2022 : chapitre 1 à 3

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LONG MÉTRAGE

** II. 2022 **

1

 Le mois de janvier avait été celui de tous les changements à propos des protocoles sanitaires. Gabriel n'avait quasiment rien entendu d'autre que des sujets portant sur la pandémie. Aussitôt les fêtes terminées, il avait été traîné dans des interviews, des meetings et des réunions. Il se trouvait dans son bureau à Bercy, rêvassant un peu, se rappelant de sa soirée du premier janvier.

La lumière douce de l'hiver s'était infiltrée par les grandes fenêtres du salon familial, dessinant des reflets dorés sur les verres à moitié vides de la veille et les assiettes encore empilées sur la table. Gabriel était arrivé tard, un peu éreinté, mais heureux de passer cette journée avec sa famille. Les festivités de la veille avaient duré jusque tard dans la nuit, et le calme du jour contrastait agréablement avec l'agitation qui avait régné. Dans la cuisine, sa mère s'affairait déjà, un tablier impeccablement noué autour de la taille. Gabriel s'était proposé pour couper quelques tranches de pain, mais, comme à son habitude, il s'était montré maladroit.

« Tu tiens ce couteau comme un manche ! S'était-elle exclamée en riant tout en rectifiant sa prise. Tu es vraiment incorrigible, Gabriel ! 

- Mais tant que ça coupe c'est bon. Avait-il râlé en retour, vérifiant que sa mère ne le regardait plus pour reprendre le couteau comme à son habitude. Noémie, qui venait d'entrer avec une pile de serviettes propres, s'était amusée :

- Un vrai danger public ! Ne le laissez jamais cuisiner pour ses collègues. Gabriel, faussement vexé, avait rétorqué :

- Excusez moi, mais je suis intellectuel, pas manuel. C'est pas comme si mes talents culinaires faisaient partie de mes prérogatives au gouvernement, vous savez. 

Installés autour de la table, la famille avait discuté de tout et de rien, ponctuant les échanges de rires. Iris et Fanny, un peu plus jeunes, dans la vingtaine, avaient piqué Gabriel de questions :

- Alors, c'est comment de travailler à Bercy ? On te voit souvent à la télé maintenant ! Gabriel, un sourire en coin, avait répondu avec modestie :

- C'est pas aussi glamour que ça en a l'air, croyez-moi. Beaucoup de dossiers, pas mal de nuits blanches, et encore plus de... Jean Castex. Les filles avaient éclaté de rire.

- Mais t'as pas peur qu'il te fasse un jour un coup à la Star Wars ? Tu sais, genre, "Je suis ton père".  Gabriel avait secoué la tête, amusé :

- On n'est pas exactement dans un film. » Avait-il répondu, ne voulant pas se rappeler de ses nombreuses crises de colère à son encontre, ni du stress qu'il lui faisait vivre tous les jours.

Malgré les plaisanteries, l'ombre de leur père avait plané doucement sur cette journée. Gabriel avait observé un instant la chaise vide au bout de la table, celle où il avait toujours siégé. Le souvenir de son rire grave et chaleureux résonnait encore dans sa mémoire. Peu de temps après sa mort, sa tante l'avait rejoint elle aussi, c'est à ce moment que sa mère avait décidé d'accueillir Nikolaï chez elle, le traitant comme s'il était son propre fils. Pour Gabriel, il était son petit frère, il l'avait été du moment ou il était venu vivre ici.

«  Tu te souviens de nos parties de foot dans le parc, Niko ? Avait-il demandé à son petit frère en fixant un point invisible sur la nappe.

- Ouais,  tonton avait toujours cette vieille casquette rouge... Il la portait même quand on allait au resto. Nikolaï avait hoché la tête en souriant.

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