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Gabriel et Jordan venaient de finir de manger. Heureusement qu'il avait acheté quatre sandwichs, car Jordan en avait mangé trois. Gabriel avait ri en réalisant qu'il pouvait engloutir le troisième en entier ; c'était presque absurde à quel point Jordan semblait toujours affamé. Tandis qu'ils discutaient, Gabriel reçut une notification sur son téléphone. C'était encore Juan. Il n'avait même pas pris la peine de lire le message. Au lieu de ça, il éteignit son téléphone. Rien ne comptait ce soir, seulement ce moment en dehors du monde, avec Jordan. Il posa son téléphone sur le banc entre eux et ne le regarda plus, même lorsque de nouvelles notifications apparurent.
« Merci d'avoir acheté des sandwichs. La prochaine fois, c'est moi qui paye, dit Jordan en roulant en boule l'emballage du sandwich qu'il venait de finir. Gabriel l'observa un instant, amusé par son sérieux. Il aimait cette façon qu'avait Jordan de vouloir équilibrer les choses, comme si ce genre de détail comptait vraiment entre eux.
- C'est rien, ne t'inquiètes pas, répondit-il en faisant un signe de la main, sa voix légère. Jordan secoua la tête, clairement pas convaincu.
- Non, je suis sérieux. Tu avais déjà payé le champagne la dernière fois. Gabriel sourit malgré lui. Il se souvenait bien de cette soirée. Un moment imprévu, un peu fou, mais sincèrement agréable.
- Et toi, tu avais payé les bonbons la fois d'après, répliqua-t-il avec un sourire espiègle. Jordan arqua un sourcil, comme pour le défier.
- Tu compares vraiment le prix de trois sachets de bonbons Haribo avec une bouteille de champagne? Gabriel rit doucement. Il adorait la façon dont Jordan savait toujours répondre, transformer un simple échange en quelque chose de vivant.
- Bon, tu as gagné, céda-t-il finalement, son ton malicieux. Un silence complice s'installa entre eux. Gabriel fixa l'allée devant lui, où les ombres des arbres dansaient doucement sous la lumière des lampadaires. La ville semblait loin, réduite au murmure distant de la circulation. Il appréciait ce genre de moment, ces pauses dans le tumulte de leurs vies. Avec Jordan, le silence n'était jamais pesant. Au contraire, il avait l'impression que ces instants sans paroles révélaient une proximité encore plus grande. Le souffle du vent faisait bruisser doucement les feuilles au-dessus d'eux, mêlant les sons naturels à celui, plus mécanique, de la ville. Gabriel laissa ses pensées vagabonder un instant, savourant cette bulle hors du temps.
- Euh, je voulais te remercier, dit soudain Jordan, brisant doucement le silence. Gabriel tourna la tête vers lui, intrigué. Il fronça légèrement les sourcils, cherchant à comprendre de quoi il parlait. Jordan sembla capter son incompréhension, car il précisa rapidement : Tu sais, pour l'appel. Gabriel sentit une pointe de gêne l'envahir. Il baissa légèrement les yeux, jouant avec une miette invisible sur son pantalon.
- Oh... balbutia-t-il. Euh, c'est rien, c'est normal. Tu avais l'air amoché. Il se souvenait parfaitement de cet appel. La voix de Jordan, si différente de d'habitude, l'avait frappé. Il n'avait jamais vu ni entendu Jordan ainsi, vulnérable, et Gabriel avait ressenti une impulsion instinctive : être là pour lui, sans poser de questions.
- Ouais, murmura Jordan, l'air pensif. J'avais besoin de décompresser, en quelque sorte... Ma mère, l'homophobie... J'ai... Gabriel fixa Jordan fermer les yeux, comme pour oublier tout ce qu'il avait pu voir ou entendre. Il hocha doucement la tête, comprenant sans qu'il ait besoin de tout expliquer.
- Je comprends. Je veux dire, j'ai grandi avec ça, alors je suppose que je m'y suis habitué. Quand on ne le vit pas, ça semble sans importance. Le réaliser d'un coup, ça doit être lourd. Il prononça ces mots avec une simplicité désinvolte, mais au fond, il savait combien ces vérités pouvaient peser. Il n'était pas sûr que Jordan mesure tout ce que cette remarque contenait. Jordan releva la tête, ses yeux brillants d'une détermination qu'il reconnaissait bien.
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LONG METRAGE
ФанфикшнBardellattal : plus de 250 506 mots ! 656 pages. En deux-mille-vingt-et-un, dans le silence feutré d'un vol au-dessus des nuages, Gabriel Attal et Jordan Bardella, deux rivaux politiques que tout sépare, se croisent sans savoir qui ils sont réelleme...
