Les Tribulations d'Agathe

18 - Trahison !

Sasha vient de m'avouer... Non je ne le dirai pas, parce que cela voudrait dire que je reconnais ses sentiments et, à partir de là, les repousser sera plus que compliqué ! J'en ai des sueurs froides...

Bon ! Concentration : je mobilise des neurones qui ont décidés, pour une partie, de se mettre en veille. Les autres se sont fait la malle dans un recoin de ma cervelle et m'ont laissé une grosse pancarte « en grève, débrouille-toi toute seule » !

Mes mains sur les épaules de Sasha, je cherche désespérément les mots qui, sans le blesser, lui permettront de comprendre pourquoi je ne peux pas répondre à ses attentes.

Ma tête répertorie tous les arguments envisageables et mon cœur se comprime comme si ma cage thoracique n'offrait plus la place indispensable à son bon fonctionnement. Et oui, j'ai un cœur moi ! Je perds l'initiative quand Sasha s'énerve et crache sa fureur.

- Pourquoi tu ne dis rien ? Parce que je suis trop petit, trop jeune ? Alors je n'ai pas le droit de te dire que je t'...

Je pose mes doigts sur sa bouche, un geste qui devient habituel ces temps-ci. Mais cette allée trop fréquentée n'offre aucune tranquillité. J'attrape mon jeune ami par le bras et l'entraîne à l'abri des regards indiscrets, derrière un bosquet dense. Ses yeux trop brillants me fixent avec intensité. Les larmes s'accumulent. Non pas ça ! Je ne supporte pas l'idée de le faire pleurer.

- Écoute-moi, Sasha ! Donne-nous trois ans ! Si dans trois ans, tu me redis la même chose, si tes sentiments n'ont pas changé alors je te donnerai ma réponse.

Inutile de dire que je ne sais pas d'où je tiens une proposition aussi débile ! Un neurone non gréviste mais, visiblement, pas fini ou bien en manque d'oxygène ? Mystère ! Sasha s'apprête à protester avec véhémence. Je contre avec conviction :

- Si tes sentiments sont aussi profonds que tu le crois, trois ans n'y changeront rien.

Mensonge éhonté. Tout peut changer et qui en fera les frais ? Agathe, trop lâche pour assumer la franchise brutale de ce jeune homme. Les sourcils froncés, pas très convaincu par des arguments affligeants de stupidité, il ne renonce pas.

- Mais c'est bien trop long ! Pourquoi attendre si longtemps ?

Il n'a pas tort. Trois ans... Je suis très atteinte là ! Mais je n'ai pas terminé de présenter cet étrange contrat accouché par ma pauvre cervelle en panique. Cochonnerie de neurones, dépêchez-vous de ramener vos fesses par là, le seul qui reste ne me souffle que des âneries ! À se demander ce qu'il a fumé.

- C'est long, oui ! Et tu pourras en profiter pour apprendre comment ça se passe avec une petite amie pendant tout ce temps. Cela te donnera l'occasion de découvrir d'autres filles et de comparer...

- Mais c'est n'importe quoi, je le sais déjà ! S'insurge Sasha scandalisé.

Un truc que moi, j'aurai préféré ne pas apprendre. Et il en a eu combien des petites copines ? Et depuis quand ? Et elles étaient comment ? Très mignonnes, c'est sûr. Rien de commun avec une asperge géante et dépigmentée... Je tente de me convaincre du nombre très restreint de ses conquêtes  ! J'aimerais aussi pouvoir lui dire que mon plan est imparable mais je ne suis pas assez convaincue de la « non-débilité » de ma proposition. J'insiste, trop acculée pour reculer.

- Non c'est important ! Que tu puisses comparer et comme ça tu pourras faire un vrai choix !

Je devine qu'il s'interroge entre soupirs et grimaces. Je parie qu'il se creuse les méninges pour trouver un moyen de raccourcir le délai, car il a très bien compris que je ne fléchirai pas. Mais il me surprend par une autre question.