26 - Coup de foudre...

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J'oublie l'expression de Mathias, lourde de regrets. Pressée de retrouver mon petit monde, j'allonge le pas. Satisfaire les grenouilles qui peuplent mon estomac et croassent avec une classe caractéristique, devient vraiment très urgent. A ce rythme je vais finir en carpette sur le gazon !

Et puis si je temporise encore, le risque s'intensifie que je plante mes crocs dans la prochaine source de contrariété. Enzo n'a qu'à bien se tenir... Et puis, vérifier la réaction de Sasha, m'assurer que les trois affreux n'ont pas plombé son moral, m'importe plus encore que calmer mes crampes d'estomac. Les filles m'accueillent ravies tandis que Sasha assis et toujours enveloppé dans sa serviette se tient un peu à l'écart; comme s'il se chauffait au soleil. Les girls ignorent-elles sa mésaventure ? Peut-être n'ont-elles pas surpris la vilaine confrontation avec le trio de balourds. En tout cas, mes amies, avec tact, n'abordent pas le sujet, mais elles me chambrent sans ambages. Flo ouvre le bal :

- Alors Agathe, t'attendais qu'on balance les carottes et les petits oignons pour te sortir du bouillon ?

- Heureusement que Sasha est revenu, sinon on t'aurait ramené au lasso, assène Kali.

Flo en rajoute une petite couche :

- C'est clair, merci Sasha !

Je me défends mollement :

- L'eau est super bonne...

Enzo et Rémi jouent les coursiers, avec Adi. Ils s'occupent de récupérer les glacières aux vestiaires. Je m'installe en tailleur juste derrière Sasha qui a écouté l'échange avec un léger sourire. De ce côté là, tout va bien, son humeur demeure sereine malgré l'intervention du trio de choc. Reste à savoir ce qu'il a perçu de mon dialogue musclé avec ces énergumènes. Je l'entoure de mes bras et appuie son dos contre moi sans provoquer ses réticences. Il garde le menton sur ses genoux et chuchote, discret :

- Comment tu as fait ? J'ai tout vu, tu sais !

Il brûle de curiosité, très intéressé de comprendre comment j'ai neutralisé les trois cornichons. Peut-être que si je me contente de raconter qu'ils garnissent désormais un sandwich jambon-beurre... Non, je risque d'en prendre pour mon grade pour cause de plaisanterie très douteuse. J'éprouve un réel soulagement. La crainte m'habitait qu'il se réfugie dans sa coquille pour le reste de la journée. Cependant, mon intervention, si j'oublie le plongeon, ne présente rien de très spectaculaire. Rien qui puisse souligner notre différence, enfin je veux le croire. Je m'autorise quelques confidences.

- Une technique de défense que j'apprends au Dojo...

Pieux mensonge car mon niveau dépasse le simple apprentissage, mais Sainte Pagaille m'absoudra, elle en a l'habitude. Je suis une de ses plus ferventes admiratrices...

- ... et qui demande une grande précision, de la dextérité. Les mouvements sont rapides mais la force physique est très secondaire.

Très concentré, il s'humecte les lèvres.

- Est-ce que même moi, je pourrais... ?

Le sous-entendu très clair, exige une réponse franche. De l'index, je soulève son menton délicat et ramène son visage vers moi.

- La question est de savoir si je suis capable de te l'apprendre correctement... Se défendre n'est jamais inutile, alors si tu as envie...

Ces prunelles mordorées pétillent de plaisir anticipé. Petit coup d'oeil à droite, puis à gauche pour vérifier que les girls s'intéressent à autre chose et j'effleure ses lèvres avec gourmandise. Mais non je n'ai pas faim au point de dévorer Sasha ! Là disons que... je suis victime d'un besoin vital : manifester ma tendresse ! Petite moue chagrine de Sasha qui juge l'intermède un peu court à  son goût. D'un petit signe de tête accompagné d'un haussement de sourcils significatif, je lui indique que l'environnement ne nous offre pas la discrétion indispensable. A regret, je reprends notre conversation.

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant