Epilogue

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La suite des choses n'a pas été simple; Ava allait mieux, nous savions l'un et l'autre comment notre avenir allait se poursuivre. Pourtant, je ne peux pas dire que tout a été facile. Elle a retenu énormément de souffrance en elle sur une assez longue période de sa jeunesse. Le bonheur vient avec le temps et même si ses attentes sont enfin comblées, tout n'a pas été aussi aisée que je l'aurais souhaité. Il y a eu des hauts, beaucoup, mais il y a eu aussi quelques bas. A certains moments, elle se remettait à penser à sa mère, à son père, surtout le jour où je lui ai demandé de devenir ma femme. La présence de son père à ses côtés aurait été un moment de paix intérieur pour elle, même pour un court instant. Mais elle a refusé de l'invité. J'ai avancé très rapidement dans nos vies et vous vous demandez sûrement comment les choses se sont déroulées par la suite.

Nous avions passé le plus délicat dans notre relation de couple. Ava avait vendu la maison de sa mère, son père lui en avait laissé la totale appartenance. Elle avait décidé de faire don de l'argent de la vente à une association pour les jeunes femmes souffrant d'abus mental au quotidien. C'est ce qui lui correspondait selon elle, sa mère avait exercé sur elle une pression psychologique qui l'avait détruite à petit feu. Ava a recommencé à être suivie par sa psychologue, elle n'a jamais porté plainte contre le Docteur Stan, mais elle n'a jamais su non plus que je m'étais occupé de lui foutre une bonne raclée en prêtant une attention particulière pour ne pas qu'il me reconnaisse. Ça n'est pas assez, il ne mérite pas de pratiquer encore à ce jour, mais ça m'a fait du bien. Elle va toujours voir le Docteur Laurence de temps en temps, car ce genre de plaies ne se referment pas si aisément.

Nous avons donc terminé notre année à l'université, nous avons enchaîné la suivante. Cela n'a pas été facile de devoir attendre pour vivre ensemble, nous nous sommes disputés plus d'une fois à cause de ça. Simplement parce que nous en voulions toujours plus. Plus d'intimité. Finalement, Ava a réussit à mettre assez de côté pour se payer son année et elle a coupé les ponts avec son père qui, malheureusement, avait déjà pris cette décision pour elle. A la suite de ça, Ava a pu faire son école de photographie en se voyant attribuer une bourse. Trouver un travail a été facile pour elle, mais j'ai eu un peu plus de mal. J'ai commencé par travailler en alternance dans une clinique et dans une boutique de fringues pour pouvoir prendre notre appartement tant convoité. Je n'ai pas voulu être pistonné par ma mère pour trouver une bonne place, et un étudiant fraîchement diplômé dans ce milieu ne trouve pas forcément immédiatement du boulot. Néanmoins, avec un peu de patience j'ai pu trouver une place en tant que psychologue pour enfant. Je crois que c'est à partir de ce moment-là que j'ai compris que je voulais moi-même avoir des enfants. J'ai toujours su que j'en voulais, tôt ou tard, mais ce n'était pas concret. Tout m'indiquait que la suite avec Ava était toute tracée, mais j'étais peut-être encore un peu jeune pour me préparer à tout ça.

Pour l'anniversaire de nos deux ans de rencontre, j'ai demandé Ava en mariage. Je crois que ce fut le moment le plus émouvant de ma vie, parce que, une fois à genoux devant elle, ma bague de fiançailles à la main, les larmes débordantes de ses yeux, tous les souvenirs que nous avions eu ces deux dernières années m'ont frappé en plein cœur pour me dire " oui, c'est elle, il n'y aucun doute possible". C'est très romantique comme histoire, je le reconnais, mais je pense que nous avons mérité notre bonheur, elle l'a mérité. Moi, je me réveille chaque matin en me disant que j'ai une chance incroyable d'avoir rencontré cette fille, belle, époustouflante, talentueuse et forte. Je suis chanceux d'être avec une femme qui a trouvé le courage de se battre pour être avec moi et avoir un futur digne de ce nom.

Comme je le disais donc, elle n'a pas appelé son père le jour où nous avons fixé la date du mariage. Elle n'avait plus de nouvelles depuis plus d'un an et elle ne se voyait pas entrer à son bras. Mon père était là pour elle, et je m'en suis trouvé plus ému encore. La voir marcher dans cette robe de dentelle blanche, ses cheveux légèrement remontés par de petites fleures roses, nos amis de l'université, Jack, Mike, Aiden, Louis et Lisa, sa colocataire devenue une amie très proche... Ainsi que sa psychologue, étant finalement une des personnes les plus importantes dans son rétablissement, et évidemment mes parents et certains de leurs amis, m'ayant vu grandir, tout cela formait un cadre idyllique. Cette journée fut parfaite, notre voyage de Noces au Japon le fut aussi. Tout était parfait. Les années ont fait qu'Ava se confiait à moi avec plus de facilité, même sur des choses qui lui revenait de temps à autre et qu'elle avait oublié de me raconter. Des choses plus ou moins dures à se remémorer. Voilà pourquoi, malgré toute cette joie, je ne peux pas dire que tout a été simple. Parce que certaines séquelles vous mène la vie dure, parce que quelques fois il faut laisser faire le temps et accepter que ces souvenirs puissent remonter à la surface.

Ava m'a avoué quelques temps après qu'elle savait depuis un moment que ce serait ça, le clé de son bonheur. Avoir une famille à elle. Oublier celle qu'elle avait toujours connu. Nous formions une famille tous les deux, nous avions tout, nous n'avions plus besoin de personnes. Nous pouvions même oublier que nous étions entourés et mes parents nous le rappelait souvent. Le cocon des débuts, sûrement. Une bulle s'est formée autour de nous, ne pouvant plus laisser passer aucune souffrance, aucun conflit. Je ne dis pas qu'Ava et moi ne nous sommes jamais disputés, ce serait faux. Nous nous disputons encore maintenant pour des choses quelques fois tellement puériles que nous finissons par en rire, après nous être bien insulté. Mais à la fin de la journée, lorsqu'elle vient se blottir contre moi, lorsque je viens déposer un baiser sur ses lèvres, je sais que j'ai trouvé l'amour de ma vie. Et je défis quiconque de vouloir s'interposer entre nous. Ava vous balancerai probablement son genoux entre les cuisses, et je vous terminerai par une immolation bien méritée.

- Tu pourrais arrêter d'écrire et replacer la caméra ? Je crois qu'on est pas vraiment dans le cadre.

- J'arrive.

Je contemple Ava et Béatrice, se tenant devant l'objectif, un peu nerveuses.

- C'est bon. Tu peux y aller...

Elle inspire avant d'ouvrir la bouche.

- Salut papa... En toute honnêteté je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça, je ne m'attendais pas à ce que tu répondes à la première vidéo donc je suis un peu prise au dépourvue. Je me suis jurée de ne plus jamais te parler, et franchement, de toi à moi, je ne préfère pas repenser à notre passé commun. Comme je te l'ai dit la dernière fois, Béatrice n'a pas besoin de connaître plus de personnes que ses parents et ses grands-parents paternels, elle reçoit énormément d'amour. Du moins, c'est ce que j'imagine vu qu'elle ne peux encore parler pour dire ce qu'elle pense... Mais bizarrement, la grossesse m'a fait réaliser que j'aurais toujours ce manque alors, même si on ne se voit pas, j'aimerais que Béatrice grandisse en sachant que tu existes et que tu es là... Même de loin. Pour l'invitation de venir passer des vacances dans votre maison au Mexique... Je suis désolée mais je ne suis pas encore prête pour ça... J'espère que tu vas bien. Evan n'a pas très envie d'apparaître ici, tu comprendras j'en suis sur. On t'embrasse... A bientôt... Tu dis au revoir à ton grand-père ? Béatrice remue vaguement la main. Au revoir papa.

Clic.

- C'est enregistré...

- Okay, je l'enverrai ce soir. Merci...

Je me déplace en face d'Ava en déposant un baiser sur la joue de ma fille, avant d'embrasser sa mère, encore un peu bouleversée.

- Je t'aime Ava.

Elle soupire en souriant.

- Je t'aime.

Sur ses lèvresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant