Chapitre 49

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J'ai soif. Je meurs de soif.

J'ai fermé les yeux pour ne plus voir la poussière s'accumuler sous mon nez. Dès que je respire, une bouloche vient vers moi et repart un peu plus loin à chaque fois. Il suffirait que j'inspire un grand coup, et elle viendrait se loger dans mes sinus.

La regarder aller et venir devenait trop insupportable. Fermer mon esprit, en même temps que mes paupières, a donc été la solution. Maintenant, je regrette un peu car, à part la douleur de ma mâchoire ou ma gorge sèche, je n'ai plus aucune distraction. Je ne fais que penser à la mort.

Ma mort.

Reste pas apathique. Bats-toi.

A-t-elle raison ? Cette petite voix qui me souffle de me relever. Sait-elle au moins ce que je risque à vouloir me défendre ? Comprend-elle la peine qui me submerge ?

Non. Car ce n'est qu'une illusion. Elle n'existe que parce que je veux bien l'invoquer. Elle ne sert qu'à me pousser, qu'à me motiver. Mais me motiver à quoi ? Me précipiter vers la mort ? Courir en direction du danger ? Mourir plus vite ?

C'est peut-être ça, oui. Mourir plus vite.

Si je me lève, si je tente de combattre, Dimitri sera obligé de répliquer et l'attente cessera enfin. Comme la douleur. Comme mes pensées. Plus rien n'existera. Parce que je ne serai plus là.

— Elle doit boire. Elle va mourir déshydratée sinon. C'est quoi cette odeur ?

C'est moi. 

Dimitri me montre du doigt. Il n'a pas besoin de parler, juste de pointer. Je baigne dans mon urine depuis trois heures maintenant. Il était impensable que je me retienne plus longtemps.

J'ai beau ne pas avoir bu une goutte d'eau depuis des heures – des jours ? –, cela ne m'empêche pas d'avoir besoin de me soulager. Et, à part me briser la mâchoire, Dimitri ne sait pas faire grand-chose. Je crois que m'aider à aller aux toilettes n'est pas dans ses fonctions.

Snavelly s'avance. Elle a troqué ses vêtements élégants pour des habits plus décontractés mais son expression ne l'a pas quittée. Son parfum non plus.

Froncement de nez de ma part. Ricanement du sien. 

Elle se fout de moi. Elle se fout vraiment de...

Un long hurlement m'échappe alors qu'elle se saisit de mon menton. Je suis incapable de formuler le moindre mot mais les cris en revanche... Ils sont bien plus stridents que ce que je pousse habituellement. Ils renferment toute la souffrance qui me tord les entrailles depuis que Dimitri m'a blessée.

— J'aime les entendre hurler. C'est si doux, à mes oreilles.

Elle me relâche et se redresse, époussetant son pantalon d'une main distraite. Dans mon coin, recroquevillée pour leur donner le moins de points à frapper, je continue de gémir. Je me fais penser à la souris que notre ancien chien avait un jour coincé dans la maison. Un terrier. Il l'avait sentie à la seconde où elle avait mis une patte dans la cuisine. Ses dents n'avaient pas mis longtemps à trouver la pauvre victime et, dans toute la masure, avait résonné ses couinements plaintifs, jusqu'à ce que Jack ne l'achève de ses griffes.

Le petit rongeur avait dû être soulagé, que sa peine soit ainsi terminée.

Je le serai, si c'était ce qu'il se passait pour moi. J'ai trop souffert ces dernières heures – jours ? – pour encore supporter leurs petits jeux. Je veux juste un bon coup de couteau dans la carotide, qu'on en finisse.

— On va envoyer une petite photo à notre cher Président, il semble beaucoup tenir à toi, Syntara ! Et ensuite, tu pourras y aller Dimitri.

— Il saura que c'est vous ! lancé-je avec aplomb.

C'est du moins ce que j'essaye de faire mais les mots qui sortent de ma bouche sont à peine articulés. Je suis totalement incompréhensible et le résultat fait visiblement mourir de rire mes deux bourreaux.

Incapable de retenir mes larmes, je relâche toutes mes émotions d'un coup et m'enfonce un peu plus dans le sol. Comme si je pouvais me fondre dans le béton. Comme si je pouvais me dissoudre et disparaitre.

Le bruit d'une photo prise répond à mes pleurs, puis c'est au tour du rire de Snavelly d'emplir la pièce. Elle est si fière, si heureuse de son acte. A croire qu'elle a eu le plan le plus parfait de la terre.

Elle semble oublier une chose. James l'accuse déjà de m'avoir kidnappée. Si elle envoie cette photo, même avec un téléphone qui ne serait pas à elle, cela ne fera que la pousser dans la tombe qu'elle s'est creusée.

— Et voilà. Envoyé !

Snavelly me provoque d'un mouvement de menton. Elle croit vraiment avoir gagné la partie. Pourtant, elle vient de commettre la pire erreur de sa vie.

Bats-toi, maintenant.

Je pose sur Snavelly un regard provocateur. Je ne peux rien faire d'autre et c'est sûrement cela qui me pousse à être aussi querelleuse. Les mots ne sortiront pas par ma bouche mais s'exprimeront à travers mes yeux.

Elle le comprend d'ailleurs très bien car, visiblement perturbée que j'ose lui « répondre », elle me pointe du doigt et grogne :

— Occupe-toi d'elle. Elle ne nous est plus utile.

Parfait. Qu'il vienne. Dimitri me terrifie mais, au fond, ce qui adviendra ici ne me préoccupe plus. Je dois mourir aujourd'hui. C'était écrit, sinon, je ne souffrirais pas autant. Retrouver ma famille, je l'ai toujours voulu.

Cela ne m'embête pas tant que ça de faire mes adieux à la terre.

J'aurais simplement voulu le faire dans d'autres conditions.

— Fais le lentem...

Le bruit d'une porte que l'on défonce coupe Snavelly dans sa phrase. En bas, des dizaines de bruits de pas. Ils étaient bien plus près que ce que j'imaginais.

Que ce qu'envisageait Marise, également, vu l'air paniqué qui déforme maintenant ses traits.

— TUE-LA !

Dimitri secoue la tête et, l'instant d'après, il se volatilise. Il semblerait que servir Snavelly ne soit pas l'objectif premier du tueur à gage. Sauver sa peau, en revanche...

Je suis encore par terre quand les agents pénètrent dans l'appartement. Ils se rapprochent de plus en plus ; on distingue chacun de leurs pas, de leurs ordres. Elle aussi les entend. Et la seule réponse qu'elle trouve à cette menace est de se précipiter vers moi et de me brandir devant elle comme un bouclier.

Une lame appuie contre ma gorge, au moment où la porte s'ouvre.

— SI VOUS AVANCEZ, JE LA BUTE !

Snavelly n'a nulle part où aller. Dans notre dos, les fenêtres. En face, la porte est condamnée par trois grands gaillards. Tous des agents armés jusqu'aux dents, surentraînés et capables de l'arrêter en un claquement de doigts.

Malheureusement, je forme une barrière entre les deux groupes. Gilet pare-balle pour l'un, dommage collatéral pour l'autre. Je suis l'élément sacrifiable.

Le coup de feu part avant que je n'aie pu bouger. Le temps semble s'étirer. Il n'y a pas un bruit. Sauf mon cri de douleur quand la balle entre dans ma peau.

Il ne reste plus qu'un chapitre (sauf si je décide d'en ajouter 🤫) Tu penses que la fin va être bien ? 

Vu ce qu'il vient de se passer... 

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant