Chapitre 39

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Je joue avec mes doigts, prise d'un stress très étrange. Il s'agit de mon père, je ne devrais pas avoir peur, pourtant je n'ai pas eu de conversation avec lui depuis tellement longtemps. J'ai l'impression qu'un fossé s'est créé entre nous avec toutes ces années de silence. Le chauffeur du taxi ne me décroche pas un mot, ce qui n'arrange pas les choses. Au bout d'une vingtaine de minutes j'aperçois les commerces du centre de la ville. Je ne sais pas dans quel genre de resto mon père a réservé mais il m'a dit dans son message que le chauffeur avait toutes les informations. Je reste silencieuse en patientant bien sagement et je réfléchis à ce que je pourrais lui dire. Je suis tellement nerveuse et contente à la fois. Pourtant mon esprit divague encore. Je supporte assez mal le bruit de la circulation et la lumière aveuglante des lampadaires. Evan me rassurait, et maintenant je me retrouve seule face à un monde trop sombre.

La voiture se gare enfin devant un restaurant et l'homme m'annonce que nous sommes arrivés. Je lui demande quand même si je lui dois quelque chose mais il me dit que mon père s'est occupé de tout. Je le remercie et je sors de la voiture en marchant lentement. Je me parle mentalement et je m'ordonne de me calmer, il s'agit de mon propre père bon sang, ce n'est pas un inconnu. Je pousse la porte et un homme me demande si j'ai réservé. Il me montre la table où se trouve mon père et je le repère immédiatement. Il regarde son téléphone, pleinement concentré, et ne se rend compte de mon approche que lorsque je suis à quelques mètres.

- Ava !

Il n'a pas changé. Il porte toujours ses fameux costumes, il ne connaît rien d'autre. Ses cheveux grisonnants sont coupés très court et il est rasé de près. Mon père se lève de table et m'embrasse sur la joue avant de m'étreindre. Si il n'y avait pas tout ce monde autour de nous, je serais déjà sans doute en larmes. Moi qui déteste pleurer, je ne suis plus fidèle à moi-même depuis un certain temps. Je répond à son sourire et il m'invite à m'asseoir en face de lui. Il ne me demande pas comment je vais, la question serait un peu ridicule. Par contre lui semble aller très bien, il est un homme très différent lorsqu'elle n'est pas présente. Au départ, la conversation a du mal à démarrer et je n'ai pas envie de lui parler de ma relation avec maman et encore moins du séjour au centre des Landes. Pourtant il me pose la question avec moins de tact que Evan.

- Ta mère n'avait pas à faire ca, pourquoi tu t'es laissé convaincre Ava ?

- Parce que je n'allais pas bien... Je suis amoureuse papa... Et je voulais aller mieux pour lui. Il ne mérite pas d'être avec une folle dingue.

- Arrête de dire ça. La seule folle dans cette famille, c'est ta mère.

J'aimerais en rire pourtant la situation n'a rien de drôle. Lorsque je vois la famille d'Evan, je me demande pourquoi la mienne n'est pas pareille...

- Est-ce-que j'ai fait quelque chose de mal pour qu'elle soit comme ça avec moi ?

- Ne te prend pas la tête avec ça Ava.

- Comment veux-tu que je ne me prenne pas la tête ?

Le serveur arrive et dépose nos apéritifs ainsi que nos entrées. Je bois une gorgée de vin blanc pour me donner du courage. En voyant le verre que mon père m'avait préalablement commandé, je marque un temps d'arrêt en déposant la matière sur ma lèvre. Je ne suis pas alcoolique.

- Vous vous disputez depuis des années et c'est moi qui dois en faire les frais, je pense que je mérite de savoir au moins ce que j'ai fait de mal... Déclare-je en déposant mon breuvage.

- Après tout tu es assez grande maintenant.

Cette réplique ne me rassure pas. Je cligne des yeux plusieurs fois pour rester attentive.

Sur ses lèvresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant