Chapitre 45 - Knight ⚾

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Le soleil se couche à l'horizon, laissant place petit à petit au crépuscule, qui en fera de même avec la nuit. Je ne vois pas le bout de cette journée arriver. Elle est péniblement longue, et parce que je n'en pouvais plus de recevoir des condoléances à tout va de personnes que je n'ai jamais rencontré, j'ai décidé d'aller me réfugier sur ce saule pleure dans lequel j'adorais grimper lorsque j'étais gamin.

Le chant lointain des oiseaux retentit, la brise de cette fin de soirée m'effleure le visage et à chaque fois que je clos les paupières, je pousse un long soupir. Pendant quelques instants, je garde mes poumons vides de tout oxygène, avant de prendre une goulée d'air. Malgré ce que cet enterrement implique, je suis soulagé que ce soit terminé.

Cette semaine a été terriblement épuisante, aussi physiquement que mentalement. Il y avait tant de choses à faire, à s'occuper, que je n'ai pas vraiment eu le temps de me poser et penser, faire mon deuil.

Colère, tristesse, impuissance extrême... je me suis effondré lorsque j'ai vu Pearl à la morgue. Le cœur en lambeaux, tout mon être était en mille morceaux. La sensation était affreuse, et encore maintenant, j'ai l'impression qu'un poing se serre autour de mon organe vital à chaque fois que je repense à ce moment.

Une semaine s'est écoulée depuis son départ, et j'ai toujours le réflexe de demander à ma mère comment elle s'en sort à l'hôpital, avant de me souvenir qu'elle ne sera plus jamais parmi nous, que je n'entendrai plus jamais sourire, ni ses remarques cinglantes et qu'elle ne pourra plus me houspiller lorsque je me comporte comme un con. Qui me remontera les bretelles à présent ?

Toutefois, ce ne sont pas les larmes aux yeux que je pense à elle, à nos instants ensemble. Loin de là. Il s'agit plutôt d'un mélange de nostalgie et de tendresse qui se voient amoindris par un arrière-goût de mélancolie. Je suis avant tout reconnaissant d'avoir été son frère et qu'elle m'ait laissé jouer mon rôle jusqu'à la fin.

Oui, c'est tout ce qui importe et je sais qu'elle n'aimerait pas que je m'apitoie sur mon sort. À chaque instant, je garde son image en tête, tout comme notre dernière conversation. J'ai pu lui dire à quel point je l'aimais, alors je n'ai aucun regret. Et même si ça me fait un mal de chien de l'admettre, là où elle est à présent, elle ne souffle plus.

Soudain, des pas sur l'herbe fraîche attirent mon attention. Lentement, je me penche en avant puis perçois sans mal une tignasse rousse qui avance dans ma direction, une assiette bien garnie entre les mains. Je laisse mes prunelles couler sur sa robe bleu marine qui sied son corps. Elle n'a rien d'exceptionnel, mais j'ai l'impression que quoi que Poppy porte, elle sera toujours magnifique.

Lorsque Pops tourne sa tête vers moi et me remarque, elle me sourit de tout son cœur.

— Te voilà, soupire-t-elle. Tu te cachais ?

Au lieu de répondre, je prends la décision de descendre. Avec elle dans les parages, je n'ai plus envie de rester dans mon coin, surtout que le besoin pressant de la tenir tout contre moi se fait de plus en plus intense. Elle était là pendant la cérémonie, en retrait, et pendant toute la semaine, elle m'a laissé mon espace tout en étant disponible si jamais j'avais besoin d'elle.

Une fois que mes pieds se trouvent à nouveau sur la terre ferme, j'avance vers elle tandis qu'elle me contemple de cet air triste qui n'a pas quitté son visage de toute la journée.

— Ta mère m'a demandé de t'apporter quelque chose à manger. Apparemment, tu t'es à peine nourri ces derniers jours. Elle craint que tu t'affames.

Elles se sont enfin rencontrées, c'est rassurant.

Devant elle, j'observe le plat où se trouvent divers aliments, sans doute apportés par les membres de la paroisse. J'y vois une purée de pommes de terre accompagnée d'une sauce aux canneberges, du poulet rôti finement émincé et deux petits pains au maïs.

Oak Ridge Campus #2 Knight © (SOUS CONTRAT D'ÉDITION)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant