LONG METRAGE

2021 : chapitre 17 à 19

 17

 Jordan se sentait incroyablement heureux et léger en constatant qu'il pouvait enfin passer du temps avec Gabriel sans être repoussé. Cette opportunité, longtemps espérée, semblait ouvrir la voie à une connexion plus profonde entre eux. Le fait que Gabriel soit réceptif à sa présence et semble plus ouvert que d'habitude faisait naître en lui un espoir timide mais palpable. Jordan avait l'impression que les portes étaient désormais entrouvertes pour une possible amitié. Cette chance inattendue de partager des moments agréables sans obstacles ni tensions le remplissait d'une satisfaction douce et prometteuse, loin de la politique pour une fois. Il se tourna vers Gabriel, se rappelant du livre qu'il traînait partout avec lui depuis son arrivé à Marseille. Il aurait dû le rendre plus tôt, mais le débat avait été trop intense, et il avait oublié. Il releva les yeux vers Gabriel, qui l'observait avec curiosité.

« Euh, j'ai un truc à toi. Je n'ai pas pensé à te le rendre au débat, affirma-t-il en continuant de fouiller.

- Quoi ? Qu'est-ce que c'est ? Demanda Gabriel, intrigué. Jordan finit par mettre la main dessus et le sortit du sac. Il lui tendit l'objet avec un sourire.

- Tiens, tu l'avais oublié dans l'avion, et j'ai croisé l'hôtesse quand on s'est séparés. Gabriel baissa les yeux vers ce que Jordan lui tendait, et l'espace d'un instant, son masque impassible se fissura. Une étincelle de soulagement et de gratitude brilla dans son regard. Elle fut furtive, mais Jordan la capta immédiatement. C'était comme voir une étoile filante traverser un ciel sombre : bref, mais inoubliable.

- Mon livre... souffla Gabriel en le prenant délicatement entre ses doigts. Il releva les yeux, son regard plus doux. Merci, j'y tiens beaucoup. Jordan sentit une chaleur diffuse se répandre en lui. Il haussa les épaules, feignant l'indifférence.

- Toujours dans mon sac au cas où. J'ai bien fait ! Plaisanta-t-il. Gabriel lui offrit un sourire tendre, un peu timide, en serrant son livre contre lui.

- Merci beaucoup... murmura-t-il, et Jordan sentit son cœur rater un battement. Il n'aurait jamais cru qu'un simple objet puisse avoir tant d'importance.

- Tu as l'air d'y tenir énormément, observa-t-il doucement. Gabriel hocha la tête, effleurant la couverture du bout des doigts.

- Oui... Je l'ai depuis mes études. Il a vécu pas mal de choses avec moi. Et puis, j'y ai inscrit plein d'annotations que j'aime relire maintenant que j'ai grandi. Il ouvrit le livre, dévoilant des marges couvertes d'écritures serrées, de notes griffonnées en vitesse, de phrases soulignées avec soin. Il releva le regard vers Jordan, une lueur de nostalgie dans les yeux.  Ce sont des choses que je ne pourrais pas réécrire aujourd'hui. Jordan observa les pages noircies d'encre, réalisant à quel point l'homme en face de lui était profondément attaché à ses pensées passées. Ce livre n'était pas juste un objet, c'était un fragment de son histoire.

- Je comprends, répondit-il avec sincérité. Il hésita un instant, puis glissa une main dans la poche de son jean. Il en sortit un petit pin's aux couleurs de la France et le posa sur sa paume, le faisant tourner légèrement sous la lumière du réverbère. Je garde toujours ce truc sur moi, avoua-t-il dans un petit rire nerveux. C'est un peu idiot, mais j'aime l'avoir avec moi. Gabriel l'observa en silence, puis lui offrit un sourire sincère.

- Je ne trouve pas ça idiot, murmura-t-il. Je comprends... Il représente ton engagement. Jordan soutint son regard, surpris par la justesse de ses mots. Ce pin's, ce n'était pas juste un symbole politique. C'était un morceau de son passé, une mémoire bien plus intime qu'il n'était prêt à l'admettre. Il se racla la gorge et referma ses doigts sur l'objet avant de le ranger.