Qui d'entre nous n'a jamais observé les passants dans la rue, se demandant ce qui leur était arrivé pour qu'ils aient l'air aussi ravagés, ou de mauvaise humeur ?
Avant, je m'en foutais de tout ça. Je vivais pour moi, pensais où est-ce que j'allais passer la soirée ou à quand allait tomber la prochaine mission. Mais dorénavant, tout me semble différent. J'en ai vu des gamins souriants, malgré le fait qu'ils aient vu leurs parents se faire tuer. J'en ai observé des mamans en larmes, anéanties par la mort de leur mari, d'un de leurs gosses. Et quand nous voyons cela, accompagné de la misère qu'il existe autour de nous, tu te sens réellement pathétique de te plaindre de ta propre existence.
Je me souviens de mon premier jour de « liberté », celui où, blessé, rafistolé, je me suis promené dans un village de Gahdamèse. Il faisait chaud, j'étais accompagné de Mohammed, armé jusqu'aux dents au cas où, je me dirigerais vers l'océan dans l'espoir de prendre la fuite. Nous avions croisé un groupe de personnes, composé d'hommes, de femmes, et d'enfants. Tous chuchotaient, les femmes semblaient paniquées à l'idée que leurs mioches m'approchent d'un peu trop près.
J'étais l'américain.
Celui qui allait les abattre pour conserver sa propre vie, celui qui allait aider les djihadistes en leur donnant le plus de tactiques militaires, dans l'unique but de vivre. Ces regards apeurés, je ne les oublierais jamais. Ils ont calciné le peu de fierté qu'il me restait, ont achevé de tuer l'homme que j'étais, parce que dans le fond, ils avaient raison : j'allais les tuer.
Je suis à l'affût du moindre bruit, prêt à démarrer si je sens quelque-chose de louche se passer. Enfermé dans la voiture que j'ai empruntée à ma mère, je ressasse. Comme un vieux con qui s'en veut mais qui en même temps, sait qu'il n'avait pas le choix d'agir ainsi. Je ferme les paupières, la revois parfaitement, comme elle était ce matin : belle, avec ses longs cheveux bruns attachés en queue de cheval, l'air peu sûre d'elle. Ou encore quand ses yeux bleus me dévoraient du regard. Au début, j'étais en colère qu'elle soit là, qu'elle voie les balafres de mon torse, sur mes jambes. Mais elle n'a rien dit, ne s'est même pas attardée dessus. J'aurais dû lui dire que je suis mort de trouille, parce que chaque nuit mes cauchemars me rendent violent, que le stress me ronge et me fout dans un état second, que je ne suis plus moi-même. Mais je n'ai pas envie de parler de ça, ni avec elle, ni avec qui que ce soit. Comment les autres me percevraient, après ? Comme un gars complètement taré, comme un homme bien trop dangereux.
Je soupire, encore. Comment revenir et me faire aimer après tout cela ? Comment assumer un rôle de père quand la seule chose que je sais faire est de tuer ? Elisa était là, prête à parler, à me soutenir, et je lui ai demandé de s'en aller... Elle doit me détester. Il faut qu'elle me déteste, c'est pour son bien, et le mien aussi. Je ne mérite pas qu'elle se soucie de mon sort, encore moins d'avoir sa pitié. Elle devrait plutôt se trouver un mec en qui elle pourra avoir une entière confiance, sans avoir peur. Et puis... Que suis-je capable de lui faire, lorsque ça ne va pas ?Je sursaute lorsqu'une main s'écrase contre la vitre de la voiture, me tirant de mes pensées. Connor se marre de l'autre côté tandis que mon cœur bat à tout rompre. Quel con ! Je sors de la voiture en grognant, mais son rire est communicatif.
—Déso, mais t'avais l'air si concentré que je n'ai pas pu m'en empêcher.
—Concentré ? répété-je en riant. Si tu le dis.
La rue grouille de passants. Faut dire que le beau temps est de rigueur et qu'en habitant au cœur de New-York, je n'échapperais pas à ce genre de regroupement de foule. Très vite, mes poumons s'oppressent, me coupant le souffle. Merde, pas ici.
Connor se fraie un chemin, avant de se retourner et de me regarder.
—Tu viens ?
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Un jour trop tard
RomanceLa Navy Seal, c'est la seule constante de ma vie, la raison qui me donne envie de me lever chaque matin, de me battre, de vivre, de partir. À terre, je n'ai aucune attache, pas depuis que mon frère s'est envoyé en l'air avec ma copine, sous mon toi...