Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers Toi

Chapitre 52

— La guerre de trente ans, marmonna-t-elle. Comment j'ai pu oublier ça ?

Elle releva la tête, croisa le regard de Tréville.

— Vous n'allez pas simplement accompagner le Roi, n'est-ce pas ? souffla-t-elle.

Il plissa les yeux, répondant à sa question.

— Il y a deux mois, les espagnols ont pris Trêves qui était sous la protection de la France, fit-il. C'était déjà une déclaration de guerre implicite.

— La France et l'Espagne sont en guerre depuis des années, répliqua-t-elle. En quoi ça change ?

— La guerre n'a jamais réellement été déclarée, poursuivit Porthos. En prenant Trêves, l'Espagne nous force à réagir et à envoyer des troupes.

— Nous sommes cernés par l'empire des Habsbourg, souligna D'Artagnan. Ils deviennent plus pressants de jour en jour. Le Roi n'a plus le choix.

Skye baissa les yeux sur la carte dont elle ne reconnaissait pas les contours. Il n'y avait pas de Belgique, pas d'Allemagne, juste le nom des Habsbourg qui cernait la France.

Elle hocha doucement la tête.

— D'accord, marmonna-t-elle. Donc, vous allez livrer bataille dans le nord, et vous revenez...

Le silence qui suivit lui fit lever la tête. Elle croisa le regard acier de Tréville et sentit son estomac se révulser. Elle déglutit péniblement.

— Vous êtes la garde personnelle du Roi, s'il revient, vous revenez, non ?

Aramis intervint à son tour.

— Si la guerre est déclarée, nous resterons sur le front, quoique fasse le Roi.

Elle le fixa, atterrée. Il avait bien dit "nous" ?

— Mais...

— Skye, l'interrompit-il.

Il savait déjà ce qu'elle allait dire, ses questions, sa désapprobation, mais ce n'était ni le lieu, ni l'instant. Elle comprit que la discussion devait attendre, pinça les lèvres et se tourna vers Tréville.

— Pourquoi m'avez-vous fait monter ? demanda-t-elle d'un ton sec.

Le capitaine se laissa tomber plus qu'il ne s'assit dans son fauteuil, se passa une main lasse sur le visage. Il avait passé la nuit avec le Roi et Richelieu, et ne dormirait pas avant très longtemps.

— Je veux la liste des hommes qui ne pourront pas tenir une marche forcée.

— Trois, fit-elle sans hésiter. Si on excepte Serge...

— Serge reste ici, acquiesça-t-il. Pour les trois hommes inaptes, ils nous rejoindront quand ils seront remis.

— Et les cadets ? demanda-t-elle.

— Sur les quarante-cinq qui sont toujours en formation, seuls ceux qui ne sont ici que depuis moins de six mois vont rester. Les autres recevront leur spalière quand nous aurons rejoint les troupes de Brézé et de Châtillon en Picardie.

Elle secoua la tête, désespérée.

— La plupart d'entre eux n'ont même pas de poils au menton !

Tréville balaya l'argument d'un geste de la main.

— Ce sont des mousquetaires. Philippe nous accompagnera en qualité d'infirmier. C'est vous qui l'avez formé, je lui fais plus confiance qu'aux chirurgiens militaires. Nous allons charger une voiture avec tout ce que vous avez dans l'infirmerie.