Chapitre 5

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Il passa les trois semaines suivantes à m'éviter. Au repas il m'ignorait carrément et encore, c'était lorsque monsieur n'avait pas décidé de manger avant moi dans son bureau. Son prétexte: il avait du travail. Abrutis. Il ne devait pas avoir à faire grand chose puisqu'il était prisonnier de ce bunker avec moi, pas de chance.
Mes journées se ressemblaient aux unes aux autres ; le matin, je lisais et jouais sur la console ou je regardais la télévision ; l'après-midi je faisais du sport et je discutais avec Alicia en cuisine ou Georges même s'il n'était pas très bavard et plutôt grognon. Lui contrairement à Alicia qui faisait le ménage et les repas, réparait et entretenait le bunker. Il contrôlait ses fondations, son état, afin de détecter une anomalie. C'est tout ce que j'avais pu tirer de lui. Ah oui et il avait été dans la maçonnerie avant. Luke quant à lui, faisait du sport. Beaucoup. Il en faisait le matin avant sa séance de tir hebdomadaire puis le soir de nouveau après être resté plusieurs heures dans son bureau à je ne sais quoi faire. Moi, pendant tout ce temps enfermée, je m'occupais comme je pouvais. J'allais finir par craquer. Cela faisait des jours que je n'avais pas vu la lumière du jour et le soleil me réchauffant la peau me manquait terriblement. Je parlais de temps à autre avec Luke sur le fait de sortir dehors. Évidemment il n'était pas d'accord. J'essayais d'engager la conversation sur la pluie et le beau temps, même si depuis le bunker c'était assez difficile de voir la météo. Je savais que parler de choses trop personnelles pouvaient le braquer et je voulais éviter cela parce qu'il était déjà très renfermé. J'appris quelques petites choses sur lui. Il savait piloter des avions ou des  hélicoptères, pratique pour le boulot. Il jouait du piano et était fan de Coldplay ainsi que de Muse. Cela nous faisait un point commun que je m'empressais de lui rappeler. Il avait trois résidences, une à Paris, une autre à Rome et enfin une au États-Unis. Il s'était déjà cassé le bras à l'école mais également en mission ainsi que la clavicule et enfin le nez, qu'il m'affirmait avoir cassé pendant un combat mais qu'il avait été à chaque fois victorieux. Il pouvait avoir beaucoup d'humour quand il voulait sinon il était plutôt du genre sérieux. Un soir, alors qu'il avait bien voulu regarder un film d'action avec moi, il m'avait fait hurler de rire alors qu'il se plaignait que les scènes de combat ne faisaient pas du tout réalistes: "mais c'est n'importe quoi ! On ne fracture pas un poignet comme ça ». Ou encore : «mais quel idiot ! Je te dis qu'il est tellement incompétent qu'il va finir au tapis. Tiens regarde ce que je disais ! Sa technique n'est pas bonne, il doit donner plus d'impulsion ! ». Malgré le fait qu'il avait mauvais caractère, je réusssais quand même à le faire sourir et même rire deux ou trois fois. Nous commencions doucement à construire une relation de confiance mais nous ne parlions que de choses futiles, jamais sur son passé. Enfin il ne me questionnait pas vraiment sur des choses anciennes que je n'aimais pas évoquer. D'un accord silencieux, nous n'avions pas à évoquer les sujets fâcheux.

Les semaines passèrent tranquillement nous avions établi une routine, avec Luke nous nous voyions au repas et quelques après-midi lorsqu'il faisait une pause et qu'il se mettait devant la télévision en ma compagnie. Ma jambe me faisait de moins en moins mal à ma plus grande joie. J'apercevais quelques fois mon père faisant des discours à des galas de charité à travers différents reportages. Cela me faisait du bien de le voir, de savoir qu'il allait bien. Lorsqu'un journaliste posait des questions à mon propos, mon père répondait qu'il n'y avait pas à s'inquiéter et que j'étais en sécurité. J'étais plusieurs fois déjà passée à la télévision lorsque on avait tenté de me faire du mal et depuis, j'étais connue de tout le monde.

Un soir, m'ennuyant fermement après que nous avions dîné, je me dirigeai vers la salle de tirs. Luke devait sûrement être dans la salle de sport donc j'allais être seule. J'ouvris la porte et regardai autour de moi curieuse. Sur une table étaient répartis plusieurs armes. Je les observai minutieusement avant de choisir un pistolet assez petit, qui était néanmoins assez lourd. Je vérifiai le chargeur ; il était plein. Je le pris dans ma main droite et de la gauche, j'activai les cibles pour qu'elles se mettent en position au fond de la pièce. J'avais déjà tiré, Jerry un de mes gardes m'avait fait tirer alors que nous étions à la campagne en visite à un ami de la famille. C'était avant, bien avant qu'il se prenne une balle qui m'était destinée et ne meurt dans mes bras, pour moi. Il m'avait sauvé la vie. Je ne pourrais jamais le remercier, lui rendre sa dette. Il s'était sacrifié pour moi. A présent les larmes coulaient sur mes joues sans que je ne le veuille vraiment. La haine s'empara de moi et je tirai. Le choc était moins violent que dans mes souvenirs. Je tirai encore. Jerry n'aurait pas dû mourir pour moi. Tout comme Manon, Kyle, Ilan et tant d'autres. Non ! Pourquoi eux ? Je tirai toujours avec frénésie et une rage aveuglante. Ils avaient tous une famille, des parents, des amis. Jerry avait des enfants. Kyle venait juste de se marier et Ilan était papa depuis quelques semaines seulement ! Je ne distinguai plus rien maintenant. Les larmes me brouillaient la vue et les sanglots ne pouvaient s'arrêter tout comme mes pensées. Je revoyais encore le visage de Marra en larmes avec un nourrisson dans les bras lors de l'enterrement d'Ilan. Jane s'appellait la petite. Une magnifique petite fille, qui à présent n'avait plus son père à cause de moi.

Bunker (T1 TERMINÉ, T2 En Pause )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant