Quatre Siècles et une Croix - II - Revenir Vers Toi

Un Avenir Radieux

Ou pas !         

          Le bruit rassurant du bois qui craque dans la cheminée, les éclats de rires joyeux d'un enfant dans le lointain, le tic tac paisible et régulier d'une horloge. Même les aboiements d'un chien.

Skye s'efforça de ne pas entendre ces bruits. Il devait faire jour, mais la chambre n'était éclairée que par les flammes dans la cheminée. Elle voulait encore profiter de cette douce quiétude qui précède le véritable réveil, cet instant où on flotte entre rêve et réalité. Enfoncée jusqu'au menton sous un édredon doux comme une peau de bébé, chaud et moelleux comme un fondant au chocolat, elle était trop bien.

Plus de grincements de mâts. Plus de roulis qui vous retourne l'estomac, plus de vent qui fait crisser les gréements jour et nuit.

Elle soupira de bien-être, tentant d'ignorer les aboiements du chien et les rires de l'enfant.

L'enfant...

Luna ! Avec un chien !

Elle se redressa brusquement, et le regretta aussitôt. Elle plaqua ses mains sur sa bouche et s'extirpa du fondant au chocolat aussi vite qu'elle le put. Il lui fallait un pot d'aisance, et vite... Un paravent dans un coin de la chambre lui donna une indication et elle s'y précipita, trouva une chaise percée juste à temps pour libérer son estomac pourtant vide.

Elle resta agenouillée le temps que la nausée se calme, avant de se laisser aller contre le mur derrière elle.

— Merde, geignit-elle.

Elle repoussa ses cheveux d'une main tremblante, resta un instant immobile avant de se redresser péniblement. Elle s'approcha de la table de toilette, se lava les mains et le visage, se rinça la bouche, marmonnant à l'envi des "merde, merde et re-merde" rageux.

Cette fois, il n'y avait plus aucun doute, elle ne pouvait plus mettre ses nausées matinales sur le dos du mal de mer. On n'a pas le mal de mer le matin au réveil pour se porter comme un charme quelques heures plus tard.

Surtout, elle n'avait pas besoin d'ouvrir sa malle pour constater que ses coupes menstruelles n'avaient pas bougé en un mois de voyage.

Aramis allait péter un câble s'il l'apprenait.

Elle grimaça. Si ? Non, quand ! parce que cette fois-ci, elle avait bien fui Paris, mais avec lui dans ses bagages !

Une porte qui s'ouvrait la tira de ses sombres réflexions. Aramis ! S'il la voyait encore malade, il allait se poser de sérieuses questions, et il valait mieux qu'il ignore tout pendant encore un moment. 

Un enfant.

Maintenant !

Alors que leur avenir à tous les deux était sens dessus dessous...

Elle le voyait déjà remonter sur Satan et partir au triple galop direction Paris !  

Elle prit une longue inspiration, se redressa. L'histoire se répétait inlassablement et lui rejouait cette méchante, très méchante plaisanterie.

— Skye ? 

La voix n'était pas celle d'Aramis, à moins que son taux de testostérone soit au plus bas, et encore...

Elle relâcha sa respiration, entendit le glissement des anneaux sur la tringle en bois et le jour envahit la pièce.

— Skye, où êtes-vous ? appela de nouveau la femme, un brin d'angoisse dans la voix.

Skye contourna le paravent pour se retrouver nez à nez avec l'intruse. Une femme blonde au maintien rigide. Pas une servante, mais peut-être la gouvernante de la maisonnée, qui posa une main gracile sur sa poitrine en soupirant de soulagement.