35 - Les larmes d'Hugo

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Charmant après-midi avec Sasha sur mes genoux... Quand sa mère entre dans la chambre et nous surprend dans cette fâcheuse position, même si le cœur du Chat fonctionne moins bien que mien, j'ai failli succomber à une crise cardiaque.

Quelques tendres bisous plus tard, après le départ de la maman bien sûr, Enzo me raccompagne à la maison. Des heures passées en accéléré et je soupire, songeuse, les yeux rivés à la fenêtre de la voiture, côté passagère. Mon chauffeur se méprend, persuadé que je boude sans doute.

- Désolé, je ne savais pas que ma mère passerait si tôt, s'excuse encore Enzo, sinon je vous aurais envoyé un texto.

- Pas grave, et puis ça n'a pas dérangé Sasha, ma gêne l'a plutôt amusé....

Lui confier que prolonger la visite m'aurait ravie ? Non, la paix signée avec Socquette demande encore consolidation. La confiance reviendra, mais pour le moment, ma méfiance se manifeste toujours à la moindre occasion. Enzo ne mérite pas si vite mon pardon complet. Un revirement trop rapide le pousserait à retomber dans ses vilains travers. Aucun besoin de l'encourager dans cette vilaine voie.

- Les résultats pour toi, c'est demain ? Questionne mon chauffeur.

J'opine du chef. Moment crucial, très important ! Le Brevet !

- Et toi ?

Un scooter imprudent déboule soudain devant le nez de la voiture et Enzo écrase la pédale de frein dans un crissement de pneu. Il retient une exclamation furieuse. Sans doute qu'en ma présence, la Chaussette dépitée préfère masquer une peur rétrospective. Il se contente de grincer entre ses dents, sans épithète choisie pour le malotru. À titre personnel, j'opterai volontiers pour un "espèce de résidu moisi"...

- Quel petit... Encore un qui finira sous les roues d'un conducteur malchanceux... Mardi, mes résultats. Comme Rémi d'ailleurs.

- Ça va être chaud, pour vous, les entraînements l'année prochaine.

Enzo tord du nez.

- C'est sûr qu'on ne va pas rigoler tous les jours... Profites-en pendant que tu peux Agathe ! Enfin dans ton cas, les entraînements... Tu n'as pas grand-chose à apprendre non plus.

Une pointe d'envie manifeste perce sous le propos. Un rien de jalousie ? Voilà qui motivait peut-être aussi ses attaques à mon encontre. Non seulement j'accaparais son petit frère, mais en plus je collais sa raclée au plus grand, sur demande ! Je démens pourtant avec fermeté cette conclusion un peu trop rapide :

- Tu te trompes Enzo. Je suis peut-être un peu plus en avance sur toi mais il me reste beaucoup à acquérir. Rien ne t'empêcheras de me sonner quand tu auras du temps. J'ai les clefs du Dojo, donc dès que tu auras un moment pour te défouler...

Son rire me surprend, grave et chaleureux.

- Ouais, dis plutôt que c'est toi qui va te défouler; Histoire de me faire payer toutes mes âneries...

Avec la mimique ravie d'un tortionnaire propulsé au septième ciel, j'approuve avec enthousiasme.

- Si tu réveilles ma mémoire et mes instincts sadiques... Forcément !

Amusé, il range la voiture devant la maison, sort et vient m'ouvrir la portière. Très galant, je le concède. A croire qu'il me confond avec un bibelot en porcelaine ? Genre petite bergère toute mignonne... Il découvre, très surpris, que sous mes airs garçonniers se cachait une vraie fille. Enzo espère-t-il me convaincre de sa bonne foi avec ce genre de comportement ? N'en fais pas trop le frangin, mon naturel soupçonneux étudie déjà tous les motifs cachés de ton attitude. Encore heureux qu'il ne m'offre pas la main pour m'aider à sortir de la guimbarde parce que mon sérieux volerait en éclats. Exploser de rire à cet instant... Je ne voudrais pas le vexer, pourrir ses efforts et son apparente sincérité. J'enterre la hache de guerre pour notre bien à tous, et surtout la tranquillité d'esprit de Sasha. Après l'intervention musclée et chevaleresque de Rémi, celle toute aussi altruiste de Mathias, difficile de conserver le mode « tête de cochon» option rancune tenace.

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant