personne chez qui je squatte me délogera quand elle le souhaitera. En attendant, je ne compte pas me déranger plus que cela. J'ai bien trop bu hier soir pour en avoir le désir.

Pourtant, j'ai à peine fermé l'œil que des espèces de souvenirs me reviennent à l'esprit. Le fleuve. Mon père. Le whisky qui coule à flot. Le fils du sénateur Hamilton. Ses baisers. Ses bras. Son lit. Sa...

D'un bond, je quitte les draps qui semblent me brûler. Mauvaise idée. Je manque de perdre pieds et de m'étaler par terre mais, heureusement pour moi, le mur n'est pas si loin pour me rattraper. La nausée me prend mais j'ai le cœur bien accroché. En revanche, mon cerveau se jetterait presque par-dessus bord tellement j'ai été vive.

En quelques minutes, tous les détails de cette nuit torride me reviennent en mémoire. Je ne devrais pas être dérangée par ce qu'il s'est passé. Nous étions tous les deux extrêmement consentants et ce que nous avons fait a été plus qu'agréable. Mais alors pourquoi suis-je aussi mal à l'aise face à mes souvenirs ?

C'est ce moment-là que choisit Chris pour arriver, une simple serviette autour de sa taille. Il n'a apparemment pas jugé bon de se couvrir plus. Je ne devrais pas en être étonnée, vu nos ébats d'hier soir, mais je reste tout de même bouche bée en le voyant avancer. Est-ce le choc ou l'envie qui me fait réagir ainsi ? Je n'en sais rien.

En tout cas, je le trouve encore plus attirant que la veille. Ce qui ne présage rien de bon. Je vais encore me faire avoir par une gueule d'ange. C'est arrivé bien trop souvent par le passé. Sauf que je ne pense plus en avoir la force, après tant d'années seulement accompagnée de mes démons. Si je venais à me faire envoutée par un joli minois, je ne serais plus qu'une loque.

— Bonjour, Belle au Bois Dormant. Bien reposée ?

J'avale péniblement ma salive, consciente que je dois avoir l'air totalement stupide, ainsi nue en plein milieu de la chambre. Il faut absolument que je parle. Que je réponde quelque chose de sensé.

Rien ne vient. Bien évidemment que rien ne vient.

Je suis nue et muette.

Alors, dans un dernier élan, je le salue à mon tour. Ma main a, je ne sais comment, trouvé le moyen de s'agiter et, encore perturbée par l'alcool que je me suis enfilée, mon doigt atterrit élégamment dans mon œil. Outch.

Un rire fuse dans la pièce et je relève la tête pour fusiller Chris du regard. Ne peut-il pas se douter que je suis plus que mal à l'aise ? Je suis en train de me ridiculiser. Or, il n'y a rien que je déteste plus que cela.

Un coup de chaud me tombe dessus, ce que Chris semble remarquer, puisqu'il se calme rapidement et s'avance. Il est en train de dénouer sa serviette, quand il lance :

— Tu peux prendre une douche et rester pour le petit déjeuner. Enfin, seulement si tu le veux bien sûr...

Sa proposition aurait pu me faire sourire mais je préfère secouer la tête en signe de refus. La gêne est bien trop grande pour que j'accepte. Nous ne sommes que deux inconnus, qui ont décidé de coucher ensemble après avoir trop bu. Le petit-déjeuner n'est pas inclus dans la formule.

Chris doit penser comme moi puisqu'il ne réplique rien, préférant se tourner vers un grand placard et attraper des vêtements. Quant à moi, je rassemble mes habits et fuis cette chambre dès que j'ai une allure à peu près présentable.

Dans ma tête, les pensées s'alignent sans suite logique. Il me faudrait un grand verre d'eau pour faire passer cette sensation de brouillard mais je ne veux pas le demander à Chris. Et je veux encore moins m'éterniser ici.

Je quitte donc l'appartement, claquant la porte derrière moi, ce qui fait encore plus raisonner le bruit dans ma tête. J'enchaîne les mauvaises idées, ce matin...

Heureusement, il n'y a pas grand monde dans les rues. Comme si la ville était encore endormie, comme si la nuit avait été longue pour tous les habitants. Mes talons font un bruit épouvantable contre le bitume mais j'essaye de ne pas y penser. Même si le martellement est toujours aussi affreux, l'air matinal me fait du bien. Jusqu'à ce que la fatigue me rattrape et qu'une espèce d'engourdissement me prenne.

Dans un dernier effort, je m'assois sur le trottoir. Je ne me suis même pas aperçue que ma maison est à quelques pas d'ici. Il suffirait que je trouve la force de me relever, le courage d'avancer.

En six ans, ça n'est malheureusement pas arrivé.

Fermant les yeux, je laisse cours à mon imagination qui m'emmène autre part, loin de cette rue, loin de cette vie. Soudain, je me retrouve près de ma sœur. Elle me fixe de ses grands yeux, un sourire magnifique aux lèvres.

Je passe une main dans ses cheveux blonds, amenant une mèche derrière son oreille pour découvrir le reste de sa joue. Je m'accroupis face à elle et je sens sa petite main se poser sur mon visage. La sensation est exquise. Un soupir soulagé franchit la barrière de mes lèvres et...

La réalité de mon monde me rattrape quand une voiture passe en klaxonnant. Surprise, je rejette tout mon corps vers l'arrière et tombe à la renverse.

Ce n'est qu'en me relevant que je réalise. Devant moi, plus de Lyzzie. Plus de cheveux blonds. Plus d'océan à la place des yeux. Simplement le portail en fer forgé de ma maison, à quelques mètres. 

Un chapitre court pour une fois. Après les émotions de la dernière fois... J'étais obligée ! 

La suite, dès mercredi 😏

Et si tu veux me retrouver ailleurs qu'ici...

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