Chapitre 2

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Un bruit dans le couloir me fait relever la tête. Une porte qui claque ? Ou une fenêtre qui se referme ? Je n'en sais rien.

Mon regard s'attarde sur les grosses aiguilles de l'horloge. 9 heures 30. Il faudrait que je sorte de cette salle de bain. Que je me nourrisse, que j'envisage d'aller au travail. Mais rien de tout cela ne m'intéresse. Je n'en ai plus rien à faire de vendre des chaussures. Manger mes céréales du matin ne me fait ni chaud ni froid.

Alors, je reste là. J'attends simplement qu'un nouveau bruit retentisse. Cette fois, ce sont des pas. Je devrais être rationnelle et me rappeler que ma maison est ultra protégée mais, bien évidemment, je ne parviens pas à me maîtriser.

La possibilité qu'on revienne pour moi, six ans après, me terrorise autant qu'elle m'attire. C'est sûrement pour cela que j'attrape une serviette, m'entoure dedans et ouvre la porte, le plus discrètement possible, pour sortir dans le couloir.

Mes cheveux gouttent, trahissant ma position. Eux aussi laissent des traces rouges sur mon passage. Si je meurs aujourd'hui, ma nouvelle coloration écarlate se mêlera à mon sang. Au fond de moi, une petite voix me rappelle que je ne vais sûrement pas y passer. Cela ne m'empêche pas de me saisir d'un vase devenu arme fatale.

Arrivée près de ma chambre, j'entends de nouveau le bruit étouffé. Quelqu'un se tient près de la fenêtre. Pour un tueur, il est habillé de façon très criarde, jean bleu et tee-shirt rose fluo.

Criarde et de mauvais goût.

Avant même que j'essaye d'abattre mon « arme » sur l'intrus, la personne se retourne. J'aimerais lever le bras mais celle qui me fait face m'en empêche par sa simple présence. Elle me dévisage avec incrédulité, ce qui me semble logique maintenant que j'analyse la situation, et s'exclame :

— Mais qu'est-ce que tu fais, Syntara ?!

Lyana n'a pas bougé d'un poil. Elle est toujours près de la fenêtre, une main sur le battant comme pour avoir une porte de sortie dans le cas où je pèterais un plomb. De mon côté, j'ai du mal à comprendre ce qu'elle fait ici. Elle aurait pu sonner, avant de s'introduire dans cette maison qui a vu tant d'horreurs se dérouler. Puis, ce n'est pas comme si ma meilleure amie n'était pas au courant de tout cela.

Depuis six ans, elle supporte mes crises d'angoisse, mes appels pleins d'anxiété et mes remarques emplies de peur. Elle sait que je redoute Son retour.

— Désolée, me dit-elle contrite. J'ai sonné plusieurs fois et je t'ai appelée mais tu ne répondais pas. Je voulais... te faire sortir du lit.

Incapable de lui en vouloir après qu'elle m'a dit cela, je pose mon vase sur le premier meuble que je trouve pour aller la retrouver. Nous ne sommes pas stupides, nous savons toutes les deux la véritable raison de sa présence. Son inquiétude a pris le dessus sur le reste.

Alors que ses bras m'entourent, je me blottis contre elle, le visage niché dans son épaule. Sa respiration calme apaise soudainement la mienne et ce n'est que là que je m'aperçois de ma poitrine enserrée.

Tous ces événements n'ont fait que me ramener dans le passé. Rajouté à cela mon rêve, je peux sans exagération annoncer que je suis au bord de la rupture.

C'est sûrement pour cette raison que Lyana murmure :

— Je suis désolée. Vraiment. Tu ne peux pas savoir à quel point je me sens coupable...

Cette phrase vient se coller dans mon esprit. Moi aussi je me sens coupable. Je n'ai pas été là pour mourir avec le reste de ma famille, je les ai laissés mourir sans moi. Encore aujourd'hui, j'en paye le prix. Il n'y a qu'à voir comment je tremble à la moindre présence.

Toujours en serviette, je recule afin de l'observer. Elle me sourit tristement et me caresse l'épaule d'un geste protecteur. Elle est si douce avec moi. C'est amusant de l'avoir, rien que pendant quelques secondes, imaginée être l'assassin que je recherche depuis si longtemps.

— Habille-toi. Je vais préparer à manger. Ensuite, on parlera. D'accord ?

Elle ne me laisse pas le temps de répliquer, disparaissant déjà dans le couloir.

C'est l'odeur de nourriture qui me conduit quelques minutes plus tard jusqu'à la cuisine. J'y retourne rarement, depuis cette fameuse après-midi où j'ai trouvé ma famille assassinée. Tout est mieux que cette pièce, même les burgers trop salés d'Anthony.

Mais quand il faut, il faut.

Après tout, ma meilleure amie m'y attend, je ne peux pas la détourner de cet endroit. Elle me proposera encore de déménager et rien que cette idée m'angoisse. Je préfère donc sourire en la rejoignant et jouer les filles écervelées. Faire comme si j'avais tout oublié.

— Synt ? Tu m'écoutes ?

Je relève la tête de mon assiette, réalisant enfin à quel point j'ai été inattentive. Je n'ai pas du tout fait attention à ce qu'elle me raconte, tellement perdue dans mes pensées que je n'ai pas prêté une oreille attentive à la conversation.

— Sorry... Tu disais quoi ?

Passant une main dans mes cheveux, j'essaye de me concentrer sur ce qu'elle me raconte. Mais rien.

Je ne comprends strictement rien à ce qu'elle me dit.

Des mots se fixent dans mon esprit par-ci par-là : Travail, exercice, canon, devrais venir. Ils s'assemblent pour s'emmêler de nouveau. C'est drôle, j'ai longtemps cru que mon manque d'inattention était passé, en même temps que ma culpabilité. M'approcher de l'anniversaire de leur mort doit être une épreuve plus dure que j'imaginais. Même après autant de temps.

— Tu veux que je vienne où, au juste ?

— A mon cours d'auto-défense. C'est ce que je te disais il y a deux minutes à peine. Il y a ce mec, Chris, qui en propose. Je pense que ça serait bien pour toi. Enfin... Quand ça ira mieux je veux dire, tu n'as pas l'air d'être dans ton assiette.

Lyana a raison. Ça a beau m'arracher la bouche de l'avouer, elle sait que j'ai besoin de cela pour me remettre sur pied. Mais je ne suis pas prête. Je ne veux pas sortir de la maison. Je ne veux pas reprendre le cours de ma vie.

— Il te plait, ce Chris ?

Je sens son regard me suivre alors que je traverse la pièce, afin de débarrasser les restes de notre repas.

Elle sait ce que je suis en train de faire. Lyana n'est pas dupe et elle ne se laissera pas détourner de ses objectifs aussi facilement. Pourtant, elle ne réplique pas tout de suite. En fait, elle ne dit rien pendant un moment. Jusqu'à ce que...

— Quand est-ce que tu recommenceras à vivre, Syntara ? Quand est-ce que tu prendras conscience que ta vie n'a pas cessée, il y a six ans ?

Je me tourne vers Lyana, qui attend patiemment ma réaction. D'un regard froid, je la fixe. Je ne devrais pas entrer dans son jeu et pourtant, je me retrouve à lancer quelques secondes plus tard :

— Quand j'aurai retrouvé celui qui a fait ça. Quand cette personne sera derrière les barreaux ou six pieds sous terre.


On en pense quoi de la fin ? 😱 Tu trouves pas que Syntara se met DÉJÀ dans les problèmes ? 

La suite tout de suite ! 

Et si tu veux me retrouver ailleurs qu'ici...

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