24. Damien

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Le verre se répand sur le parquet. La rage coule dans mes veines. Pourquoi ? Pourquoi putain ! Tout allait bien, ou mieux et là, quoi ? Elle attend peut-être mon gosse ! Non, ça ne peut pas être de moi. Je peux pas devenir père, ce n'est tellement pas moi ça. Les couches, les biberons, les mioches. Non, non, non !

Je n'ai jamais voulu de tout ça ! Fait chier ! J'attrape une bouteille dans le placard réservé à l'alcool. Du bourbon. Ça fera l'affaire. Je sors sur le balcon, me laisser tomber sur le fauteuil et dévisse le bouchon de ma bouteille. J'en avale une bonne rasade, m'essuie la bouche du dos de la main.

Les larmes jaillissent et je ne parviens plus à les retenir. Elle m'a bien eu. J'aurais dû foutre cette putain de capote au lieu de me laisser gagner par mon impatience. Des semaines que nous baisons, sans rien entre nous. Elle m'avait dit prendre la pilule !

Elle doit m'en vouloir et me trouver dégueulasse de la laisser chez elle, seule, mais j'ai besoin de digérer ça. Je n'arrive pas à y croire. Je ne veux pas avoir de gosse. Je n'ai jamais rêvé de ce genre de vie merdique où les cris et les pleurs d'enfants viendraient emmerder mon quotidien. Puis, je ne suis jamais là !

Et elle ? Je ne sais pas... Je ne sais plus...Et si elle avait fait exprès ? A-t-elle fait ça dans l'optique de me garder ici ? Pour que nous restions ensemble ? Putain... Je ne veux pas de morveux.

J'ouvre les yeux difficilement, tente de me lever mais me laisse rapidement tomber quand je sens ma tête partir en vrille. Merde...

Les cadavres de bouteilles sur le sol du salon me narguent.

Ouais, J'ai abusé sur l'alcool mais j'en avais grandement besoin. On frappe à ma porte et je grogne, tel un ours mal léché. Les coups retentissent encore, de plus en plus fort. C'est donc ça qui m'a réveillé. Je m'aide des accoudoirs du fauteuil pour me relever, tandis que mes jambes peu sûres m'amènent jusqu'à la porte.

J'ouvre, et Connor me colle au mur, dans un geste brusque, qui a le don de me couper le souffle.

—Putain Dam ! Tu fous quoi ?!

Je me dégage de sa prise, le repousse et vais dans la cuisine.

—De quoi ?

—De ? hurle-t-il. Tu plaisantes j'espère.

Je fouille dans le placard, en tire une boite d'antidouleur et en avale un avec de l'eau. J'ai un mal de tête de dingue.

—Je ne sais pas, soupiré-je. Je ne sais plus.

Connor s'assoit à sa place habituelle, autour de l'ilot central de ma cuisine.

—Tu ne peux pas la quitter. Imagine si elle est enceinte.

—Je ne l'ai pas quittée ! Merde !

—Et pourquoi tu l'as ramenée chez elle ? Crétin ! Pour une fois qu'une meuf arrive à te faire craquer et entre dans ta vie, tu fais tout foirer !

Connor est hors de lui et moi, je me laisse glisser sur le sol, contre les armoires. Je ne sais plus ce dont je suis en train de foutre. Je n'en sais strictement rien.

—Et si je n'étais pas capable d'élever un enfant, hein ? Je ne suis jamais là. Je ne veux pas abandonner la Navy pour un gosse.

—Tu y as pensé quand tu faisais du rodéo vingt-mille fois par jour avec elle, Dam. Tu dois assumer tes erreurs. C'est ce que font les hommes, les vrais.

Je hoche doucement la tête, et clos les paupières, en quête inespérée de calme. Mon cerveau va imploser.

Je suis perdu. Je ne sais pas quoi dire à Elisa pour lui faire comprendre ma réaction. Je l'aime, enceinte ou non, je l'aime comme elle est.

—J'ai besoin... De me calmer. De réfléchir.

Connor se lève en jurant, faisant grincer les pieds du tabouret sur le parquet.

—Fais comme tu veux Damien. Mais ne viens pas chialer lorsque tu l'auras perdue.

Il quitte l'appartement en claquant la porte.

Je suis sur le balcon, le regard perdu dans le vide qui s'étend devant moi. La lune est haute dans le ciel, les étoiles percent l'obscurité de la nuit. Je ne me sens pas capable d'être père. J'ai moi-même eu un mauvais modèle paternel. Et si je devenais comme lui ? Et si moi aussi je me révélais être un père violent, un crétin sans aucune once d'amour à donner ? Et si la violence, c'était héréditaire ? Je suis un Marine, je suis plus souvent en mer qu'à terre. Je suis souvent à des milliers de kilomètres d'ici, alors quel père ferai-je ? Je ne sais pas, mais tout ça me fait peur. Pourtant, je ne peux pas renoncer à Elisa. Je l'aime trop pour ça. Et là, elle me manque. Va-t-elle garder le bébé ? Le désire-t-elle encore ? Même si j'agis toujours comme un con ? Je pourrais aller chez elle, lui demander, mais je suis trop gêné de débarquer comme une fleur, après hier soir.

Un texto... Je vais lui envoyer un texto. Au moins si elle n'a pas envie de me voir, elle ne pourra pas me jeter.

J'attrape mon portable et remarque le message reçu il y a quelques heures déjà. C'est elle.

« Je suis désolée... C'est positif ».

Mon poing se serre autour du téléphone.

Je tape une réponse, lui dit à quel point je suis saoulé de tout ça, à quel point je ne suis pas fait pour être père, que je ne peux pas. Mon doigt plane au-dessus du bouton « envoyer », mon cœur palpite à du mille à l'heure. J'efface. Si je lui envoie ça, tout sera fini entre nous.

Mais je ne peux pas me permettre de la perdre. Même si ce mioche est une énorme connerie, on l'a fait à deux.

« J'arrive ». 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant