Chapitre 29

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Nous roulons depuis maintenant plus d'une demi-heure. J'essai de me faire le plus discret possible sans pour autant perdre la trace de la mère d'Ava. Je ne quitte pas des yeux la voiture blanche, laissant quelque fois une voiture entre nous pour ne pas me faire repérer. Je suis si près du but, je ne supporterais pas de tout gâcher maintenant. Et je me pose beaucoup de questions durant le trajet, je me demande où elle va, si elle me mènera vraiment à Ava, et si c'est le cas, à quoi est-ce-que je dois m'attendre. En tous cas, lorsqu'une heure de trajet défile, je sais qu'elle me ment. Ava m'a dit que ses parents n'habitaient pas excessivement loin de l'université. Cette femme ne rentre donc pas chez elle.

Environ une dizaine de minutes plus tard, la voiture ralentis. Je regarde autour de moi mais je ne vois rien. Il n'y a pas de bâtiment, pas de maisons. Elle emprunte une petite allée et je la laisse prendre de l'avance. Il n'y a plus de circulation, ce qui ne joue pas en ma faveur. Lorsque j'aperçois sur ma droite un panneau indicatif, je reporte toute mon attention dessus. Ce sera peut-être une piste.

Centre psychiatrique des Landes.

Je me dis d'abord que ce n'est pas notre destination, mais au fond de moi je suis tout de même inquiet. Et j'imagine déjà Ava dans un lieu comme celui-là. Je n'y suis jamais allé, je n'en ai jamais vu, c'est vrai, pourtant je sais qu'elle n'y a pas sa place. Au moment où je décide d'avancer lentement, je réalise pourtant que sa mère vient de se garer dans le parking du centre. Il n'y a plus de doutes possible à avoir, elle est bien là. Elle sort de la voiture et prend le sac avant de se diriger vers l'entrée. Je réalise alors qu'Ava ne m'a envoyé de message que trois heures après son départ, est-ce-que c'était pour brouiller les pistes ? Je ne risquais pas de deviner que son stage cachait un séjour dans ce genre de lieu. À présent je suis perdu. Je me gare, j'arrête le moteur, je me dis que je pourrais peut-être revoir Ava d'ici peu, que ce que j'attend depuis plus d'un mois va se réaliser, mais je n'arrive pas à bouger. Ça me briserai le cœur de repartir en la laissant là. Des larmes roulent sur mes joues. Depuis un mois, malgré ma peine, malgré le vide qu'elle a laissé dans mon cœur et dans vie, ce qui me remontait le moral était de savoir qu'elle passait peut-être un mois exceptionnel, qu'elle aurait plein de chose à me raconter, qu'elle y aurait appris plein de choses... Tout ça n'était que du vent, elle souffrait pendant tout ce temps, elle était seule, abandonnée, entourée de personnes réellement atteintes. Si j'avais eu mon mot à dire, je ne l'aurais pas laissé faire, je ne l'aurais même pas laissé voir un psychologue ou un psychiatre. Personne. J'aurais pu parler avec elle, j'aurais pu l'écouter et la soutenir.

Je reste une dizaine de minute à me morfondre et à culpabiliser, puis je réalise que ça ne m'avance à rien. Je dois entrer et la faire sortir d'ici. Je suis sur que c'est sa mère qui est à l'origine de tout ça... Ava était triste de partir, elle ne voulait pas venir. Et tout s'éclaire dans ma tête, le peu d'affaires dans son sac, le peu d'informations que j'ai eu. Tout prend plus de sens à présent. Je me rend compte aussi que sa mère m'a menti en pleine face en faisant passer sa fille pour une personne instable.

Toute cette histoire est beaucoup trop compliquée. " Si j'avais su" ces mots me viennent à l'esprit, mais elle m'avait prévenu, non ? Elle m'avait dit que sa vie était compliquée, qu'elle me repoussait pour me rendre service. Sauf que le mal ne fait pas partie d'elle, il l'entoure. Et si j'avais su, je n'aurais pas agit autrement. Je ne me serais pas enfuit pour autant.

J'entre enfin dans l'immeuble plutôt délabré. Ce serait digne d'American Horror Story. Même de l'entrée, je peux entendre des gens crier. Je pénètre dans l'accueil mais il n'y a personne, et en progressant un peu plus je vois la mère d'Ava parler avec un homme plutôt âgé. Il a une tête de taré, mais j'essai de ne pas trop me faire de film. La mère d'Ava m'aperçoit et se métamorphose, le sourire qu'elle avait sur son visage disparaît aussitôt. Je m'approche prudemment. Si Ava est autorisée à être visitée, j'ai autant le droit d'être là que cette femme.

- Mais qu'est-ce-que vous faites là ?

Une jeune femme arrive aussitôt et s'approche de moi.

- Monsieur je peux vous aider ?

- J'aimerais voir Ava Mitchell, est-ce-que c'est possible ?

- Oui bien sur, les visites sont autorisés jusqu'à 17h30. Ava se trouve juste là dans le jardin.

Le comportement aimable de la jeune femme me détend, peut-être que cet endroit n'est pas aussi glauque que ce que j'avais imaginé finalement.

- Non il ne peux pas ! Je ne veux pas qu'il voit ma fille ! Je n'en reviens pas que vous m'ayez suivi...

- Je suis désolée Madame mais votre fille est majeure, vous n'avez pas le droit de décider de ce genre de chose. Si Ava ne veux pas le voir nous le raccompagnerons. Je vais devoir prendre votre nom s'il-vous-plait, ajoute-t-elle en me regardant.

- Je m'appelle Evan Peters. Et elle voudra me voir. Le voudra-t-elle ?

Je tourne la tête vers la mère d'Ava,  rouge de colère, puis mon attention se reporte sur le second plan, le jardin. Ava est là. Je la vois d'ici, assise sur un banc, le visage tourné. Elle est seule et paisible. Je réalise seulement maintenant qu'elle m'a manqué encore plus que ce que j'imaginais. Je ne sais pas comment j'ai fait pour survivre sans elle. Je signe le registre que la jeune femme me tend et j'approche de quelques pas, malgré le regard haineux de sa mère sur moi. Alors que je suis sur ma lancée, l'homme qui discutait avec la mère d'Ava plus tôt s'approche de moi.

- Je ne vous empêcherai pas de voir Ava jeune homme...

- Vous ne le pouvez pas.

Je lui coupe la parole et il se met à rire.

- Ne soyez pas trop sur de vous, ce n'est pas une chose à faire lorsqu'on ne connaît pas le fonctionnement exact de ce genre d'endroit. Je vais vous laisser la voir, mais vous devriez éviter de revenir par la suite si vous tenez à elle. Elle a besoin d'être loin de tout ce qui peux lui nuire.

- Alors je ne suis pas celui qui doit se tenir loin, dis-je en tournant la tête vers sa mère.

Elle me regarde d'un œil mauvais et j'avance un peu plus. Elle me retiens par le bras et je suis à deux doigts d'éclater.

- J'attend ça depuis plus d'un mois, alors lâchez-moi.

- Écoutez-moi.

- Je n'ai aucun ordre à recevoir de vous. Vous avez menti, vous m'avez fait croire que votre fille avait fait une fugue. Et surtout que vous ne saviez pas où elle était.

- Elle vous a menti aussi, alors posez-vous les bonnes questions. Il s'agit de ma fille, je la connais mieux que quiconque. Elle ne mérite pas votre attention, ma fille est malade, elle doit se faire soigner sinon elle se détruira et vous détruira en même temps.

- Vous ne connaissez pas votre fille. Elle mérite mon attention, elle mérite mon amour. Et elle aurait mérité de recevoir l'amour de ses parents. Vous pensez que je ne la connais pas ? En quelques mois j'en ai appris plus sur elle que vous en toute une vie. Je ne connais pas les souvenirs de son enfance, votre nom ou celui de son père, sa couleur préférée, certains détails importants... Non, c'est vrai. Mais je sais ce qu'elle a dans son cœur. Je connais les erreurs qu'elle a commise et je sais surtout pourquoi elle a fait ça. Elle a manqué d'amour. Elle pense ne pas mériter d'être aimée, et je comprend pourquoi maintenant. Tout s'est éclairé au moment où vous avez ouvert la bouche.

Sur mes paroles je tourne les talons et je marche d'un pas déterminé sans me laisser retenir cette fois-ci. Je n'ai pas dit toutes ces vérités pour lui prouver quelque chose, et j'aurais encore eu des choses à dire, mais c'est elle qui perd un trésor. Moi, j'ai bien réalisé la valeur de cette fille. Et je ne la laisserai jamais tomber.

Sur ses lèvresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant