Les Tribulations d'Agathe

57 - Chalet et chamalows...

Remerciements à FaerylShyla, Cara sait pourquoi...

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Le sentier paresseux ondule dans le sous-bois. Je presse le pas parce que l'après-midi touche à sa fin. Fringant, Grabuge suit ou court devant, selon ce qu'il renifle. J'aime sa compagnie. Peu exigeant, ce soir il se calera contre moi et me servira d'oreiller, ou de bouillotte, une fois brossé avec soin si j'ai ce courage. Un cabot multifonction qui a le privilège de rester à mes côtés. Nul doute qu'il devine l'honneur accordé et bombe le poitrail avec fierté. L'égo canin dépasse l'égo humain, c'est bien connu.

Les racines affleurent dans un entrelacs traître et je surveille où je dépose mes grosses semelles. Cette prudence attentive m'évite de me pencher sur le maelström qui occupe la majeure partie de mon esprit. Je concentre mes sens sur les parfums forestiers, le gazouillis des "zoziaux", le zézaiement des moucherons et autres buveurs de sang. Des moustiques, rien d'autres. L'imaginaire collectif aime à s'inventer des sujets de frayeur, des bébêtes avec de grandes dents prêtes à vous dévorer, mais là rien que ces petits insectes indésirables... Donc, je m'occupe à ne pas penser. La réflexion, un sport que je pratique peu, par goût et par prédisposition.

Aucune introspection dans les grandes profondeurs. Pour moi la meilleure façon de ne pas focaliser sur ses peurs, ses désirs, ses rêves et autres fantasmes. Une bonne pratique pour s'assurer une sérénité sans faille. Problème : depuis quelques temps, j'ai cédé aux sirènes philosophiques de la raison et commencé à vouloir « réfléchir ». Quel gros mot ! Grossière erreur pour une Agathe évaporée que de vouloir changer sa nature. Un légume reste un légume ! Enfin, dans le cas présent, un rejeton de la famille des cucurbitacées, donc le genre à ne pas trop utiliser ses neurones.

Et les miens présentent une inénarrable tendance à la grève, voire un réel défaut de fabrication. Résultat des courses, le service minimum n'assure que les activités élémentaires : inspiration, expiration, mastication, génuflexion... et me plonge dans un abîme de perplexité quand les problèmes se profilent à l'horizon. Et ça se bouscule à la lisière de ma conscience... Halte aux envahisseurs ! « Vous ne passerez pas ! » clame l'Agathe transformée soudain en un étrange personnage, au costume et à la barbe grise. Toute similitude avec un personnage de fiction très connu serait un pur hasard.

La nécessité d'un inventaire détaillé s'impose à l'insu de mon plein gré... Enzo et Samuel en rafraîchissement à la Montagne. Grand bien leur fasse... Ensuite, en guise de récréation, un glaçon polaire s'occupera de moi. Joie, bonheur et glaciation... A ce rythme, les icebergs pulluleront à nouveau dans l'océan arctique et les glaciers reprendront du volume. Très bon, ça, pour lutter contre le réchauffement climatique, mais rien de tel pour geler une asperge. Et pour achever de me griller la matière grise, en programmation, sevrage brutal de compagnie féline. En clair, exit Sasha pour une durée indéterminée... Non, cette fois, pas question que je m'arrête sur le sujet. Quelque chose se fige en moi et se recroqueville, comme autrefois.

Voilà comment le besoin de m'isoler a ressurgi. Il ne m'a jamais tout à fait quittée et je ne crains pas de me retrouver seule. Au contraire de bien des gens de mon âge, je n'éprouve pas le besoin d'être entourée, connectée à tout instant. D'une certaine manière, je force ma nature, histoire de n'inquiéter personne et surtout pas mon père. Me resocialiser le rassurait et puis, presque malgré moi, le noyau des girls s'est constitué. Rem ? Un cas à part. Un passé similaire nous a rapproché après une période d'observation méfiante. Notre complicité résulte de ce passé commun : les désastreux débuts de notre adolescence. Lui aussi cultivait une indépendance solitaire, avant Adi.  Mais ça, c'était... vous connaissez la suite !

Sasha et la Chaussette, des nouveaux venus mais qui prennent une sacrée place. Peut-être ai-je baissé ma garde, petit à petit, et ouvert mon espace vital aux autres. Rien de déplaisant au demeurant, sauf quand les séparations se profilent. Cultiver la solitude, un moyen efficace pour ne pas affronter l'absence. Une séquelle de cet abandon maternel dont je ne garde pas de souvenir ? C'est aller un peu loin... Zut, et voilà que je me laisse déborder par ces idées de plomb.