Sur ses lèvres

Chapitre 19

Je ne suis pas une personne parfaite, j'essai de faire des efforts en grandissant, pour m'améliorer, pour être un homme bien. Je ne sais pas vraiment comment le temps a si vite filé depuis que j'ai commencé cette nouvelle année, mais il est clair qu'elle sera différente des autres. En dehors de mes états d'âme, cela fait presque une semaine que je n'ai pas vu Ava. Elle ne m'a pas contacté, je ne l'ai pas fait non plus. Nous ne nous sommes pas croisés une seule fois à l'université. Donc je me suis dit plusieurs fois dans la semaine, "ça y est, c'est déjà la fin ?". Mais après je me suis demandé s'il y avait même déjà eu un commencement. Est-ce-qu'il y avait quelque chose entre nous, quelque chose de plus que du sexe et des moments de complicités...

Le lundi, je ne suis pas allé en cours, le mardi, je me suis remotivé sans pour autant être très attentif aux discours de mes chers professeurs. J'ai été tenté plusieurs fois d'appeler Ava mais je me suis ravisé, faisant preuve pour la première fois d'une fierté irrévocable. Ce que nous avions me manque, elle me manque. Je prend sur moi, mais je souffre de son absence, je souffre de ne pas savoir ce qu'il va se passer, et de l'état dans lequel je suis. Ce n'est peut-être pas de la dépendance, mais ressentir tant de peine pour une fille qui ne tient probablement pas à moi comme je le fais me ronge l'esprit.

Arrivé au vendredi, Jack et les autres décident d'organiser une fête pour fêter l'arrivée des vacances qui ne tarderont pas et célébrer simplement le fait d'être jeune. Aucune raison n'est vraiment nécessaire, ce n'est qu'une excuse pour me forcer à ne plus avoir cette apparence de zombie. Car depuis une semaine, c'est bien ce que je suis; je dors jusqu'à midi, je grignote, je vais en cours, je vais à mes entraînements, je rentre, je me douche si je ne l'ai pas fait dans les vestiaires et je dors après avoir mangé une connerie et écouté la musique ou regardé un film. Et je recommence tous les jours de la même manière. Je ne calcule plus les filles de la fac, je suis devenu une chose pathétique comme ces filles que l'on voit dans les séries pour adolescentes, vous voyez le tableau ? Et bien c'est moi. Comment ai-je pu tomber si vite amoureux d'elle ? Cela reste un mystère pour l'ensemble de la planète, surtout moi. Durant mes innombrables soirées de déprimes solitaires, je me suis même mis à songer à la possibilité du coup de foudre au premier regard.

Nous arrivons donc au samedi. J'ai survécu à une semaine sans elle, comment, je ne le sais pas encore. J'ai peut-être l'espoir de voir son nom s'afficher sur mon téléphone, de la croiser dehors avec son appareil photo cloué devant le visage, ou de voir se refléter sa chevelure. J'aide mes potes à installer la musique et les bouteilles, on sort quelques paquets de chips et de la pizza et je me sers un premier verre. Vodka pure. Ne perdons pas de temps. Plus tôt je serais beurré, plus tôt j'irais me coucher avec la chance de dormir paisiblement toute une nuit, grâce à l'alcool. Je discute avec mes potes et je me cale dans un coin avec ma bouteille, comme si je tenais un petit chien dans mes mains, avec affection. Une fille vient me parler mais je la rembarre tout de suite d'une manière plutôt agressive. J'ai oublié quelques secondes plus tard, mais je crois bien lui avoir dit que les prostitués n'étaient pas mon genre. Je réalise que j'ai dit une connerie à cause de son verre de vin qu'elle a gentiment partagé avec mon pantalon et mon t-shirt. Je me met à rire comme un con en la regardant partir, mais je m'arrête net lorsque Chloé approche comme une petite souris. Je soupire grossièrement en espérant qu'elle se découragera et ira voir quelqu'un d'autre mais elle ne le fait pas.

- Ça n'a pas l'air d'aller...

Elle prend son air compatissant mais je sais qu'elle a une idée derrière la tête.

- Moi ? Au contraire, je n'ai jamais été mieux.

- Tu devrais peut-être ralentir.

A ce moment-là je comprend parfaitement la réponse d'Ava lorsque je lui avais fait la réflexion. Ne jamais dire ce genre de chose à une personne si énamouré de sa bouteille, même si le conseil est bon, au départ.