Ma Prison Dorée

Chapitre 3

Masson

Il faut que je me calme... Comment ose-t-elle me parler de cette façon ?

J'ouvre mon paquet de clopes et allume une cigarette en espérant que la nicotine apaisera ma colère. « Le bouffon du roi » non mais sérieux ! Elle a de la chance... Même si je ne toucherai jamais une femme, je n'aurais clairement pas laissé passer ça si elle n'était pas qui elle est. Elle a bien changé en six mois de temps. Jamais elle ne s'était autorisée à me répondre jusqu'à présent. Elle était du genre à baisser la tête et à partir dans le sens opposé dès que je lui faisais une remarque. On dirait qu'elle a pris confiance en elle. La voir comme ça, dans cette robe, me prenant de haut... Il semblerait que la jeune adolescente que j'ai rencontrée pour la première fois il n'y a pas si longtemps n'est déjà plus la même.

Je m'adosse à la voiture en regardant Matt sortir de la boutique. Je rumine. Comment ma vie a-t-elle pu prendre un tel tournant... J'ai déjà mon père sur le dos avec ses réflexions de merde, donc il est hors de question que je laisse cette petite princesse me prendre de haut comme elle l'a fait.

Matt se rapproche de moi à toute allure. Il a complètement revêtu son visage de mec mafieux. C'est déboussolant de voir à quel point il peut se comporter différemment avec sa sœur vis-à-vis de l'homme que j'ai l'habitude d'avoir face à moi.

Avec sa sœur il est calme, souriant et attentionné. Il reste néanmoins très protecteur envers elle même si, pour ma part, je trouve toute cette protection rapprochée disproportionnée. Je ne fais aucune remarque sur la façon dont sa sœur m'a parlé malgré toutes les insultes que je lui assène intérieurement. À vrai dire, je ne lui parle presque jamais d'elle, de peur de l'énerver. Je sais à quel point il est extrême dans ses actions envers quiconque lui proférerait des insultes. Puis même sans ça, il y a rien à dire sur cette gamine.

Il y a un an, lors d'une ronde de routine autour de la villa Guerini afin de voir si tous les gardes étaient à leur poste, nous avions entendu les bribes d'une conversation entre deux gardes. Le premier disait à son acolyte que cette salope de petite princesse aura un jour ce qu'elle mérite car celle-ci avait raconté à son père qu'il était en train de dormir lors de son tour de garde de nuit. La réaction de Matt à été sans équivoque, après un passage à tabac, il l'a fait enfermer au sous-sol. Pour faire simple : je ne l'ai jamais revu. Depuis, le bruit court entre les gardes de ne jamais prononcer son nom.

Adepte de torture, il prend plaisir à interroger quiconque est susceptible d'être un ennemi ou une taupe afin de recueillir des informations potentielles. Je n'ai pas assez de doigts pour compter combien de fois il nous est arrivé de faire ça ensemble.

Depuis maintenant deux ans, nous formons un binôme de choc, lui et moi. J'avais des doutes au début mais j'ai très vite compris qu'on avait plus de points communs que je ne le pensais. Entre les réceptions de marchandises illégales, les interrogatoires musclés et le trafic de drogues, nous travaillons main dans la main afin d'éviter tout malentendu lors de ces échanges. Chaque commerce de son territoire doit lui remettre un pourcentage sur leurs recettes à chaque fin de mois s'ils veulent continuer leur business. Il pourrait y envoyer ses hommes de main, mais il préfère faire le boulot lui-même afin de veiller à la bonne cohésion entre les différents patrons et lui. Il a établi un réel lien de confiance avec eux en leur promettant soutien en cas de problème avec la mafia voisine.

L'utilisation du couteau est ce qu'il préfère pendant la torture, une vraie boucherie. Moi je préfère les flingues, tireur aguerri, j'aime viser les parties du corps non vitales en les regardant très, très lentement se vider de leur sang. Lire sur leurs visages la peur de mourir à petit feu pendant des heures jusqu'à la perte de connaissance et pour finir, la mort. Nous savons tous les deux de quoi nous sommes capables. Nous avons créé un climat de confiance l'un envers l'autre.