Chapitre 20

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Nous sommes dans son salon, verres de vin rouge à la main, l'un en face de l'autre pour mieux se regarder. Comme si la situation n'était pas suffisamment embarrassante. Je reste forte, ne flanchant pas lorsqu'il commence son interrogatoire, mais, au fond, je meurs d'envie de partir. Me livrer n'a jamais été une activité que je porte dans mon cœur. Encore moins après ces six ans seule, où la mort de ma famille représentait un sujet que les autres fuyaient.

Mais je lui ai donné cette soirée. Je ne compte pas revenir sur mes propos.

— Sers-moi encore un peu de rouge, il me faut au moins ça pour supporter tes multiples questions.

— Je vais pas t'agresser, tu sais ? Juste apprendre à te connaître.

— C'est la même chose selon moi.

Chris me répond par un rire, remplissant un peu plus mon verre. Il a préparé des spaghettis pour aller avec, mais il semble d'abord vouloir me cuisiner. Dommage pour moi.

Je me rencogne dans le canapé, jambes repliées sous moi dans un geste de protection, puis brandit fièrement le menton. Personne ne pourra me dire que je ne suis pas courageuse. Au contraire, je marche au-devant de ce que j'exècre le plus, sans même détourner le regard.

— Allez, commence.

— Ta couleur préférée ?

— Le rouge.

— Ta saison ?

— L'automne.

— Ton plat ?

— Les frites de patate douce.

Nous continuons ainsi un moment, le temps de me détendre. C'est plutôt amusant comme jeu et, bientôt, Chris se joint à moi pour répondre. J'apprends donc à cette occasion qu'il préfère les chaussettes hautes aux basses, qu'il aurait voulu avoir un poisson rouge – moi, un chien – étant petit et qu'il apprécie plus le matin que le soir.

J'en ai presque oublié le sujet principal de notre conversation, c'est-à-dire moi, quand il sourit et dit tendrement. :

— Ta famille est comment ?

— Morte.

Le mot est sorti tout seul. Après trois verres de vin, en même temps, il est compliqué de retenir sa langue. Surtout lorsqu'elle a été autant déliée par un badinage sans conséquence.

En revanche, cette réponse en a et je le note à l'air déconfit qu'arbore maintenant Chris. Oups. 

J'aurais dû être plus délicate. 

Lui apprendre cela maintenant n'était pas une bonne idée. Du moins, pas de cette manière. Sauf qu'il n'y a pas d'autres manières. 

Il doit me prendre pour une timbrée. Ou une fille insensible. Et peut-être suis-je les deux, après tout.

L'idée n'étant pour autant pas de le faire fuir, je reprends après quelques secondes.

— Mes parents et ma petite sœur ont été assassinés, il y a six ans. Le meurtrier n'a jamais été arrêté. L'enquête a été close sans que j'aie la moindre explication. Voilà pourquoi je n'en parle pas. Ce n'est pas spécialement le sujet que les gens aiment aborder de toute façon. Regarde, toi.

— Quoi, moi ?

Je glousse, préférant cela à la colère, et l'englobe de la main. S'il ne comprend pas où je veux en venir, je ne vois pas comment être plus claire. Il n'y a qu'à constater ses épaules crispées ou ses mains nouées. Il est mal à l'aise et je me doute qu'il ne se sente pas à sa place après cela.

Ce que j'ose lui démontrer, malgré sa volonté de nier.

— T'es tout contracté. Tu parles plus, tu évites mon regard. Tu n'as pas touché à ton verre depuis que j'ai prononcé le mot « morte ».

Il essaye de balbutier quelque chose mais, encore une fois, le résultat parle de lui-même. Chris n'est pas capable de rebondir après ce que je viens d'avouer.

— Ça fait longtemps maintenant, décidé-je de reprendre. Je ne m'en suis pas remise, bien sûr, mais on ne peut pas dire que je n'ai pas eu le temps de l'accepter. Ils ne sont plus là, et j'en ai bien conscience.

— C'est pour ça que tu bois autant ?

Le temps s'arrête après cette remarque et, tout en le dévisageant, je marque moi-même une pause dans mon cheminement de réflexion. Vient-il vraiment...

— Je te demande pardon ?

— Non mais ce n'est pas méchant, ce que je dis. C'est une maladie, je sais bien, mais justement. Je voulais savoir si ton addiction était venue de là.

Pendant un moment, je ne dis plus rien. Ma mâchoire toucherait presque le parquet tellement le choc est grand. D'ailleurs, autour de mon verre, je tremble. Je n'arrive pas à croire qu'il me traite d'alcoolique.

D'où lui vient cette idée ? Comment peut-il penser cela de moi ? Voit-il un instant les faits de mon point de vue ?

Je n'en reviens pas. Et dire que j'ai voulu être sympa. Que je lui ai donné l'occasion de me connaître. 

C'est ainsi qu'il me remercie ?

Je pose violemment mon verre sur la table et, comme un ressort, je fuis le canapé. Chris tend la main, sûrement pour me rattraper, mais je suis plus rapide que lui. Il peut se la mettre où je pense, mon addiction. Tout comme notre relation.

Ma veste sous le bras, mon sac à main sous l'autre, je me dirige vers la porte telle une furie. Je l'entends protester, m'appeler comme je l'ai fait plus tôt dans la soirée au gymnase, mais, contrairement à lui, je ne m'arrête pas.

Non, je traverse les derniers mètres qui me sépare de la porte et le quitte sans me retourner.

Faux pas pour Chris aujourd'hui... tu en as pensé quoi ? C'était adapté de lui dire ou pas ? 

Bienvenue à tout ceux qui nous rejoignent dans l'aventure ! Laissez un commentaire pour me dire si vous êtes là depuis le début ou si vous venez d'arriver !

La suite, mercredi ! 

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