2023 : Chapitre 38 à 40

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 En début septembre, Jordan était resté actif dans son rôle de président du Rassemblement National. Il avait continué à consolider sa position au sein du parti, tout en travaillant sur des stratégies pour les futures élections européennes et nationales. Il avait participé à diverses réunions politiques et avait discuté des relations du parti avec d'autres formations politiques européennes, notamment l'AfD allemande. Encore. En plus de ses activités politiques, il avait abordé des questions de politique étrangère, en particulier les relations avec la Russie, en réaffirmant une position plus nuancée par rapport aux déclarations passées du RN sur la Russie et Vladimir Poutine.

Aujourd'hui, Jordan revenait d'une interview sur RMC où il avait été confronté à des sujets brûlants : les allégations de racisme au sein de la police et les récentes émeutes en France. Cela ne s'était pas passé comme il l'espérait. Chaque question lui avait semblé une attaque déguisée, chaque réponse un champ de mines. Malgré son calme apparent, il s'était senti en difficulté, piégé, comme s'il portait sur ses épaules la responsabilité de tout un système qu'il ne maîtrisait pas. La voiture glissait silencieusement dans les rues de Paris. Jordan, le regard rivé à la vitre, voyait défiler des silhouettes floues de piétons et de façades illuminées. Mais ses pensées étaient loin. Il repassait chaque mot de l'interview, chaque silence, chaque expression de son visage. Son poing était fermé, crispé sur sa cuisse, et il sentait la boule dans son ventre devenir un poids insupportable. Que diraient-ils cette fois ? Quels mensonges et moqueries s'abattraient sur lui ? Il imagina les insultes, les commentaires acides sur les réseaux sociaux. Même la perspective d'ouvrir son téléphone lui donnait la nausée. Il se mordit la lèvre, refoulant une vague d'émotions qui menaçait de le submerger.

« Allez, Jordan, l'interpella Kévin avec douceur. Tu t'en es plutôt bien sorti. Ils étaient durs dans leurs questions et leurs accusations. Jordan détourna à peine le regard, ses yeux restant fixés sur la vitre. Son ton, bas et rauque, trahissait sa fatigue.

- Arrête, Kev, j'ai été misérable. Il passa une main tremblante sur son visage, essayant de chasser la chaleur des larmes qui montaient.

- Ce n'est pas ta faute, tout ça, Jordan. Kévin posa une main sur son épaule, son geste empreint de réconfort. Tu n'as rien dit de ce qui leur pose problème. Tout ça, ça remonte à tellement longtemps... Jordan secoua la tête, ses mâchoires serrées.

- Sauf que c'est mon parti. Et je n'ai pas été capable de le défendre correctement. Sa voix faiblit, se brisant légèrement sur la fin. La boule dans sa gorge était montée, serrant si fort qu'il peinait à respirer. Qu'est-ce que j'ai peur de voir ce que les gens vont dire sur moi... murmura-t-il presque pour lui-même, les paupières lourdes de fatigue. Quels mensonges, quelles moqueries... Ce sera ça, mon cadeau d'anniversaire. Il détourna enfin les yeux de la vitre, les posant brièvement sur Kévin. Mais il détourna vite le regard, incapable de soutenir le poids de la compassion qu'il lisait sur le visage de son ami.

- Jordan, ce n'est pas juste que ce soit toi qui prenne tout, reprit Kévin, sa voix plus ferme. On est une famille. On traverse ça ensemble. Tout le parti. Jordan émit un rire amer, un son creux qui n'atteignit pas ses yeux.

- Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça, répondit-il d'un ton acéré, bien que tremblant. Les gens ne pensent pas comme ça. Ce n'est pas le parti qui recevra la haine pour ce que j'ai dit ou pour ce que je n'ai pas su défendre. C'est moi. Et je devais le faire... J'aurais dû le faire... Il baissa la tête, ses épaules affaissées sous le poids invisible qu'il portait. Un silence tendu s'installa, et Kévin détourna brièvement le regard, cherchant une façon d'alléger l'atmosphère.

- Tu sais quoi ? On devrait aller au bar ce soir. C'est toujours ton anniversaire, il nous reste cinquante minutes pour le fêter ! Jordan croisa les bras, se recroquevillant légèrement sur lui-même pour se protéger du froid intérieur qui l'envahissait.

LONG METRAGEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant