Chapitre 40

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Je marche lentement de sorte que je ne suis qu'à quelques mètres seulement du restaurant où mon père se trouve toujours. Je regarde mon téléphone en me demandant ce que je suis censée faire. Appeler Evan et lui demander de venir me chercher ou prendre un taxi ? Le chauffeur de tout à l'heure n'est pas là mais bizarrement je n'ai pas envie de rentrer. Je sais qu'Evan me ferait du bien là tout de de suite, il est le seul qui tient à moi désormais. Mais pour une raison que j'ignore, je ne suis pas prête à rentrer. Me retrouver une fois de plus dans sa demeure familiale en pleure, entourée de regards compatissants mais teintés de pitié... Non, je n'en ai pas le force. Pas immédiatement. J'ai besoin d'être seule, de marcher sans connaître ma destination.

Je sais que je dois faire peur à voir mais je m'en fiche pas mal. La rue est bondée, personne ne se rend compte de mon état. Même en semaine les gens sortent et s'amusent, je crois que j'en ai besoin moi aussi. J'en ai assez d'être faible et de m'acharner sur mon sort. Tant qu'Evan m'aime, je n'ai aucune raison de vouloir en finir avec ma vie. En songeant à lui, je lui envoie un texto pour lui dire que je vais bien. Je mens, mais il s'est assez inquiété pour moi. Alors je poursuis mon ascension dans cette rue pleine de rire. Mes larmes se calment petit à petit et j'oublie presque ce que je viens d'entendre, j'efface tout simplement de ma tête l'état de ma vie actuelle. Il ne s'est écoulé qu'une heure depuis que je suis arrivée ici, je peux donc profiter de quelques heures supplémentaires de solitude avant de devoir rentrer. Je ne sais pas ce que je vais faire, je me contente pour le moment de errer le long du trottoir. Certains hommes me regardent mais mes vieux démons ne prennent en aucun cas le dessus, Evan ne sort pas une seconde de mes pensées. Et ce n'est pas forcément une bonne chose. Je dépend de lui à présent, de ce qu'il ressent pour moi et de l'importance que j'ai dans sa vie. Je déteste ça. Je devrais être indépendante, mon père pense que je le suis mais ce n'est pas le cas. Mon père.  Je dois arrêter de penser à lui désormais... Evan est arrivé au moment où j'en avais besoin, il m'a sauvé mais il pourrait tout aussi bien me détruire. C'est pour ça aussi que je ne veux pas rentrer. Je veux me prouver à moi-même que je peux survivre malgré toutes les atrocités que j'ai entendu ce soir. Elle commence d'ailleurs à refaire surface et je secoue la tête pour m'éviter d'y penser. Je devrais voir les choses en face, mais pour le moment je veux oublier. Je ne me faisais pas d'illusions sur ma famille, nous n'avons jamais été une famille, mais j'avais une lueur d'espoir. La part d'enfant en moi qui refusait de grandir et qu'on a éliminé, brutalement et contre mon gré.

- Eh, ça va ?

Une fille m'adresse la parole et je sors de mes pensées. Elle a les cheveux blonds décolorés et très court. Elle me fait penser à Miley Cyrus. Je tourne la tête vers elle en clignant furtivement des yeux.

- Pardon ?

Elle se met à rire, elle ne se moque pas, elle à l'air très gentille au contraire.

- Je te demandais si tu allais bien, t'en veux une ?

Elle me tend une cigarette et je décline la proposition.

- Non merci. Ça va, enfin, je suppose que ça va.

- T'es bizarre toi, je t'aime bien. Tu viens ?

Des gens s'approchent d'elle et entre dans un club juste à côté. Elle me regarde en patientant et un garçon très efféminé l'interpelle.

- Jen tu viens ?

Elle attend toujours et je ne sais pas quoi répondre. Elle tire très fort sur sa cigarette et jette le mégot presque inutilisé au sol.

- Allez viens, je connais le patron c'est cool. Ça te changeras les idées t'as pas l'air bien.

Je ne sais pas vraiment pourquoi mais j'entre dans le club sans réfléchir. Après tout si ça ne me plait pas je pourrais toujours repartir. Je ne débourse pas un centimes grâce à Jen et ses connaissances. Elle me dit de rester avec elle comme si elle me connaissait depuis des années et je me demande légèrement si on ne s'est pas connues durant une certaine époque. Lorsqu'elle me demande mon prénom je suis rassurée, ma mémoire ne me fait pas défaut.

- Je m'appelle Ava.

- Moi c'est Jennifer mais on m'appelle Jen. Tu bois quoi ? Ils font des TGV.

Des TGV ? Je ne sais pas ce que c'est mais je dis oui. Tequila, Get et Vodka. On peux dire que c'est plus fort que le vin... Mais c'est assez bon. Le goût de la menthe rafraîchit ma gorge pour ensuite me laisser la brûlure de l'alcool. Je ne bois qu'un seul verre, je ne veux pas être bourrée, mais il suffit à me détendre un peu. Le club me plait, ce n'est pas moderne comme la plupart des boîtes de nuit. Les gens sont plutôt dans le style hippie et rock. Je m'attend presque à entendre du David Bowie mais ce n'est pas le cas. Dancing on my own de Robyn fait trembler les murs et je me dirige vers la piste pour danser seule moi aussi. Jen se met à rire et me regarde partir d'un pied sur. Je me met au milieu de la piste et je lève les bras en me remuant. La robe de la mère d'Evan n'est pas très pratique pour danser, les quelques sequins noirs font qu'elle n'est pas élastique mais je me débrouille. Je ferme le yeux, j'oublie où je suis. Je ne resterai pas longtemps, Evan ne doit pas s'inquiéter. Pourtant je suis tellement bien actuellement. La musique prend toute la place dans mon cerveau, l'alcool me donne l'impression de flotter. Je danse encore et encore, j'aimerais que la musique ne s'arrête jamais. Des hommes tentent de se coller à moi mais je les repousse poliment. Les lumières bleu, rose, verte se remuent partout sur mon corps et je garde le rythme en bougeant mes fesses, mes jambes et mes bras. Je joue avec mes cheveux et de loin on doit penser que je suis droguée. Je suis sur mon nuage, dans ma propre planète même. Plus rien ne m'atteint ici, et je ne contrôle plus rien, pas même le temps.

Comment ai-je pu autant penser à Evan ,voir autant son visage dans ma tête et pourtant laisser filer le temps de cette manière. Au bout d'un nombre incalculable de chansons, d'un autre verre, de jus de pomme cette fois-ci et de plusieurs danses seule et avec Jen et ses amis, je me rend compte que je suis ici depuis trop longtemps. Je pourrais toujours lui dire que nous avons parlé un long moment avec mon... Père, en espérant qu'il y croit. Je cours presque jusqu'au vestiaire pour récupérer mon manteau et mon sac.

- Où tu vas ?

Jen me suit en fronçant les sourcils et je lui explique la situation rapidement. Du moins, je me contente de dire que je ne devais pas rentrer trop tard.

- Oh putain de merde.

- Sans vouloir t'offenser ça ne te vas pas du tout de parler comme ca, plaisante-t-elle.

Mais je ne peux pas rire, je réalise qu'il est quatre heures du matin et que mon téléphone est saturé de messages et d'appels. Evan doit être mort d'inquiétude, qu'est-ce-que j'ai fait... Je m'empresse de sortir et Jen m'attrape le bras.

- Hey, est-ce-que ça va aller ?

Elle paraît inquiète maintenant.

- Je suis désolée, je ne t'ai pas remerciée. Merci pour cette soirée, c'était super. Ça va aller, enfin j'espère...

- Je suis sûre qu'il te pardonnera ! On se re croisera peut-être.

- J'aimerais beaucoup oui. A un de ces jours ! Merci encore...

Je referme la large porte derrière moi et je sors dehors. Il ne fait pas jour mais la nuit et définitivement terminée. Jamais je ne m'en suis voulu à ce point. Evan ne va plus avoir confiance en moi, je ne suis même plus sûre qu'il m'aime encore après ça... Je retiens des larmes mais je marche rapidement dans la rue en ouvrant tous les textos de mon téléphone. Je me contente de lire le dernier, inutile d'écouter tout les messages vocales...

Ava, je t'en supplie dis-moi que tu vas bien.

Je mord ma lèvre très fort en marchant sans arrêt malgré la douleur de mes pieds. Je cherche du regard un taxi, un bus, n'importe quoi. Je compose le numéro d'Evan pour le rassurer immédiatement mais lorsque la première sonnerie retentie, je vois sa voiture approcher de moi. Je raccroche en ralentissant le pas. Au moment où je vois enfin son visage, j'échappe une larme. Je ressens de la culpabilité et de la honte, mais lui n'est qu'inquiétude et peur. Je peux lire le soulagement dans son visage, mais je sais que ça ne durera pas. J'ai peur à présent, peur de sa réaction lorsque je lui dirais où j'étais...

Sur ses lèvresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant