Chapitre 40

26 3 7
                                    

— Retrouvez-moi au Quatre saisons, on discutera là-bas.

Il raccroche sans me laisser le temps de parler. La tonalité me répond quand je murmure un « d'accord, j'y serai » des plus discrets.

De tous les côtés, je vérifie qu'on ne m'a pas écoutée. Il faut croire que Marco m'a foutu un sacré coup de pression. Ce doit être ce genre de personne, un peu parano, persuadé que l'homme derrière moi est un stalker, prêt à m'assassiner.

Bien évidemment, lorsque je quitte le cinéma, l'inconnu ne me suit pas, comme je m'en doutais, d'ailleurs.

Je tape un rapide texto à l'attention de Lyana et me dirige vers le restaurant, prête à y trouver toutes les informations dont j'ai besoin. J'y suis plus rapidement que je l'envisageais, ce qui me force à attendre Rivera, sur le bord de ma chaise.

A chaque fois que la porte s'ouvre, mon cœur arrête de battre. Pour repartir de plus belle quand je constate que ce n'est pas lui.

Jusqu'à ce qu'il franchisse l'entrée, et qu'un serveur lui indique notre table, je me ronge les ongles. L'état de mes mains n'est donc pas fameux lorsqu'il arrive mais il n'en tient pas compte. Il me fait signe du menton pour que je reste assise, avant de se jeter littéralement sur la banquette en face. Dès qu'il parle, il jette des regards par-dessus son épaule. Il joue nerveusement avec sa serviette en papier, bientôt transformée en millier de petits morceaux.

— Votre père m'a rendu visite, il y a des années. Il voulait m'entretenir sur un article que j'avais fait paraître après la mort du Président Westmor. Dedans, je faisais part d'une théorie que certains pensait exacte. Kalis Westmor aurait, selon ces personnes, été victime d'un meurtre.

Rien qu'à sa manière de débiter tout cela, je sais qu'il fait partie de « ces personnes ». Pour un journaliste, il est un bien mauvais menteur et je peux aisément lire en lui. Reparler de tout cela est une épreuve pour lui.

Le problème, c'est que la terre a déjà été remuée et je dois maintenant y retrouver les fossiles tant désirés.

Je me penche donc en avant, pour mieux l'entendre alors qu'il baisse la voix :

— J'ai donné tous les documents à votre père. Les preuves, les propos tenus par ses proches et mes propres recherches. Il avait tout en sa possession, lorsqu'il est décédé. Moi, je ne voulais plus parler. C'était trop dangereux et j'avais prévenu Absalon. Il n'a pas souhaité m'écouter et voilà. Maintenant, c'est différent. Il faut la dénoncer. Il faut qu'elle soit arrêtée.

— Mais quelles étaient vos pistes, exactement ?

Encore une fois, il hésite. Il fixe un couple à côté de nous, comme si ces derniers faisaient partie d'une organisation secrète destinée à le détruire. Cet homme est devenu fou, à vivre seul et dans la peur.

Je me demande si je lui ressemble, à m'enfiler des cachetons à la moindre contrariété, à repousser ceux que j'apprécie. Puis, je me rappelle que Chris est parti de lui-même. Je n'ai pas essayé de le repousser, j'ai été forcée de l'abandonner. Contrairement à Lyana, qui reste accrochée à moi comme une moule à son rocher.

Marco Rivera et moi sommes loin d'être la même personne. Finir comme lui n'est pas une option.

— Dites-moi. Racontez-moi ce que vous savez, Marco.

Un rire le secoue, alors que ses poings retombent sur ses cuisses. Sa jambe tremble, mais il ne fait rien pour l'arrêter. C'est comme s'il ne s'en apercevait pas. L'habitude, peut-être ?

En tout cas, gérer ces spasmes nerveux est, pour moi, une véritable épreuve. Je voudrais lui enfoncer la jambe au sol ou lui grogner de s'arrêter. Rester polie est pourtant l'option que je choisi et j'attends patiemment qu'il reprenne.

— Vous n'allez pas y croire. Vous êtes trop proche d'eux pour m'écouter.

— D'eux ? Qui ça, eux ?

— Eux ! Les grands au pouvoir ! Ceux qui sont responsables de la mort de Westmor !

Je me rencogne lentement dans mon siège. Les informations montent. J'ai presque la sensation que mes neurones s'allument un par un. L'air autour de moi est suffoquant, comme dans un four ou au bord d'un gouffre au magma bouillonnant.

D'un mouvement hésitant, j'ouvre un bouton de ma chemise. Je cherche à inspirer mais, à part le poids de mes pensées, rien ne vient gonfler mes poumons.

— Vous êtes en train de dire que... James... est responsable ?

— Pas Jones directement, non. Il est trop bête pour ça. Lui ne s'est pas rendu compte que son jardin était rempli de serpent. Non, la meurtrière, c'est Mari...

Mon visage est éclaboussé de sang avant que je ne puisse entendre les derniers mots. Ils résonnent pourtant dans mes oreilles, tout comme le coup de feu qui vient d'être tiré. Marise Snavelly est la commanditaire. Et Marco Rivera est étalé sur notre table, le crâne ouvert en deux, les yeux vitreux.

Un cri retentit. Deux, trois, dix. Tout est flou autour de moi, j'ai l'impression d'être en plein rêve. En plein cauchemar plutôt.

Un nouveau cri, plus proche cette fois. Une respiration haletante. Une main qui se pose sur mon épaule, une voix qui me murmure quelque chose à l'oreille.

Et encore ce cri, aigüe, insupportable.

Ce cri qui emplit le restaurant, alors que plus personne ne semble être dedans.

J'aimerai dire à celui qui hurle de se taire mais j'ai la bouche ouverte et un son en sort déjà. Pourtant, je n'ai pas l'impression de parler. 

Tiens. 

C'est amusant, ça ne m'était jamais arrivé avant. 

Avoir un homme décédé, attablé en face de moi, non plus d'ailleurs.

Est-ce pour cela que je hurle à m'en déchirer les cordes vocales ? Parce que Marco Rivera vient d'être exécuté devant moi ?

Cela semble tomber sous le sens...

Quelqu'un me secoue, comme pour me réveiller et, tout d'un coup, les bruits percent à travers le nuage qui semble m'englober.

— Syntara, calmez-vous. Arrêtez de crier.

Je ne reconnais pas la silhouette qui se tient debout à mes côtés. Elle n'était pas là avant. Du moins, je crois ? De toute façon, tout le monde a bougé. Une grande partie du restaurant s'est vidée. Dans l'autre, les gens restent tétanisés, recroquevillés sous leurs tables dans l'attente d'un autre coup de feu.

Sauf cet homme, devant moi.

De grands yeux noirs, des cheveux coupés très courts et de la même couleur que les pupilles. Une arme est appuyée contre sa hanche, il porte une oreillette.

Dans un murmure essoufflé, je lance :

— Andrew ?

Il me sourit et semble récupérer un peu de confiance. Mes cris ont enfin cessé. Ceux des autres convives aussi. C'est un silence de cathédrale qui pèse maintenant sur le restaurant. Autour de nous, les gens commencent déjà à sortir leurs portables, pour appeler la Police ou simplement avertir leurs proches que tout va bien.

Andrew, lui, a toujours ses mains posées sur mes épaules. Il ne se focalise que sur moi, vérifiant sûrement que je ne suis pas blessée. Puis, son regard me quitte pour se porter vers quelqu'un d'autre. Vers Rivera.

Je suis son mouvement et, de nouveau, la vision d'horreur me saisit. Marco Rivera, baignant dans son propre sang, la bouche ouverte comme pour prononcer des mots qui ne s'entendront jamais.

Au moins, il y a une certitude dans tout cela : il est mort, sans réaliser qu'il y passait.

J'avais prévenu qu'il fallait rester accrochée 😬  Tu en penses quoi ?? 

Si tu veux qu'on en parle ailleurs qu'ici, tu sais où me trouver ! 

🎵 Tiktok : @ Louisen.autrice

📸 Instagram : @ Louisen.autrice

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant