Chapitre 55

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          Luna fixait sur l'homme accroupi devant elle un regard curieux. 

À ses yeux d'enfant, il n'était ni beau, ni laid. Les papillons chatoyants qui volaient dans le parc étaient beaux, comme les poussins avec leur joli duvet jaune ; en revanche, les vaches étaient laides. 

Cet homme n'était ni un papillon, ni une vache, et surtout, il l'attirait, comme si un lien invisible les reliait tous les deux. Elle décida qu'elle l'aimait, elle ne savait ni pourquoi, ni comment. Pas comme on aime un papillon, mais comme on aime maman. Son petit cerveau qui n'avait pas encore deux ans ne cherchait pas à comprendre le mystère de la parentalité, mais faisait déjà la différence entre aimer une jolie fleur, et aimer maman.

Aramis posait sur elle un regard béat d'admiration. Dieu qu'elle était belle ! Pas parce qu'elle était sa fille, sa chair et son sang, non, elle était véritablement magnifique !

Elle avait hérité du teint d'albâtre de sa mère, mais ses cheveux étaient les siens, d'un noir profond, et commençaient à former de jolies boucles autour de son petit visage mutin. Elle avait, comme sa mère, de magnifiques yeux verts, immenses dans son visage d'enfant, fixés pour l'heure sur lui avec une effronterie qu'il ne connaissait que trop bien. Elle avait également hérité de ce trait de caractère de sa mère.

Contrairement à l'enfant, il n'avait pas à décider s'il l'aimait ou pas. Ce lien, il l'avait tissé la première fois qu'il l'avait tenu dans ses bras. Il était indéfectible, solide et rien ne pourrait le défaire, pas même tous ces mois loin d'elle.

Luna se tourna vers sa mère en le pointant du doigt.

'i ? babilla-t-elle.

Skye sourit en prenant la menotte de sa fille assise sur ses genoux pour l'obliger à la baisser.

— Qui, sourit-elle en reproduisant le même geste.

Aramis la regarda faire en fronçant les sourcils.

— Chez moi, on appelle ça "signer", expliqua Skye. C'est un moyen de mieux communiquer et elle assimile mieux les mots en les associant à des gestes.

L'enfant s'impatienta et pointa de nouveau son doigt sur lui.

'i ! insista-t-elle.

Il ne put s'empêcher un sourire narquois. Effrontée et obstinée...

Skye repoussant une mèche noire du front de l'enfant, leva la main et pinça deux fois son pouce et son index.

— Papa, mon ange.

La fillette fronça les sourcils, reproduisit le geste, sous le regard fasciné de son père. Jamais il ne lui serait venu à l'idée de faire "signerun enfant. D'ailleurs, jamais il n'aurait pensé qu'un enfant aussi jeune ait tant besoin de s'exprimer.

Pa' Salie ? demanda Luna.

Skye secoua son index.

— Non. Charlie a son papa. Aramis est ton papa à toi.

Elle pinça de nouveau son pouce et son index, avant de désigner l'enfant.

— Ton papa, répéta-t-elle.

Aramis plissa les yeux. Devoir expliquer à sa fille qu'il était son père à elle avait quelque chose de dérangeant. Luna ne le connaissait pas.

Pourtant, elle se tourna de nouveau vers lui, l'observa, puis soudain, un sourire radieux découvrit ses petites dents, illuminant son joli minois et elle lui tendit les bras. Il resta un instant interdit. Ce sourire, il ne l'avait pas vu depuis presque vingt ans.

Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant