51 - Réveil à l'aube

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Un petit bruit me tire du sommeil. Sorte de vrombissement déplaisant et très proche. J'émerge avec difficulté, écarte la couette et lève le nez comme un sous-marin sort son périscope.

La conscience me revient par bribes éparses. Le voyage, très fatiguant. La montagne, très vivifiante. Le cousin Théo, très agaçant... et mon Sasha, trop craquant. J'identifie enfin le son... Mon phone, sous mon oreiller. Le jour se lève, la lumière chiche s'infiltre à travers les interstices des volets de bois. L'écran affiche 6h55 et une notification. Un message, si tôt ? En effet, Sasha se renseigne.

« Agathe tu dors ? »

Déjà réveillé ? Sans doute vite endormi hier soir, il refait surface tôt. Je grogne et tapote en vitesse. Je pianote sur les touches minuscules du clavier virtuel et m'emmêle les doigts. Ces lettres minuscules, collées les unes contre les autres, sont une déclaration de guerre à l'orthographe, sans compter l'aide intuitive qui vous balance un mot à la place d'un autre. Entre ratages et gros « râlages », les deux ne sont pas incompatibles, la preuve, je corrige les méfaits de ma maladresse. Oui, maladresse, car je possède des doigts, longs, fins, élégants, et agiles. Et la modestie... Inconnue au bataillon, j'ai bien assez de ma marraine naturelle la Fée Pagaille ! J'envoie ma réponse après une ultime vérification. Avec un passionné de littérature, ne jamais prendre de risque.

« Plus maintenant mon chaton rejoins-moi dans la cuisine»

A toute vitesse, dans la pénombre, j'enfile un jean confortable et un pull moelleux, passe une grosse paire de chaussettes parce que je crains toujours le froid matinal ici. Adi et Flo dorment encore tandis que je m'esquive sur la pointe des pieds comme un indien sioux sur le sentier de guerre, les plumes en moins question d'élégance, je ne porte pas aussi bien la superbe couronne de Geronimo*. Un chef indien célèbre... Comment ça vous ne connaissez pas ? Outre les films de vampire, les chefs d'œuvre bien entendu, le cousin Théo possède une imposante collection de Western. Et j'adore les indiens, je ressens un gros faible pour ces braves emplumés. Ne pas confondre avec la part angélique et "emplumée" de ma conscience. Celle-là je l'abandonne à mon côté infernal, un petit diablotin rouge et sautillant armé d'un trident !

Retrouver Sasha à l'aube, ce privilège opportun ne se refuse pas : un tendre bisou à l'élu de mon coeur... sans témoin. Le vrai bonheur. Je passe dans la salle de bain, me rafraîchis, arrange mes mèches de pur lin. Elles me donnent bien du fil à retordre et une allure d'oursin pas aimable. Le temps manquait pour une visite chez le coiffeur avant de partir et du coup, cela rebique dans tous les sens, autant que de la paille délavée. La vraie classe ! Je prends le temps de me brosser les quenottes avec un dentifrice mentholé à outrance et qui me brûle l'intérieur de la bouche. Sacrifice indispensable. Pas question d'avoir une véritable haleine de hyène, grignoteuse d'ail et d'oignon au goûter !

Je descends l'escalier, qui offre quelques grincements et me pétrifie toutes les deux marches. L'ouïe très fine de Théo m'inquiète. J'arrive en bas et passe dans la maison principale par la porte de communication percée entre les deux bâtiments. A pas de loup, j'entre et je sonde l'obscurité. Soudain, une grosse boule de poils déboule dans mes jambes pour me faire la fête. Dommage que Samuel n'en profite pas, je sais combien il adore ce genre de surprise. Grabuge, qui porte bien son nom, gémit et se tortille. Après quelques caresses appuyées, j'attrape son collier avec fermeté et lui ouvre la porte d'entrée.

- Allez le pot de colle, va courir après les lapins mais sans les occire ! Et surtout ne la ramène pas sous les fenêtres de ton maître, pas envie de voir sa vilaine truffe si tôt... File, gentil toutou !

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant