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Gabriel laissa sa tête tomber sur ses genoux, ses sanglots s'échappant sans retenue alors que Jordan quittait les toilettes. Il savait qu'il n'avait pas le choix, qu'il devait le repousser. Il y avait trop d'enjeux, trop à perdre. Pourtant, tout en lui se révoltait. Sa respiration était courte, chaotique, chaque inspiration ressemblant à une lutte. Sa poitrine semblait compressée, comme si un étau invisible l'étreignait. Ses mains tremblaient, glacées, tandis que son corps tout entier brûlait d'une douleur sourde et dévastatrice. Il avait l'impression d'étouffer, de perdre pied. Le carrelage froid sous lui était une sensation incongrue, presque ironique, comparé à la chaleur qui l'avait envahi lorsque Jordan l'avait embrassé. Ce même sol où, quelques minutes auparavant, tout semblait encore possible, était maintenant le théâtre de son effondrement. Il ressentait un vide immense qui semblait l'engloutir, un gouffre dans sa poitrine où tout ce qu'il avait espéré semblait s'être effondré. Chaque éclat de rire partagé, chaque moment passé à danser ou à échanger des confidences sous les ombrages des chênes du parc, lui revenait avec une intensité insupportable. Ces instants lui semblaient maintenant appartenir à une autre vie, une vie qu'il ne pouvait plus atteindre. Gabriel ferma les yeux, mais l'image de Jordan persistait. Son sourire éclatant. Ses taches de rousseur discrètes, presque invisibles. Ses yeux noisette, profonds et troublants. Il pouvait encore sentir la pression des mains de Jordan dans son dos pendant leur danse, la manière dont il l'avait attiré à lui, leurs visages si proches qu'il pouvait entendre chaque battement de son souffle.
Et ce baiser.
Ce baiser avait tout changé.
Il avait été dévastateur dans sa beauté. Il l'avait transporté, l'espace d'un instant, hors du monde, hors de tout ce qu'il connaissait. Mais il avait aussi été sa chute. Un rappel cruel de tout ce qu'il ne pouvait pas avoir. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Ses sanglots redoublèrent, secouant son corps avec une force qu'il ne maîtrisait plus. Ses épaules tressautaient sous le poids de sa douleur, ses muscles tendus comme s'ils cherchaient à retenir une douleur qu'il ne pouvait contenir. Tout son être semblait vouloir se replier sur lui-même. Le carrelage froid sous ses jambes n'apportait aucun réconfort. Ses pensées, elles, tournaient en boucle. Jordan était tout ce qu'il n'aurait jamais dû aimer.
Tout.
Jordan représentait l'opposé de ce qu'il défendait, de ce qu'il croyait être juste. C'était la personne qu'il aurait dû combattre, pas embrasser. Mais ce n'était pas seulement une question d'opposition politique ou de convictions. C'était quelque chose de bien plus profond.
Jordan était...
Gabriel posa une main tremblante sur sa poitrine, là où la douleur était la plus vive. Son cœur semblait vouloir sortir de sa cage thoracique, comme s'il cherchait désespérément à rejoindre ce qu'il venait de perdre. Il n'y avait pas de place pour eux. Pas dans cette vie. Pas dans ce monde. Il le savait depuis le début. Et pourtant, ce n'était qu'en cet instant qu'il comprenait vraiment ce que cela signifiait. Il revoyait le regard de Jordan après leur danse. Ce mélange d'audace et de vulnérabilité qui l'avait bouleversé. Pourquoi fallait-il qu'il soit si... ? Pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Se demanda-t-il en fermant les yeux avec une telle force que ses paupières semblaient vouloir retenir le monde entier, mais ses larmes, rebelles, trouvèrent leur chemin, glissant en silence le long de ses joues. Un frisson parcourut son échine, le laissant vidé, tremblant. Il enroula ses bras autour de ses genoux, cherchant un réconfort qu'il savait introuvable. Ses sanglots faiblissaient, remplacés par une lassitude écrasante. Il se sentait seul. Éperdument seul. Tout ce qui avait compté durant ces quelques minutes, tout ce qui avait semblé si magique, s'était dissipé. Et maintenant, il ne restait rien. Rien d'autre qu'un silence lourd et oppressant. Le vibreur de son téléphone secoua l'air, il regarda, ses yeux rouges et gonflés « Appel entrant : Maman». Il n'avait pas répondu à ses messages, il soupira.
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LONG METRAGE
FanficBardellattal : plus de 250 506 mots ! 656 pages. En deux-mille-vingt-et-un, dans le silence feutré d'un vol au-dessus des nuages, Gabriel Attal et Jordan Bardella, deux rivaux politiques que tout sépare, se croisent sans savoir qui ils sont réelleme...