Chapitre 17

25 2 9
                                    

La ville est beaucoup plus vivante que tout à l'heure, de nombreuses voitures circulent dans les grandes avenues et les gens marchent rapidement à travers les rues. Les odeurs habituelles de l'essence, de la sueur et de la crasse emplissent mes narines et me rappellent que rien ne change un endroit.

Ni une campagne électorale. Ni le meurtre d'une famille.

Les vies des plus petits ne valent rien finalement. Et même des plus importants. Mon père l'était. Cela ne l'a pas empêché de disparaître des mémoires collectives en six ans à peine.

Cette réalisation me fout le cafard. Personne n'a conscience de leur mort, personne n'en a rien à faire. Pourquoi ? Comment ? Que s'est-il passé pour que...

Quelqu'un me percute violemment, me projetant carrément contre un mur. J'ai l'impression d'être une brindille que l'on balance dans le vent et qui ne parvient pas à résister. Tout ça à cause de ma stupide tête qui bourdonne encore de la veille. Ou de mes jambes fatiguées par l'exercice matinal.

Sans même avoir le temps de pourrir la personne qui a eu l'affront d'enlaidir ma journée encore plus, je ressens une vive douleur à la poitrine. Un liquide brun est étalé sur ma peau ainsi que sur mon nouveau tailleur, une odeur forte s'en dégage. La senteur du café. Brûlant, par ailleurs !

Criant de douleur et de colère, je passe ma main sur ma poitrine, tentant d'enlever tout le liquide affreusement chaud de ma peau découverte.

— Je suis vraiment déso... Syntara ?! Oh merde, désolé. Est-ce que tout va bien ?

Il fait un pas vers moi mais je le repousse d'une main sans même chercher à reconnaitre l'homme qui me parle. Je remarque seulement le mouchoir dans sa main, et lui lance donc d'une voix cassante :

— Passez-moi ce morceau de papier. Tout de suite !

L'incompétence des gens m'hallucinent. Sont-ils bêtes à ce point ? Ne pas regarder où l'on marche. Ce que l'on fait. Et ne pas aider, surtout ! Une honte. Tout simplement une honte.

Relevant la tête vers mon agresseur, je l'observe plus longuement, surprise de le reconnaitre. Ses cheveux blonds, d'habitude si bien coiffés, frisotent sur ses tempes et le haut de son front, et ses vêtements, en général si élégants, ont été remplacés par un jean et un tee-shirt banal.

— Monsieur le Pré... James, je... Je ne savais pas que c'était vous. Veuillez me pardonner, j'ai été extrêmement impolie envers vous.

James me tend son mouchoir, balayant mes excuses de la main. De mon côté, je suis tétanisée. Je n'ai pas pour habitude de réprimer mes propos, qu'importe la personne qui se trouve devant moi. Malheureusement, dans ma situation, je ne peux pas me permettre de rester aussi véhémente.

Je m'apprête donc à me répandre en excuses, quand il reprend.

— Tenez, prenez-le. Je préférerais éviter d'être la cause d'une vilaine brûlure. Votre copain risque de ne pas être très content de voir que quelqu'un a eu l'affront de vous renverser du café en pleine poitrine. C'est moi qui devrais réclamer votre pardon, non l'inverse.

Il me sourit, sourire que je lui retourne, plus gênée qu'amusée. Cette situation est terriblement désagréable.

Pour m'occuper l'esprit et les mains, j'éponge encore un peu le café qui a dégouliné tout le long de ma poitrine puis m'attaque à mon tailleur. Malheureusement, la tâche n'a pas l'air de vouloir s'en aller, ce qui ne me surprend guère finalement.

— Merci, pour le mouchoir... C'est très gentil de votre part de vous inquiéter pour moi bien que vous sembliez plus préoccupé à propos d'un éventuel guet-apens de la part de mon copain imaginaire.

Mémoire PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant