Dampierre descendit l'escalier qui menait à la salle bruyante et mal éclairée en rajustant sa ceinture. Séverine était une sacrée ribaude, gironde à souhait et il serait bien resté un peu plus de temps avec elle, mais il devait rentrer avant l'aube au Palais Cardinal. Cette histoire avec Saint-Jean les avait mis, lui et Viroix, dans de sales draps, et depuis, il se faisait discret. La place auprès de Son Éminence était bonne, il tenait à la conserver. Il traversa la salle bondée de viandes saoules qui puaient la sueur et le mauvais vin et alla poser quelques sous sur le comptoir avant de quitter la taverne.
Le ciel sans lune était chargé de nuages et il faisait nuit noire. Les quais Saint-Augustin, les seuls de la capitale, dormaient encore et on ne percevait que le craquement des navires qui résonnait sur l'eau, mais dans quelques heures, l'agitation reprendrait. Pour l'instant, il semblait être seul. Les marins qui avaient l'habitude de fréquenter cet endroit avaient soit rejoint leur bord, soit dormaient encore dans les bras d'une putain.
Il se sourit à lui-même. Dormir ? Non...
Il avala une goulée d'air chargée des relents nauséabonds des bords de Seine et s'approcha de la berge en déboutonnant son pantalon pour lâcher un long jet de pisse dans les eaux noires avant de se rajuster, soulagé. Il laissa sa vue s'adapter à la noirceur de la nuit et s'étira en soupirant, avant de commencer à s'éloigner. Il n'avait fait que quelques pas lorsqu'une ombre lui barra le chemin. Il n'y prit pas garde, certainement un marin qui, comme lui, quittait sa maîtresse d'une nuit. Il fit un pas de côté pour l'éviter, mais l'ombre en fit ôtant, lui barrant toujours le chemin. Il examina l'homme de plus près. Il distingua un chapeau et en tendant l'oreille, le cliquetis caractéristique et familier des éperons sur le talon des bottes.
Depuis quand un marin portait des bottes avec des éperons ?
Il recula instinctivement, portant la main à la crosse de son pistolet, avant de se rappeler qu'il ne l'avait pas chargé.
— Qui va là ? fit-il d'un ton sec en déplaçant sa main du pistolet à la garde de son épée.
— Dampierre ? Garde-rouge ? demanda une voix basse et sourde.
— Qui le demande ?
L'homme repoussa son chapeau qui cachait jusque-là une partie de son visage. Le garde plissa les yeux et reconnut enfin son interlocuteur. Un large sourire détendit ses traits.
— Aramis, s'esclaffa-t-il. Je suis ravi de savoir ta sorcière en vie. Je rêve d'un nouveau tête-à-tête avec elle !
Il se frotta pensivement la mâchoire, là où le poing de la prisonnière l'avait atteint, lui laissant un bleu qui commençait seulement à disparaître. Richelieu n'avait pas mis longtemps à savoir que la guérisseuse était vivante et avait demandé, devant le Roi, pourquoi avoir feint un enterrement.
Ce que Tréville avait répondu l'avait plongé en disgrâce. S'ils gardaient leur uniforme, lui et son complice étaient désormais cantonnés à des tâches subalternes et inintéressantes.
Et pour cela, ils allaient se venger.
— Quel tempérament, sourit-il, mesquin. Tu ne dois pas t'ennuyer avec une femme comme ça dans ton lit.
Le visage d'Aramis se crispa et il porta la main à son pistolet.
— Aramis !
Dampierre se tourna brusquement et deux autres hommes sortirent de l'ombre, dont il reconnut les silhouettes. Athos et Porthos.
— Ah, bien, fit-il. Tu es venu avec tes témoins ! Dommage que je n'aie pas les miens...
— Tu n'en auras pas besoin, répondit Athos en s'approchant.
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Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers Toi
FanfictionQuelque chose ne tourne pas rond dans le monde de Skye. En dehors du fait qu'elle ne se sent plus chez elle au 21ᵉ siècle, en dehors du fait qu'Aramis lui manque, il y a autre chose de plus pernicieux. Quand elle comprend enfin ce qui se passe, sa d...