Chapitre 42

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Aria

Je n'ai jamais vu personne s'adresser à mon père comme vient de le faire Masson. Je n'ai jamais vu personne s'approcher de mon père, d'une manière aussi menaçante et intimidante, comme il vient de le faire. Son regard froid fixe mon père avec une assurance glaciale, faisant retenir le souffle du monde présent qui attend la suite de cet affrontement silencieux.

Pour ma part, un frisson me parcourt l'échine en observant mon garde du corps se positionner devant mon père avec une confiance calculée. Je suis figée, pétrifiée par son sang-froid, incapable de détacher mes yeux de cet homme qui semble personnifier l'obscurité elle-même. Je ne parle pas ici des ténèbres embrasées, avec leurs flammes et toute la mise en scène de l'enfer. Non, je fais référence à ces ténèbres glaciales, un désert de glace dénué de toute vie... sans âme qui vive. Le néant.

La seule petite étincelle qui arrive à ne pas faire cristalliser mon cœur, est de savoir qu'il prend ma défense. Et pas devant n'importe qui... mon père lui-même. Qui oserait ?

— Je... m'en... occupe, répète-t-il en insistant sur chaque mot.

À vrai dire, ça sonne davantage comme un ordre qu'une requête.

— Masson, le préviens mon père d'une manière menaçante.

— Lucca, ajoute Masson du même ton.

Je n'ose pas regarder mon père. Je ne peux pas de toute manière. Mon regard est toujours ancré dans celui de Masson, sombre et profond, révélant toute la noirceur qui s'y trouve. Comme un puits, j'ai l'impression de tomber dedans. Une chute sans fin.

C'est un peu comme lorsque vous vous réveillez brusquement au milieu de la nuit après avoir fait un cauchemar où vous avez chuté d'une falaise, et cette sensation vous fait bondir hors du sommeil, le cœur tambourinant dans votre poitrine. Sauf qu'à cet instant, je ne dors pas. Je suis pleinement éveillée, et cette sensation, au lieu de simplement passer lors d'un réveil, elle dure indéfiniment.

Mon cœur bat à tout rompre. De peur ? D'excitation ? J'en ai aucune idée. Un mélange des deux, probablement.

— Sors là d'ici et vite, abdique mon père en grinçant des dents.

Il me relâche et je me frotte le bras pour atténuer la douleur face à la fermeté de sa prise qui exerçait une pression dessus. Masson ne perd pas de temps et me prend le bras pour que je le suive. La foule s'écarte à son passage, moi suivant de près, tirée par lui.

— Masson, l'interpelle mon père, ce qui le fait s'arrêter. Fais attention à ce que tu fais. Je veux te voir dans mon bureau demain.

Il est resté de dos, les muscles crispés et sa main serrant mon bras de plus belle, mais il le desserre aussitôt, se rappelant sûrement que c'était moi qu'il tenait. Il a repris sa route sans attendre et nous sommes sortis du pub. Il marche vite, trop vite.

— Tu vas trop vite pour moi, j'ai dû mal à te suivre, je lui indique en manquant de me casser la gueule.

Il se retourne en un éclair et me soulève dans ses bras, me portant comme une mariée.

C'est quoi ce bordel.

Je lui demande de me lâcher mais aucune réponse ne sort de sa bouche. Il se rapproche de la sortie.

— Son manteau et vite, gronde-t-il à la réceptionniste.

Elle acquiesce de la tête et file sans tarder à la recherche de mon manteau moumoute. Il s'impatiente. Elle revient, la panique dans les yeux, en lui demandant de quelle couleur est mon manteau car il y en a plein. La salle est encore pleine à craquer.

Ma Prison DoréeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant