46 - Dragon-Fâché

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Prêts à quitter la cuisine de la Villa avec Enzo, nous voilà stoppés dans notre élan par une voix qui n'a rien d'amical...

Je me retourne et découvre un type pas très engageant, suivent quatre sbires à l'allure plus qu'inquiétante. Deux se postent devant la fenêtre, exit la sortie de secours. Ceux-là consomment sans doute depuis le début de soirée et ne poseront guère de problème si les choses s'aggravent mais... Problème, les autres me paraissent très frais, beaucoup trop, autant que du poisson tout juste pêché. L'œil alerte, l'écaille brillante, la nageoire frétillante... Je ne distingue pas encore tout à fait le dernier qui demeure dans la pénombre du couloir. Pas de chance, si Enzo n'avait pas flanché, nous serions déjà dehors. Avec assurance, Rem s'avance, très calme. Moi, je bouillonne, autant qu'une eau porté à ébullition. Encore quelques secondes et je vais laisser échapper la vapeur telle une locomotive ! Manquera juste le bruit caractéristique du "tchou-tchou"...

—Nous allions partir, nous venions juste récupérer notre ami, annonce Rem.

Un très vilain gnome lui répond :

— Vraiment ? Mais il est très bien avec nous.

Le ton se veut ironique mais je décèle autre chose, de la pure méchanceté. J'examine l'auteur de l'affirmation. Son âge ne correspond guère à celui des fêtards du reste de la maison. Plus vieux, plus vicieux aussi. Son regard me déplaît. Un soupçon m'effleure... Dealer ? Le Black Swan les évince avec une régularité désolante. Pire que des mauvaises herbes dans un carré potager. Cet empaffé aurait ciblé volontairement Enzo ? Mais le type, maintenant à ses côtés, m'inquiète davantage. Mince, musclé et différent. Je décode mal son expression et je n'aime pas le peu qu'il laisse transparaître : une froideur extrême, un contrôle total. Pas vilain à l'examen mais qui refroidirait une foule en délire d'un seul regard. Il dégage l'image d'un prédateur affûté avec des prunelles glaçantes. Lorsqu'il émerge, en pleine lumière, à la vue de Rem, je remarque que Bouclette Sauvage se crispe de manière imperceptible. Une connaissance ?

Méfiante, je m'avance aux côtés de la Salade et d'un signe, conseille à Pierre de rejoindre Samuel. Rem me jette un coup d'œil d'avertissement. Je saisis sans peine le message subliminal :

  — Sage l'Agathe, pas bouger ! Bien ! Bonne fille !

Et il ne voudrait pas que je lui donne la « papatte » en plus ? S'il me file un morceau de sucre en récompense, cette fois c'est certain, je lui plante mes crocs dans le « censuré !!!! et remplacé par » postérieur.

Petit aparté, histoire de détendre une atmosphère bien plombée. Désolé mais mon cerveau demande une petite récréation sur le sucre, ce faux-ami, une denrée très nuisible aux toutous, et aux humains aussi, et pourtant vous remarquerez qu'il y en a partout de cette poudre blanche très addictive ! Bref revenons à la situation qui se corse méchant... D'accord, une promesse est une promesse. Pourtant je devine que j'aurai beaucoup de difficulté à tenir ma parole si l'autre vicieux continue à nous barrer la route. Son copain Sorbet-pailleté, oui le type "froid de chez froid", se place en observateur, comme s'il ne souhaitait pas intervenir. Étrange...

— Les gars qu'est-ce que vous... ?

Un nouvel arrivant, fin, blond, pas très éveillé... Pierre l'interpelle presque soulagé.

— Max, ils sont juste venus chercher Enzo et repartent...

Le fameux cousin. Je ne sais pas à quoi il carbure, mais sa tête d'ahuri mériterait que je le secoue ! Il sourit l'andouille, sans réaliser la tension monstrueuse qui envahit la pièce. Sortir Enzo de cet endroit va exiger beaucoup de doigté ou une chance monstrueuse ou... plus musclée !

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant