2021 : chapitre 14 à 16

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 Antoine observait la scène avec une satisfaction mêlée d'inquiétude. Gabriel, qui avait traversé des moments si sombres après sa séparation avec Stéphane, semblait aujourd'hui si différent. Il avait connu les jours de tristesse où il se laissait aller aux larmes, trop épuisé de leurs disputes, les soirées où il était morose à cause de la rencoeur, et les périodes où il peinait à sourire. Antoine se souvenait des nombreux rendez-vous en ville, des distractions qu'il avait organisées dans le but de redonner le moral à son ami. Gabriel était sur la voie de la guérison, mais il restait fragile, et Antoine le savait bien.

Ce soir, il le regardait rire avec Jordan Bardella, un rire sincère et chaleureux, un rire qui éclairait la pièce et semblait chasser les nuages. Antoine était ravi de voir cette étincelle de joie dans les yeux de Gabriel. Il était heureux qu'il puisse se détendre et se reconnecter avec cette partie de lui-même qui avait été si longtemps obscurcie par la douleur.

Cependant, malgré la joie évidente de Gabriel, Antoine ne pouvait s'empêcher de se sentir légèrement décontenancé. L'idée que Gabriel puisse s'entendre aussi bien avec un tel homme était surprenante. Le contraste entre la légèreté du rire et la gravité des récentes préoccupations d'Antoine était marquant. Il observait les deux hommes échanger des sourires et des plaisanteries, se demandant si cette connexion nouvelle était simplement une réponse à une soirée agréable ou si elle signifiait quelque chose de plus profond. Antoine savait que le bonheur de Gabriel était fragile et qu'il devait être protégé. Il se demandait si ce nouveau lien avec Jordan Bardella pourrait apporter un soutien durable, ou s'il s'agissait simplement d'un moment éphémère. Malgré ses préoccupations, il ne pouvait s'empêcher de sourire en voyant Gabriel si épanoui, même s'il se gardait d'exprimer ses inquiétudes à haute voix. Nicole le rejoignit, toute aussi décontenancée que lui.

« C'est quoi ce multivers ? S'amusa-t-elle, regardant la même chose que Antoine.

- Notre Gab est heureux. Déclara Antoine.

- Oui, mais je ne suis pas sûr que ce soit la logique la plus... Logique. Antoine haussa les épaules.

- Honnêtement, c'est une bonne chose qu'il parle à d'autres personnes que nous, qu'il se fasse des amis, tant qu'ils restent professionnels en débat. Il tourna son regard vers Nicole qui lui fit un sourire.

- Oui, dit-elle, puis son sourire s'estompa légèrement. Mais ça ne va pas plaire à tout le monde. Antoine hocha la tête, retournant son visage vers les deux hommes.

- C'est certain mais on est tous humains en politique, il ne faut juste pas que les médias s'en emparent. Ils sont particulièrement axés sur Gabriel. Il est jeune, gay, les jeunes l'aiment... C'est une bonne chose mais je pense que c'est une lame à double tranchant.

- Je veux juste qu'il réussisse, je crois vraiment en lui. Déclara Nicole. Antoine se tourna vers elle, affichant un large sourire.

- Bien sûr qu'il va réussir. Et on va l'aider, on est là depuis le début. On va le guider jusqu'à Matignon. Déclara Antoine. Nicole fit les gros yeux alors Antoine s'empressa d'ajouter : Ne lui dit surtout pas que j'ai dit ça ! Nicole éclata de rire, posant une main sur sa bouche. Antoine ne put s'empêcher de sourire, cette femme avait le dont de rendre tout beaucoup plus chaleureux. En effet, Gabriel ne voulait pas être Ministre, ou quoi que ce soit d'autre. Antoine ne savait pas pourquoi lui en parler le mettait profondément mal à l'aise. Peut-être par modestie ou parce que le poids de la pression et des attentes étaient bien trop lourd. Antoine ne pouvait pas savoir. Il ne pourrait jamais savoir. Il connaissait la pression, ça oui, mais pas celle que portait Gabriel, ou des autres membres du gouvernement. C'était une pression que les gens ne pouvaient pas imaginer s'il ne l'avait pas déjà porté une fois. S'ils n'avaient pas déjà le dos courbé et la peau marquée par ce poids. Le pouvoir. Si beau, si précieux, mais si vile et traître. Gabriel et Jordan étaient trop loin pour qu'il puisse les entendre, mais ils souriaient beaucoup et semblaient discuter sérieusement. Si on ne les connaissait pas on aurait pu croire deux meilleurs amis en train de se raconter les potins de la semaine. Jordan savait ce que traversait Gabriel, il était jeune lui aussi. Antoine pouvait presque voir les marques d'un pouvoir trop lourd lui affaisser les épaules. Lui aussi, si jeune pourtant, portait déjà le poids du monde sur ses épaules et tout ce que cela impliquait avec. Kévin se rapprocha de lui en tendant la main, le sortant de ses pensées.

LONG METRAGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant