Chapitre 44

18 3 6
                                    

Je n'ai pas quitté le lit de Chris depuis une semaine. Les élections ont lieu dans quelques jours, une semaine et demie très précisément, et il va bien falloir que je sorte mon nez de sous la couette. Quitter ce monde de douceur va être particulièrement dur, surtout qu'ici, le meurtre de Marco Rivera ne m'est pas renvoyé à la figure.

Au travail, je peux être certaine que l'on va m'en parler. Je crois que James a un peu étouffé l'affaire, ou plutôt la partie qui me concerne. Heureusement car mon visage aurait été sur tous les journaux sinon.

Or, j'ai déjà du mal à gérer mes pensées pour en plus faire face à l'attention d'inconnus.

— Tiens. Je t'ai fait des pancakes à la banane.

— Mes préférés !

Je me redresse, cheveux emmêlés, nuisette à moitié enfilée. Chris laisse glisser ses yeux sur moi, tout en me tendant l'assiette.

Depuis que nous nous sommes retrouvés, nos gestes ont changés. Nous qui n'osions rien faire de romantique avons enchainés les petites attentions et les regards énamourés. Ne pas être chez moi est d'une grande aide.

Ici, je me sens en sécurité, pour vivre et pour l'aimer.

Ce n'est pas chez Chris que je risque de recevoir des lettres de menace.

De toute façon, après ce qu'il s'est passé, il a bien compris que j'étais en danger. Nous n'avons peut-être pas eu de conversation là-dessus mais il est loin d'être stupide. J'ai tellement évité le sujet qu'il a fini par accepter de ne pas insister. Il sait que ça viendra. Nous finirons par en discuter, c'est certain, mais nous préférons gérer une chose à la fois.

Mon retour au travail, ainsi que mon suivi psychologique, sont les deux sujets essentiels.

— Tu viens à l'entraînement avec Philippe ce soir ? Lyana m'a dit qu'elle serait là et elle espère vraiment te voir. Les SMS ne sont plus suffisants à ses yeux et puis, ce n'est pas le moment de baisser les bras après... tout ça.

« Tout ça » étant le meurtre de Rivera sous mes yeux.

Je hoche la tête, pas encore trop sûre de moi. Sortir de cet appartement me fait terriblement peur. Chris a pourtant raison : je dois m'armer pour affronter la réalité. Je suis en danger car j'ai des informations que personne d'autre ne connaît. Les menaces vont forcément être mises à exécution, je ne peux pas rester sans me protéger.

Surtout, il faut que je parle. Je ne peux pas être la dernière personne à savoir pour Snavelly.

Si je ne l'accuse pas, elle ne sera jamais punie.

— Je serai là, oui.

D'un mouvement habile, je m'appuie contre le cadre de lit, sans mettre une goutte de sirop d'érable sur les draps. Je m'apprête donc à parler de ma grande fierté à Chris quand il me coupe sans le vouloir.

— Ton absence se fait remarquer dans les sondages. Marise Snavelly a gagné 5%.

Il redresse le nez de son téléphone juste à temps pour voir mon visage se craqueler. Ce n'est tout simplement pas possible. Elle ne peut pas progresser aussi vite, alors que nous effectuons un travail acharné pour qu'elle disparaisse. Surtout pas après ce que je viens d'apprendre.

Mon ventre me rappelle à l'ordre, me signifiant sans élégance que je meurs de faim malgré les circonstances. De toute façon, je ne peux rien faire de ce sondage maintenant. Autant manger et penser à une solution dans la foulée.

— Je dois rendre visite à James, lancé-je dans le silence qui s'est installé.

Chris fronce le nez à la mention du Président. Il n'accepte toujours pas notre relation, notamment parce qu'il ne la comprend pas. Je lui ai dit que nous nous étions embrassés. Pendant une dizaine de minutes, il a quitté l'appartement. J'ai pensé que je ne le reverrais pas mais il est finalement revenu, un plat de lasagnes sous le bras. Je me souviendrai toujours de ce qu'il m'a dit en le posant sur la table.

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant