38 - Coup pour coup !

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La fugue de Sasha s'est achevée dans notre jardin, où il a passé la nuit... Je le découvre à mon retour de vacances, endormi au pied d'un arbre et, à peine le temps de le requinquer que son père débarque...

Le visiteur indésirable pousse le portail, avance à grandes enjambées et stoppe pile devant moi. Confirmation : de très près, il est immense et très impressionnant. Que du muscles, pas un poil de graisse... Et pas compliqué de deviner son humeur. Un caïman de Floride est plus aimable même quand il cherche à vous croquer un jour de grande faim ! L'énergumène  fulmine, limite si de la fumée ne lui sort pas de naseaux. Super, un bulldozer enragé ! Je ne crois pas que la science dispose d'un vaccin pour éradiquer le cas. Le croc brillant et plein de verve, il attaque séance tenante :

— Pourquoi ne pas avoir prévenu que Sasha était chez toi. Tu es complètement irresponsable !

La voix à la sonorité très grave se teinte d'un léger accent. Agréable sans doute, en d'autres circonstances. L'accusation, énorme, me fait à peine hausser un sourcil. Première rencontre de rêve, pourtant je n'ai pas postulé à un nouveau casting de « Mon beau-père et moi* ». Le ton ferait rentrer en terre toute adolescente normale, ce que je ne suis pas, merci Mère-nature... Enzo le rattrape et s'interpose, dégoûté.

— Agathe n'y est pour rien, elle...

— Enzo, je ne t'ai rien demandé ! C'est à elle de me répondre, pas à toi !

Socquette-en-furie, à deux doigts d'exploser, me prend à témoin.

— Tu comprends maintenant...

Je lui offre une grimace compatissante, puis fixe son paternel quand Sasha surgit. Là, nous franchissons un cap alarmant... le dérapage est proche !

— Pourquoi tu t'en prends à Agathe ? Elle n'a rien fait. C'est comme d'habitude, tu t'en fiches de ce que les autres ont à dire.

Le Chat s'arrête près de moi et crache toute sa colère et sa frustration. Son niveau d'énervement atteint la cote d'alerte. Le souffle court, il déverse toute sa rancune d'une traite.

— T'en as rien à faire de nous. De quel droit tu veux toujours tout diriger ? Tu ne vis même pas avec nous.

Son père fait un pas vers lui. Les choses vont virer à l'aigre, je le sens le « psychodrame ». Blême, Enzo voudrait intervenir avant que les paroles de Sasha ne dépassent la limite mais son paternel l'écarte d'un mouvement de bras qui le fait reculer comme un fétu de paille.

— Tu nous as abandonnés. Je te déteste. Tu n'es plus mon père !

Ses mots hurlés à plein poumons retentissent comme une sentence. Le visage adulte s'assombrit. Déjà qu'il n'était pas d'humeur, là je crains le pire. Sasha vacille, épuisé. Je reconnais à peine ses traits d'ordinaire si doux. Le digne reflet de la montagne de muscle, mais version très délicate...

Je perds de vue sa cible un bref instant trop occupée à surveiller la soudaine faiblesse du Chat mais dans mon champs de vision périphérique, je devine la main qui se lève. Alerte rouge ! Je n'ai plus le temps de l'intercepter, je choisis la seule option possible. En une fraction de seconde, je m'interpose et l'énorme paluche s'abat sur ma joue dans une gifle retentissante. Non, je n'ai pas pris d'abonnement, et rien de prémédité, je le jure. Par contre, je compte bien me servir de cette prodigieuse bévue. Pas question de perdre le nord ! A la stupéfaction de mon agresseur et l'expression horrifiée d'Enzo, s'ajoute le cri de Sasha en larmes maintenant :

— T'avais pas le droit de frapper Agathe, t'avais...

Je l'attrape avec vivacité et le sert contre moi. Il est grand temps qu'il se calme. Je doute qu'une telle crise lui soit bénéfique.

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant