Un délicieux moment se profile : la fête d'anniversaire d'Enzo. Cette invitation, lancée avant mon départ en Bretagne... Oubliée, je le crains, et je compte sur l'inspiration de mes petites camarades, de Sasha et Rem, pour trouver une idée de cadeau digne de ce nom.
Associée à cette absence d'idée, une autre préoccupation s'impose. Débarqué il y a quelques jours, Samuel, mon ami d'enfance retrouvé à l'occasion des vacances, occupe notre chambre d'ami. Et, quand je dis "occupe", le mot est faible. Il n'en sort pas et reste enfermé là, sans aucune envie de mettre le nez dehors. La déprime totale depuis son arrivée, alors lui proposer de m'accompagner à la soirée, une suggestion bien peu judicieuse...
Raison de sa présence ? Difficile à dire. En fait, j'en sais trop rien. À mes questions, Ségo et mon père ont opposé une grimace ennuyée, mais impossible de leur faire lâcher un mot, même pas une onomatopée. Résultat, je tourne en rond et je ressasse le peu que je sais. J'extrapole, je fantasme et surtout, je m'énerve. La tante de Samuel, une vieille connaissance de Ségo et boulangère de son état, l'a expédié chez nous pour quelques jours. Voilà, la version officielle telle qu'elle m'a été présentée.
Mais, mon intime conviction me souffle que le séjour sera plus long. Non pas que cela me dérange, mais, le Samuel réfugié à l'étage n'a rien de commun avec le joyeux compagnon de mes vacances.
Blême, les épaules basses, le pas traînant, des cernes sombres creusent son regard. Il se nourrit à peine et ne dort sans doute pas davantage. Un vilain coquard étale une écharpe violacée sur sa pommette gauche et remonte vers l'orbite. Une nouvelle bagarre ? Silencieux, il ne recherche pas ma compagnie. Et, histoire de me contrariée davantage, mon père m'interdit de le questionner. Mystère ! Et personne ne me dit rien, ce qui m'agace grave. la fumée me sort par les naseaux et, gare à l'éruption !
Bon, avec ces préoccupations qui mobilisent mon unique neurone non-gréviste, toujours aucune idée de cadeau pour la Socquette... Une paire de basket tendance, avec lumière intégrée pour les jours d'égarement ou, bien mieux, la fameuse série "pour les nuls" mettra peut-être à ma disposition un titre bien à propos :" Comment ne pas draguer la copine de son frère" en dix leçons. J'imagine la tête du Chat à la vue du bouquin... Gros risque qu'il ne fasse rentrer l'apprentissage en dix points, à grand coup du précieux livre sur le crâne de la Chaussette... Je préparerais volontiers mon appareil photo, pour immortaliser l'instant, mais le titre n'est pas encore disponible à la vente. Scandaleux ! Mais que font les maisons d'édition ?
En cette matinée ensoleillée, levée tôt, je traîne ma fainéantise naturelle en pantoufles et pyjashort, un bol de chocolat à la main et un croissant dans l'autre, jusque sur la terrasse. J'avise Ségo et mon père qui partent en ville. J'ai déjà décliné la proposition de les accompagner pour leur shopping et je subis une nouvelle fois les consignes : ne pas embêter Samuel... je vais me gêner... et lui reproposer un petit déjeuner.... Mais bien sûr ! Déjà, qu'il cause, j'exige des aveux et, après, si je n'ai pas engouffré tous les croissants... sinon, il aura juste les miettes ! Sur le seuil de la porte, agacée par le ton de mon père, je susurre en parfaite hypocrite :
- Oui Papa-Hugo !
Déjà qu'il déteste que j'utilise son prénom, alors avec cette superbe association, je gagne le jackpot ! Il ronchonne pendant que Panda-Ballon s'esclaffe et lève un pouce vers moi en guise de félicitations puis, plus discrète, le pointe direction la fenêtre de Samuel, à l'étage. Dorade-compatissante m'encourage à monter le rejoindre et à le faire causer. Là-dessus, nous tombons d'accord. Crever l'abcès devient urgent.
La fragilité de mon vieux partenaire de plage, elle se devinait déjà lors de nos vacances, malgré le soin qu'il prenait à la masquer sous un humour dévastateur. Une dérision permanente dont il demeurait toujours la cible dans des récits échevelés qui m'ont fait hurler de rire. Je soupçonnais un mal-être, mais nos retrouvailles récentes ne me permettaient pas de poser des questions trop indiscrètes. Dommage, je regrette d'avoir hésité alors, mais, je pensais que nous revoir à la rentrée consoliderait le lien. L'observer, pâle et mélancolique, sans pouvoir intervenir, m'exaspère au plus haut point. Comment le soutenir s'il s'enferme dans sa peine ? Il me fend le coeur... Et, fendre le coeur d'une asperge est une activité criminelle !
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Les Tribulations d'Agathe
AdventureLes tribulations d'Agathe - Wattys 2017 catégorie Maître Conteur : Adolescente déjantée, Agathe croque la vie et adore par dessus tout manipuler son entourage : proches, amis, profs, petits copains, camarades de classe, l'épicier du coin... t...