12 - Remise en forme

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Vous vous souvenez que le cousin Théo m'a embarquée ce fameux soir, direction sa vieille ferme paumée au milieu de nulle part. Nous avons retrouvé là sa compagne, Rona, une anglaise d'origine indienne, au français parfois très approximatif et aux fabuleux talents de cuisinière.

L'option du cousin Théo : un changement d'environnement radical. L'éloignement pour commencer et puis réapprendre. À manger, à marcher, à rire, à penser, à dormir... En résumé : à vivre !

Les travaux de Théo ? Non ! Les travaux d'Hercule : extirper le venin, vaincre la peur, me retaper, éradiquer les cauchemars, muscler le physique et surtout l'esprit... À côté, les écuries d'Augias, l'Hydre des marais et le reste, sont une vaste plaisanterie. Mon corps trop maigre me porte à peine, le moindre effort m'épuise et je rampe pour me réfugier sous ma couette, ma seule vraie amie. Tout est déjà prévu. Les petits plats de Rona, un délice, et un sommeil réparateur relookent petit à petit mon allure squelettique. Insuffisant pour Théo ! Parce que le moral, lui, ne suit pas et reste ancré du mauvais côté du Styx, là d'où les esprits ne reviennent pas.

Il commence par me faire marcher et non, il ne me raconte pas de crac ! Nous nous promenons tranquilles, dans la neige, à respirer l'air glacé de ce pays perdu. Tout autour, des montagnes arrondies aux allures de vieux volcans assoupis. Nous parlons, au gré de mes pas et de mes envies. Pas de jeux innocents : ni bataille de boules de neige, ni bonhomme. Je n'ai pas le cœur à ces amusements malgré les invitations de Théo qui adore ces activités enfantines. Nous nous querellons aussi beaucoup, surtout quand je demande à faire demi-tour trop vite, que je refuse de manger... Il me traite comme un bébé lorsque je me comporte en gamine capricieuse et que je me mure dans un silence maussade.

- Pas la peine de bouder Agathe ! Marche encore !

- Et c'est quoi ce gâchis, arrête de pinailler et mange !

Je me revois hargneuse telle une petite bête piégée et prête à mordre, babines retroussées. Une véritable teigne, acculée, encore...

- Je boude pas ! ... pas faim ! ... Fiche-moi la paix ! ... Je veux rentrer à la maison !

Réponses laconiques du cousin Théo :

- Ben voyons !

Et sa variante, très agaçante :

- Tu m'en diras tant !

Petit bout par petit bout, il me force à extirper les aiguilles qui piquent mon cœur et mon esprit de mille douleurs. Chaque mot qui sort, dissipe un éclat de souffrance. Ne plus parler, revient à s'emprisonner dans un monde sans espoi.... C'est oublier de vivre m'explique le cousin Théo. Sur le moment, je ne comprends rien et je trouve ça glauque de déballer mes misères. Cela demandera du temps... Mais une fois débarrassée de toute cette pourriture, quelle sensation de légèreté ! Je croyais ne plus jamais la ressentir.

Après la marche, le cousin décide de passer à la vitesse supérieure : musculation et ... footing, à l'extérieur, enfin quand la neige aura fondu ! En attendant, un tapis de course fait l'affaire et je hais cette machine dès que je pose un orteil dessus. Ce n'est que le début, parce que le coach Théo prévoit l'autre réjouissance : « The Boxing Bag* » suspendu au bout d'une chaîne, dans la grange. Autre signification des initiales TBB : « T'es Bon pour en Baver », bonne dans mon cas... Ce foutu sac de frappe, j'évacue des tonnes de colère et de rancœur dessus. Bon, la première fois, je ne ferme pas les poings correctement et je perds le combat dans la première minute. Une larve serait plus efficace. À bout de souffle, les mains, les poignets et les bras douloureux, j'envoie un coup de pied maladroit pour évacuer mon exaspération. Vengeance immédiate de mon vicieux adversaire qui fait une jolie courbe, revient sur moi et m'expédie, sur les fesses. Un cri ridicule accompagne le grandiose atterrissage en étoile de mer.

Les Tribulations d'AgatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant