Vinza
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Quand mes lèvres se sont posées sur celle d'Arnaud, j'ai su que j'allais en entendre parler. Sauf que je ne pouvais pas le laisser partir ainsi. Pas avec ce regard de chien battu. Je m'en serai voulu toute l'après-midi et j'aurai ensuite ramé pour gravir à nouveau les quelques marches que j'avais atteinte avec peine. Nous avons du chemin à faire tous les deux, et ça commence maintenant, pas dans quelques jours, quand nous serons de retour à l'appartement.
Quand je reviens sur nos serviettes, Naïs me regarde avec une profonde amitié, elle commence enfin à me croire sincère. Parce que pour faire ce que je viens d'accomplir devant tout le monde, il faut que je sois mordu quand même. Je me rassois près de Nathalie qui tremble nerveusement. Un silence pesant plane sur notre groupe. Personne n'ose relancer le jeu. Les cartes sont posées au centre et attendent sagement qu'on vienne les distribuer. Contre toute attente, ce n'est pas de chez-nous que viennent les premiers mots, mais bien des cousins. Ou plutôt de la cousine.
- On joue ?
Océane attrape le paquet de carte et commence à mélanger avant de distribuer. L'atmosphère se détend petit à petit mais je sens Nathalie qui boue à mes côtés. Les garçons ne font pas attention, sûrement habitués aux humeurs de leur cousine. Mais moi j'attends, parce que je sais que ça va sortir. Ça finit toujours par sortir. Faut pas se leurrer. J'ai quand même couché avec cette femme, deux fois. Elle a toujours cru que j'étais un tombeur, un peu macho. Un homme a femme. Et pourtant, je viens d'embrasser un mec devant tout le monde. C'est déstabilisant.
Au bout de la troisième partie, elle finit par craquer.
- Quand tu me disais que tu étais avec quelqu'un, c'était avec ton colloc ? Il n'était pas avec le mec du camping ? Vous faites un truc à trois maintenant ?
Tout le monde s'arrête et fixe Nathalie qui est devenue rouge et dont la voix a viré dans les aigüe en fin de phrase.
- Non, Arnaud n'est plus avec Daniel, dis-je doucement pour ne pas l'énerver plus qu'elle ne l'est.
- Et ça t'a pris comme ça de sortir avec lui ?
- Non.
Ma voix ne faiblit pas. En soit, je n'ai pas de compte à lui rendre. Ce n'est pas ma petite amie. Naïs et Benjamin relancent le jeu et Carmen et Saundra suivent, Océane pousse son frère à faire de même, histoire de relancer la machine. Sauf que lorsque ça arrive à notre tour, Nathalie ne s'en est toujours pas remise.
- Y a un truc que j'ai dû rater. Y a quelques jours on s'envoyait en l'air tous les deux, et là tu me dis que tu as juré fidélité à ton colloc ?
C'est vrai que résumé comme ça, c'est assez aberrant vu de l'extérieur. Nous bloquons toujours l'avancée du jeu, mais Nathalie ne fait plus attention à rien. Elle me fixe juste avec colère avant de regarder le reste du groupe.
- On peut m'expliquer ? Ça vous semble à tous normal ?
Ses cousins ne veulent surtout pas rentrer dans la discussion. Ils doivent avoir l'habitude de ces sautes d'humeur. Parfois se taire est une bonne solution. Océane, par contre, hausse les épaules.
- Ça se voyait pourtant.
Nathalie reporte son attention sur la plus jeune qui trie ses cartes en réfléchissant à son prochain mouvement.
- Qu'est ce qui se voyait ?
- Bah qu'ils en pinçaient l'un pour l'autre.
Elle dit ça comme une évidence et du coup, Carmen et Saundra se mettent à exploser de rire. Je crois que le visage décomposé de Nathalie a eu raison de leur résistance à prendre part à cette crise d'hystérie.
- Toi la gamine, je t'adore.
Saundra est sincère et Océane rosit sous le compliment. Nathalie, elle, se lève et jette ses cartes.
- Vous vous fichez de moi. Vous faites chier !
Elle attrape ses affaires et s'en va. On reste un moment à la fixer disparaître au loin. Lorsque le calme est revenu, Dominique prend la parole.
- Je suis désolé pour cette démonstration. Mais je suis ravie pour vous deux.
Cette phrase a le don de faire redescendre la tension et la partie recommence.
Lorsqu'on se quitte pour retourner au camping. Ce sont des adieux plus que des aux revoir. Avec la crise de Nathalie, qui accessoirement à pourri mon téléphone de texto d'injure, on ne se reverra plus. Et il va surtout falloir que je bloque son numéro, sinon, je n'ai pas fini d'en voir passer des messages incendiaires. Je donne quand même l'adresse mail d'Arnaud à Océane, je sais qu'il sera ravie de continuer à la coacher.
Quand nous rentrons, Carmen et Saundra exultent. Elles ont adoré la scène de Nathalie. Je crois qu'en fait, personne ne l'aimait. Ce qui est dommage en soit. Elle n'est pas méchante. Surtout que je suis certain que c'est une femme intelligente et douée dans son domaine. Enfin, c'est terminé. Encore une passade de l'été que je peux rayer de mon carnet de conneries.
On retrouve Arnaud et Daniel ensemble. Je crois que j'ai compris sans qu'on me le dise que ça c'est mal passé entre Karim et lui. Cela ne m'étonne pas. Karim est vraiment un con. Je ne suis pas certain qu'il arrive à changer de suite. Ce genre de personne n'évolue qu'en se prenant une méga baffe en pleine figure. Un peu comme moi.
Naïs propose à Daniel de rester dîner avec nous. J'aurai préféré qu'il retourne travailler mais je ne vais pas le dire ouvertement de peur de blesser Arnaud. Même s'ils ne sont plus ensemble, une amitié c'est tissé entre eux. Et j'avoue avoir du mal à séparer les deux sentiments quand je les vois côte à côte, ou rire ensemble.
Le pire, c'est que je crois que ce petit con de Daniel l'a compris. Il m'asticote toute la soirée. Me lançant des petites piques ou se rapprochant d'Arnaud, mettant sa main sur son épaule, se collant un peu trop près, juste pour me voir lui lancer un regard noir. Et le pire, c'est que je marche à fond.
Quand Carmen et Saundra sortent la bouteille de liqueur, on sait que c'est terminé. Après les quelques bières, la fatigue et le soleil, se terminer à l'alcool fort a raison de nous. Je plonge les deux pieds dedans. Moi qui avait promis de plus me torcher, j'ai enquillé. Benjamin me suit mais lui au moins, il peut aller se coucher tout de suite. Il a juste une pièce à traverser.
Du coup, c'est Naïs qui raccompagne Daniel alors qu'Arnaud me traîne jusqu'à mon lit. Il me couche comme l'ivrogne que je suis. Dans un sursaut de conscience, je lui demande.
- Reste avec moi.
- T'es bourré.
- Pas beaucoup.
Si si, beaucoup. Je n'ai pas envie de vomir, mais je crois que ce moment restera flou demain dans ma mémoire.
- Allez, reste.
Je lui attrape la main et le tire vers moi. Je le sens tomber contre mon torse. Son odeur est là, partout. Elle m'imprègne et je ne veux pas le laisser partir. Plus jamais.
- Reste.
Je me sens partir, mais je ne le lâche pas.
- S'il te plait ?
- D'accord, je me change et j'arrive.
Je souris et relâche ma prise. Il va revenir. Arnaud ne ment pas. Il ne me laissera pas tout seul. Je sens le sommeil vaincre le peu de cerveau que j'ai encore, mais je ne veux pas sombrer. Je veux sentir la présence d'Arnaud. Savoir qu'il est là. Mais je fini par céder. Pourtant, dans la nuit, je me suis retrouvé plusieurs fois à serrer contre moi un corps chaud. J'ai eu peur de le perdre, peur de me réveiller et qu'il soit plus là, mais à chaque fois que j'émergeais dans une semi conscience, je le sentais toujours là.
Toujours.
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Un été entre amis
RomanceArnaud et Vinza sont amis depuis le lycée et leur relation perdure, bien qu'ils travaillent à présent tous les deux. Arrivent enfin les vacances tant espérées. Vinza a concocté un programme parfait, trois semaines de camping au bord de la mer avec l...