Proposition

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La lumière du jour me libéra de mon sommeil agité par des cauchemars qui ne m’avaient laissé aucun répit. Les membres engourdis, je sortis peu à peu de ma torpeur. Mes yeux cherchèrent une présence rassurante à laquelle s’arrimer, mais j’étais seule, dans une pièce que je ne reconnaissais pas.
Paniquée, je me redressai brusquement et une vive douleur me rappela la raison de ma présence ici. J’avais suffisamment passé de temps dans des hôpitaux, étant plus jeune pour savoir que c’était là, que je me trouvais.
Une vague réminiscence de mon agression me revint en mémoire et une grimace de dégoût s’imprima sur mon visage meurtri.
Mon nouveau départ n’était pas une réussite… mais je n’eus pas le temps de reconstituer les événements qui étaient survenus. Mes forces semblaient m’avoir abandonnée et je sombrai à nouveau dans le sommeil avant d’être réveillée par un bruit sourd.

Je sursautai et me rendis compte que je n’étais plus seule dans ma chambre. Et, ce n’était pas la présence rassurante de Pio que je trouvais, mais celle d’un inconnu qui devait être à peine plus âgé que moi. Il avait des traits fins, des traits qui me semblaient étrangement familiers… De sa chevelure brune, en bataille, s’échappaient quelques mèches bouclées qui retombaient sur son front. De grande taille, son corps mince et musculeux était vêtu simplement, mais cela lui seyait parfaitement. Puis, mon regard fut capté par ses yeux bleus pénétrants qui me détaillaient.

Autant intriguée qu’effrayée, j’attendis qu’il prenne la parole pour connaître la raison de sa présence dans ma chambre. Vu sa tenue et son âge, il ne semblait pas faire partie du personnel hospitalier. Après d’interminables minutes, il rompit enfin le silence.

— Bonjour, Aliya, vous ne me connaissez pas et j’imagine que ma présence dans votre chambre doit vous questionner. Tout d’abord, je suis désolé de ce qu’il vous est arrivé. Votre dossier médical m’a appris que vous aviez, entre autres, plusieurs cotes cassées, ce qui doit être… affreusement douloureux et j’imagine que vous devez être fatiguée, je tâcherai donc d’être bref. Je sais beaucoup de choses sur vous, Aliya, notamment concernant vos difficultés financières. Vous avez toujours vécu dans la précarité, mais ça a empiré depuis que votre ami s’est installé chez vous. Vos fins de mois sont difficiles, combien de repas par jour devez-vous sauter ? Un ? Deux ? Et vu les dettes qu’il a contractées, vous n’êtes pas près de sortir la tête de l’eau.... Cependant, je dois bien avouer que je suis admiratif de votre générosité.

— Je vous félicite, vous vous êtes bien renseigné sur moi, mais, je croyais que vous deviez être bref et je commence à trouver le temps long, répondis-je, à la fois agacée qu’il en sache autant et, inquiète quant à ses intentions envers moi. Que me voulez-vous ?

— Vous venez de vivre un événement… regrettable, mais je suis venu vous proposer de le mettre à profit, dit-il d’une voix assurée. J’ai les moyens de changer votre vie et de vous permettre de vivre confortablement.

Je me redressai, choquée par la proposition qu’il était en train de me faire, mais une douleur fulgurante me rappela à quel point je souffrais à cause de ce qu’il appelait « un événement regrettable ». Je grimaçai et dus me rallonger en essayant de maîtriser ma douleur avant de parvenir à lui répondre :

— Sérieusement ? Vous êtes en train de me proposer de l’argent ? Et c’est quoi la contrepartie ?

— Et bien… vous avez eu un traumatisme crânien donc j’imagine que vous avez oublié le visage de votre agresseur et qu’il serait donc inutile de porter plainte.

— De l’argent contre mon silence ! m’offusquai-je. Pour qui me prenez-vous ? C’est hors de question ! La culpabilité est sûrement une notion qui ne vous est pas familière, charge à moi de vous l’expliquer. Si cet homme agresse à nouveau quelqu’un et que je n’ai rien dit, je serais responsable de ce qu’il se sera passé. J’ai une conscience, moi, dis-je en insistant sur le mot « moi », alors ma réponse est catégorique, c’est non !

— Réfléchissez bien. Ce serait fâcheux qu’il arrive malheur à votre ami Pio parce que vous avez pris la mauvaise décision.

— Vous me menacez ? m’indignai-je. Laissez-le en dehors de tout ça, il n’a rien à voir dans cette histoire.

— Ce n’est pas à vous d’en décider. Et, je vous explique seulement qu’il serait dommage que vous ne tiriez aucun bénéfice de cette situation. Ils ne vous laisseront pas porter plainte.

— Qui ça ils ? Sa famille ? Je sais qu’il est très fortuné et que sa mère l’est aussi, mais, et vous dans tout ça, vous êtes qui ? Son frère ? Son cousin ?

Je venais de comprendre pourquoi son visage m’avait paru familier. Bien qu’il ressemble peu à mon agresseur, ils avaient quelques traits en commun.

— De combien de femmes avez-vous acheté le silence pour qu’il puisse agir comme il le fait en toute impunité ? poursuivis-je en fulminant.

— Moins vous en savez, mieux vous vous porterez.

— Tout s’achète pour vous, n’est-ce pas ?

Il me fixait et son visage restait inexpressif, comme depuis le début de notre échange. Ne ressentait-il donc rien ? Ou était-ce un bon acteur ?

— Allez-vous faire foutre, repris-je de plus en plus agacée par son comportement et surtout, indignée par sa proposition, l’argent ne m’intéresse pas ! Comme vous l’avez dit, j’ai toujours été pauvre et je m’en accommode très bien.

— Vu votre état, je doute que vous soyez capable de prendre les bonnes décisions. Je vous laisse y réfléchir. On se reverra.

Il partit sans me laisser le temps de lui répondre, ce qui ne fit qu’accroître ma colère.

Oui, nous nous reverrons et je serais prête à t’affronter !

Mais quelque chose me disait que, pour le moment, je n’aurais effectivement pas d’autre choix que de me taire pour protéger mon ami. Cependant, il était certain que jamais, je n’accepterai leur argent.

Aliya (sauve-moi) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant