27 - Cupidon en eaux troubles

926 126 65
                                    



La suite de l'après-midi démarre sur une séance de sieste appliquée avec regroupement par affinité... D'un commun accord, Kali et Flo décident de neutraliser Enzo.

Elles installent leur drap de bain de part et d'autre de « Socquette fouineuse » qui s'apprêtait à coller son petit frère d'un peu trop près à mon goût. Douterait-il de ma capacité à protéger le repos de Sasha ? Vraiment, ce qu'il m'énerve ! Mais les girls l'occuperont avec efficacité, si elles pouvaient même l'attacher et s'en servir comme cible à fléchettes... Dommage, j'ai oublié de glissé mon mini-carquois dans mes affaires. Pendant ce temps-là, Sasha et moi profiterons d'un moment de tranquillité. Appuyée contre un arbre, je m'apprête à sortir mon livre de chevet du moment de mon sac quand, mon jeune ami, fait valoir d'autorité son nouvel état : propriétaire d'une Agathe semi-précieuse.

Sa serviette étendue au voisinage de la mienne, Sasha s'approprie de plein droit son nouvel oreiller : mes genoux. Avec une évidente satisfaction, il pose sa tête sur ma cuisse gauche. Attention, les bonnes mœurs sont sauves : un superbe paréo drape mes hanches, non sans élégance d'ailleurs, il faut bien l'avouer. Un cadeau de "Panda-Style" et un heureux choix : une belle étoffe pourpre, aux reflets satinés, qui réveille mon teint neigeux. A travers le somptueux tissage, je perçois la chaleur de Sasha qui soupire d'aise, déjà à demi-assoupi. Mes doigts se perdent dans ses cheveux, mais il saisit ma main au vol et la ramène contre sa poitrine. Je me penche et admire ce profil ciselé que ne renierait pas Michel-Ange... Un léger sourire court sur ses lèvres. Pas si endormi en définitive. Et la tentation est grande... mais je redresse sur un énorme effort de volonté. Avec Chaussette puante dans les parages, les bisous demandent de la discrétion.

Une crainte me saisit soudain. Moi qui me pensais très musclée, se pourrait-il que je me transforme en un voluptueux chamallow, en oreiller moelleux ? Grosse inquiétude... D'un index inquisiteur, très perplexe, je teste ma cuisse droite. Une explosion de rire et je suspends mon geste. Rem, hilare, secoue la tête. Bien sur, il devine mes pensées et juge mes craintes comiques. Je me renfrogne et lui suggère, d'un haussement de sourcils, de s'occuper d'Adi. Le temps viendra où il goûtera à ma vengeance aquatique. Pour l'heure, autant qu'il s'intéresse à mon amie. Leurs serviettes dans le prolongement l'une de l'autre, un peu à l'écart, ils se font face. Délicieux tête à tête en perspective. Laissons-les négocier ce moment délicat où un lien se tisse ou se délite. Dans leur cas, je prévois de solides attaches.

Quant au lien qui nous unit, Sasha et moi, il devient si évident, que le cacher reviendrait à vouloir dissimuler un éléphant derrière un fil de soie. Les regards attendris de certains observateurs expriment une profonde connivence, les girls, Rémi... Celui d'Enzo, en revanche, suscite mon irritation. Le genre d'agacement ressenti lorsque, au cœur de la nuit, un moustique infiltré, vient perturber mon sommeil et me susurre à l'oreille son chant délictueux : « Coucou, zzzzzzzzz, c'est moi le loustic, zzzzzzz... » Oui, vous savez bien, cette petite chose irritante qui vous tire du sommeil avec des envies de meurtre et de jolis cadeaux à gratter. Cependant exploser « Chaussette voyeuse » à grands coups de pantoufle contre un des murs de ma chambre s'avère un objectif trop ambitieux. D'un autre côté, noyer du moustique se discute. 

En vérité, même si je souhaitais la dissimuler, ma tendresse pour Sasha déborde avec allegresse. Fibre romantique en pleine expansion qu'aucune psychanalyse n'aurait su déceler ? Étrange graine que seule la détermination bienheureuse d'un petit démon manipulateur, a amené à germer... L'Agathe neigeuse fond à grande vitesse, gare à la flaque ! Si je ne prends pas garde, je risque bien de finir noyée dans ma propre sentimentalité. Quelle horrible perspective !

Tenir mon livre et tourner les pages d'une seule main représente un exercice d'une très haute complexité. J'abandonne pour l'heure les aventures de l'équipage de « La Dague Florentine ». Au moins, mes éclats de rire intempestifs ne dérangeront pas Sasha. Je m'abandonne sans vergogne à la contemplation de mon dormeur. Je peux profiter du spectacle sans qu'il surprenne mon attention et n'en tire quelques avantages. Adorable vision de ses longs cils qui caressent le velours d'une joue piquetée de petites taches de rousseur. J'admire le front têtu, l'arc décidé d'un sourcil puis la ligne élégante du nez court qui surplombe la bouche ourlée. Dans les traits fins et harmonieux se devine le visage séduisant de l'adulte en devenir. De quoi m'ouvrir l'appétit et nourrir mon imagination.

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant