Tome 2-Ch6- Elisa

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Son visage se fige de stupeur, avant que ses sourcils sombres ne se froncent. A cet instant, je n'aimerais pas être à sa place, me dire que je ne possède plus rien de ce qu'il m'a appartenu.

—Comment ça ?
Dois-je lui dire que son père et sa mère se sont chargés de revendre le loft, la voiture et tout le reste ? Ou suis-je censée seulement hausser les épaules ?

Je n'ai pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, puisqu'il se dirige l'air énervé à l'intérieur de la maison.
Moi ? Je ne bouge pas de ma chaise. Parce que déjà, ma tête me tourne méchamment, mais qu'en plus, je suis abasourdie. J'aurais voulu le prendre dans mes bras, j'aurais voulu lui dire que je suis plus qu'heureuse de le revoir. J'aurais adoré sentir la douceur de ses lèvres sur les miennes, me souvenir de ses baisers enflammés et tendres à la fois. Sauf que Damien n'est plus vraiment le Damien que j'ai connu, qu'il reste à l'écart, qu'il s'impose une distance avec moi qui n'a pas lieu d'avoir. Et je suis perdue dans ce flot d'émotions, partagée entre la peine de la froideur de nos retrouvailles, et la joie de le revoir ici.
« Sois positive ».

Je me répète inlassablement ces deux mots, pour que je ne prenne pas mal ces gestes, ni son refus de prendre Eden près de lui. Je me passe nerveusement une main dans les cheveux, tire sur l'élastique autour de mon poignet avant de le faire claquer contre mes veines en grimaçant. Calme-toi... Positive... Il est là, debout sur ses deux jambes, en un seul morceau.
Le son de sa voix grave me parvient, il est en colère, mais d'une certaine façon, lui aussi doit se mettre à la place de ses proches. Nous l'avons tous cru mort.


6h30.
Les pleurs d'Eden me réveillent, comme chaque matin. Je me lève, prends mon fils dans les bras et me recouche dans mon lit en le mettant au sein. Je n'ai pas vraiment fermé l'œil de la nuit, à force de trop penser. Damien ne quitte pas mon esprit, ni son air énervé quand j'ai fini par rentrer dans la maison de Danielle. Il était clairement en colère de ne plus avoir ses affaires, son chez-lui, a refusé de loger chez Connor, et a préféré rester chez sa mère. Je n'ai même pas osé lui proposer de venir ici... D'ailleurs, ce n'était pas la peine puisqu'il a évité de croiser mon regard tout le reste de la soirée.
Il lui faut le temps, je sais, mais la peur qu'il ne revienne jamais vers moi me tord le ventre. Et son fils ? Est-ce qu'il finira par accepter la venue d'Eden ? Il savait que nous allions avoir ce bébé, il savait...
Je regarde mon fils téter goulûment, souris en caressant ses fins cheveux noirs. J'essaie de me rassurer, de me dire qu'il n'en souffre pas vraiment comme il est très jeune. Je ferme les yeux, prie, encore.
« Seigneur, protégez mon fils et ma famille. Protégez Damien, je vous en prie. Faites que notre famille s'en sorte, faites que tout s'arrange pour nous, que nous soyons enfin heureux. Amen ».

Je lis ce dernier manuscrit reçu, de la part de Mélanie tandis qu'Eden babille tranquillement sur son tapis d'éveil. Je n'ai pas envie de sortir, encore moins de voir qui que ce soit qui me demanderait comment je me sens. Parce que moi-même, je n'en sais rien. D'habitude, les dimanches, je les passe chez Danielle. Mais là, Dam y est et je ne pense pas que lui ait envie de nous voir, Eden et moi. Pourtant, j'aimerais encore plonger mes yeux dans ses iris vertes, le voir sourire, comme sur la photo qui trône dans ma chambre. Mais j'ai peur de ne pas supporter sa froideur. La peur... Cette conne qui ne me quitte jamais depuis bien longtemps et qui m'empêche d'avancer. J'ai conscience que je devrais me forger un caractère plus dur, être plus forte mais je n'y arrive pas. Je suis trop sensible, et ces jours-ci, mes nerfs sont à fleur de peau. Je mâchouille le capuchon de mon stylo, les yeux plongés dans ce manuscrit aux mots que je relis sans cesse, tant je suis distraite par mes pensées.
Si j'avais su, je ne serais pas allée à l'aéroport hier, et encore moins à ce dîner dans lequel il a nous a évité toute la majeure partie de la soirée. Je serais restée ici, et j'aurais attendu qu'il se décide pour venir de lui-même.
Lorsqu'on frappe à la porte, je sursaute et sens mon cœur s'emballer, avant d'observer d'un œil noir mon vieux jogging tâché. Et merde.

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant