Plan : Phase 1 Part 3

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Zach

Je me trouvais dans le petit appartement d'Ali, tournant pitoyablement en rond depuis des heures, ou peut-être, n'est est-ce que des minutes que mon angoisse grandissante faisait tourner au ralenti.

Ali avait promis de me détailler l'intégralité de son plan à condition que je lui promette de la laisser gérer seule la première partie, et que je l'attende sagement chez elle. Elle n'aurait besoin de Pio et moi que pour la deuxième phase.

Pourquoi m'imposait-elle de rester aussi loin, se forçant ainsi à rentrer seule la nuit ? Sans doute par peur que j'intervienne et gâche son plan...

Je respectai plus ou moins la parole que je lui avais donnée puisque, bien que je ne l'aie pas accompagnée, j'avais demandé à un homme, qui avait assuré la sécurité de mon père et qui était devenu un ami, de veiller sur elle.

Pio non plus, n'avait pas tenu sa promesse. Il était avec moi et avait préféré renoncer à son voyage, ne pouvant se résoudre à l'abandonner une fois de plus.

Aucun de nous ne parlait. Bien sûr, nous savions qu'elle nous en voudrait ou, plus probablement, qu'elle serait déçue de voir que nous ne lui avions pas fait confiance. Elle aurait raison.

Peut-être que l'amour est un sentiment un peu égoïste qui nous pousse à tout faire pour garder auprès de soi les personnes que l'on aime, quitte à les surprotéger voire à leur mentir.

Pourtant, Pio savait tout comme moi qu'elle était pleine de ressources, sans doute plus que nous ne l'étions, et capable de s'en sortir seule, mais nous savions aussi qu'elle était têtue et prête à tout pour les personnes qu'elle aimait. Mais, jusqu'à quel point ?

Si elle nous tenait dans l'ignorance, c'est qu'elle devait avoir peur et souhaitait nous protéger.

Assis par terre, Pio fixait désespérément la porte en se tordant nerveusement les doigts. Quant à moi, je tournais toujours en rond et je ne cessais de sentir les vibrations imaginaires de mon téléphone, qui me faisaient chaque fois espérer que ce soit elle. Chaque fois, mon cœur battait à tout rompre et une boule se formait dans ma gorge tandis que, les mains moites, je déverrouillai l'écran. Mais non, aucun message, aucun appel en absence. Rien.

J'avais la certitude qu'une interminable attente pouvait rendre fou. Mon angoisse était à la hauteur des sentiments que j'éprouvais pour cette fille.

Soudain, nous entendîmes du bruit dans la cage d'escalier. Pio se leva précipitamment et je me retournai pour fixer la porte comme lui, haletant. Mais, les pas ne s'arrêtèrent pas à notre étage et poursuivirent leur route, piétinant notre espoir.

Le pire était que je m'étais douté de l'endroit où elle voulait aller, hypothèse qui fut confirmée par mon ami qui la suivait, alors, rester ici me rendait fou !

Lorsque j'avais appris que mon frère l'avait agressée sexuellement, j'avais compris que, la première fois où Ali était venue chez moi et avait lu le dossier que ma mère avait fait sur elle, c'était cet élément, dont je ne disposais pas à l'époque, qui lui avait permis d'imaginer son plan.

Ce n'était certainement pas un hasard si Lucas l'avait emmenée dans une pièce inaccessible au public, ou presque, et Ali devait penser qu'il pouvait y avoir une caméra ou alors, elle l'avait vue. Mon frère était imbu de sa personne, narcissique et se croyait tout permis. Aurait-il pu avoir envie de garder un souvenir de ces méfaits ? Ça n'aurait pas été surprenant venant de lui.

Comme dans le bureau de l'entraineur de Lucie... Comme s'il essayait de reproduire certains évènements du passé... Qu'est-ce qui m'échappait encore ? J'étais certain qu'Ali avait une longueur d'avance...

En attendant, nous n'avions toujours pas de nouvelles d'elle. Et le temps était long... bien trop long...

Nous entendîmes à nouveau du bruit dans l'immeuble, de plus en plus fort, à mesure que l'individu se rapprochait. Cette fois-ci, les pas s'arrêtèrent à notre étage. Je retins mon souffle, les yeux rivés sur la porte, le cœur battant la chamade.

Puis, j'entendis le bruit d'une clé que l'on introduisait dans la serrure et elle entra, enfin, nous libérant de cette attente infernale. Lorsqu'elle nous vit, elle nous lança un regard noir. Quant à moi, je la détaillai des pieds à la tête et mon cœur se serra en voyant une marque bleue sur son cou. Qu'avait-elle dû endurer cette nuit et dans quel pétrin s'était-elle mise ?

— Vous êtes désespérant ! lança-t-elle en colère. Aucun de vous ne me fait confiance ! Zach, tu penses vraiment que je suis stupide au point de ne pas remarquer que tu m'as fait suivre ? Ton ami n'est pas discret et je l'avais déjà vu plusieurs fois avec toi, je l'ai reconnu tout de suite. Quand à toi, Pio, tu ne devrais pas être ici, mais à des centaines de kilomètres !

Elle était perspicace et visiblement, physionomiste, contrairement à moi...

Elle se laissa tomber sur son canapé et sortit un objet de sa poche qu'elle tendit en direction de son meilleur ami.

— Tu peux regarder ce qu'il y a dessus ? reprit-elle. Juste les premières secondes. Il pourrait y avoir un virus dessus, je n'y connais rien, je te laisse faire.

Pio ne se fit pas prier, il saisit la clé USB, alla chercher son ordinateur portable dans la chambre et revint le poser sur la table basse, en face d'Ali. Il s'assit en tailleur et inséra la clé.

Je pris place à côté d'Ali et fixai Pio qui pianotait, je ne savais quoi, sur son clavier. Puis, il leva les yeux sur son amie, affichant un air désemparé.

— C'est la vidéo de ton agression, souffla-t-il.

— Tu en es sûr ? l'interrogea-t-elle la voix tremblante. Est-ce qu'on voit le visage de Lucas ?

— Je... je ne sais pas. Il faudrait que quelqu'un la visionne.

Elle prit sa tête entre ses mains avant de la relever et de poser ses yeux noisette larmoyants sur moi.

— On pourrait demander à ton ami de la regarder et de nous dire si on voit son visage ? Je ne me sens pas capable de la visionner...

— Tu es sûre de vouloir demander ça à un inconnu ? Et de te fier à lui ? répondis-je perplexe.

— Tu as une meilleure idée ? Tu veux avoir ce genre d'images dans la tête ? rétorqua-t-elle.

Je n'aurais su dire si elle était en colère ou désespérée. Probablement un peu des deux.

— Il vaudrait peut-être mieux que je m'en charge, proposa Pio. Étant donné l'angle de vue, s'il tourne la tête, on le verra. Je peux visionner en accéléré pour vérifier.

— Je ne sais pas... dit-elle d'une voix à peine audible. Non, je... je crois que c'est une mauvaise idée.

— Princesse, je ne veux pas qu'un inconnu regarde ça. Mais, bien entendu, on fera comme tu voudras seulement, sache que je peux faire en sorte de ne voir que très peu de choses, juste assez pour savoir si on le voit bien et si on peut se servir de cet enregistrement contre lui.

— Tu es vraiment sûr de vouloir regarder ça ?

— Non, mais je veux encore moins qu'un inconnu visionne ces images.

— Il vaudrait mieux que je m'en charge, soupira-t-elle.

— Tu en as assez fait pour ce soir et puisque je suis là, autant que je serve à quelque chose. Tout ira bien princesse, lui assura Pio.

Elle hocha la tête pour donner son accord puis elle reporta son attention sur ses pieds, fuyant le regard de son ami.

La tension était palpable. Nous retenions notre souffle en attendant le verdict.

— On le voit plusieurs fois et on le reconnait parfaitement, annonça-t-il la voix brisée. Il n'y a aucun doute possible quant à ce qu'il s'est passé...

Ali releva la tête, leurs regards se rencontrèrent. La tristesse mêlée à de la colère qui se lisait sur le visage de Pio et le désarroi et la honte qui peignaient celui d'Ali ne laissaient que peu de place au doute. Elle n'avait pas révélé l'intégralité des évènements qui lui étaient survenus, ni à moi ni à Pio, et il venait de le découvrir de la plus douloureuse des manières.

Aliya (sauve-moi) - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant