Tome 2-Ch 12-Elisa

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—Je ne comprends pas pourquoi il ne veut pas retourner avec toi. Ça n'a pas de sens.

Tout en grimaçant, je recule le combiné de mon oreille pour l'épargner de la voix aigüe de Mélanie.

—Je pense qu'il veut me tenir à l'écart.

—Mais de quoi ? Je ne comprends pas du tout !

Je soupire et fixe le plafond de mon appartement. De quoi ? C'est assez vague, à vrai dire. Mais pourquoi me repousserait-il alors qu'il m'aime encore ? Je suis assez d'accord avec mon amie pour dire que ça n'a pas de sens.

—Je ne sais pas... Essaie de gratter des infos auprès de Connor ?

—Je vais directement te le passer, ce sera plus simple.

—Ok.
J'entends qu'elle explique la situation à son homme, et resserre la couverture autour de mes bras. L'appartement est plongé dans l'obscurité, Eden dort déjà depuis plusieurs heures et je me sens fatiguée, épuisée de vivre ce trop pleins d'émotions chaque jour. Moi qui n'étais plus qu'une plante robotisée, je fais le plein de vie depuis le retour de Damien, même si ce n'est pas comme je l'avais imaginé... Son attitude me fait penser à celle d'une girouette. On emprunte le nord, puis le sud, et après, oh non ! Faut faire demi-tour. J'ai le cerveau mis en vrac, il me lessive.

Je suis désolé... Je t'aime, je t'ai toujours aimée...

Ses mots tournent encore et encore dans ma tête, sa voix y résonne. J'aurais voulu que son amour pour moi soit plus fort que tout le reste, mais ce n'est pas le cas.

—Allô ?

La voix gutturale de Connor retentit dans le téléphone, me tirant de mes pensées.

—Salut.

—Qu'est-ce qu'il a encore fait cette tête de con ?

Je ne peux m'empêcher d'émettre un gloussement, même si je n'aime pas qu'on parle ainsi de Dam.

—Rien de dramatique, réponds-je. Par contre, je voulais savoir s'il ne t'avait rien dit... Au sujet d'Eden...Ou de moi ?

Je sais que ma demande peut lui paraître déplacée, mais j'ai besoin de comprendre ce qu'a Damien pour avancer en tentant de garder la tête haute.

—Attends deux minutes.
Je suppose qu'il s'éloigne des siens pour me confier ce que Damien lui aurait dit, et j'attends, le cœur battant à toutes vitesses.

—Que veux-tu savoir exactement ?

—Pourquoi est-ce qu'il me repousse ?

—Je ne suis pas dans sa tête, Elisa. Mais Damien est mal, même s'il te sourit, même s'il fait comme si tout allait bien.

Ok... Pas vraiment la réponse que j'attendais...

—Qu'est-ce qu'ils lui ont fait ? Je sais qu'il te l'a dit, à toi. Sinon, tu deviendrais fou.
—C'est à lui de te raconter !

—Mais merde ! crié-je. J'ai besoin de savoir, Connor ! Il ne peut pas être ému de savoir que je l'ai attendu pour ensuite me jeter à rien !

—Mel t'a dit ça ?

—Evidemment ! m'offusqué-je.
J'aurais été en colère si elle avait su et ne m'avait rien dit.

—Tu sais, quand un soldat revient de guerre, il n'est pas rare qu'il souffre de syndrome de stress post-traumatique. Et je pense que Dam est en plein dedans. Il dort peu à en croire ses cernes sombres, il ne rit plus, il sursaute au moindre bruit et se renferme sur lui. Je pense qu'il doit vouloir t'épargner de vivre cela, mais...

—Et c'est très con. Parce que je veux l'aider, je veux qu'il se repose sur moi, qu'il sache que...

—Tu n'as pas les épaules pour ça, murmure-t-il. Je suis désolé de te le dire comme ça, Elisa, mais tu n'es pas assez forte mentalement pour l'aider, même si tu es persuadée du contraire. Ce n'est pas pour rien qu'il existe des thérapeutes.

Je ne retiens plus mes larmes, parce que c'est tellement dur à entendre, encore plus à admettre. Je veux être celle dont il a besoin, je veux être là pour lui, pour le réconforter, pour lui donner tout mon amour. Mais Damien ne veut plus de moi, ne me juge pas assez forte pour nous deux.

—D'accord. Merci Connor.
Et sans attendre, je raccroche. Parce qu'il faut que je me calme, que je hurle un bon coup pour m'exorciser de toutes ces émotions négatives.
Se sentir seule, c'est une chose, mais se sentir rejetée en est une autre, bien plus douloureuse encore.

Nous sommes mardi, et c'est le cœur lourd que j'amène Eden à la crèche. J'aurais pu le déposer chez Danielle, comme Damien y est et qu'il m'a demandé de voir souvent notre fils, mais la colère a pris la place des larmes. Oui, cette nuit passée à ressasser m'a mise en colère. Comment peut-il me mettre de côté ainsi, sans penser une seule seconde au mal que je ressens ? Comment peut-il me jeter alors que ça fait plus d'une année que je le pleure, que je l'attends ?
Et il dit m'aimer ? Non, je ne veux plus y croire. Les actes sont plus puissants que les paroles, m'ont toujours appris mes parents, et cette devise m'a suivie tout le long de ma vie. Il me manque. Il me manque terriblement même, mais s'il ne veut pas de moi, que puis-je faire mis à part le laisser tranquille ?

Quand je sors de la crèche, la pluie commence à tomber en fines gouttelettes et, c'est irritée et sur des talons aiguilles, que je mets à courir entre les passants matinaux.

—Elisa ?

Je me retourne lorsque cette voix que je ne connais trop bien stoppe ma course. Le sourire qu'il m'envoie me glace le sang, parce qu'en plus, il est bien la dernière personne que j'avais envie de voir.

—Qu'est-ce que tu fais ici ? m'entends-je prononcer sur la préventive, suspicieuse.

Alexandro s'avance vers moi, son parapluie au-dessus de la tête et, tout en redressant sa cravate, me fait la bise, ce qui me déstabilise.

—Je vais visiter des locaux, pour un éventuel rachat. Et toi ? Le bébé va bien ?

Ça sonne tellement faux. Lui et moi sommes parlés le jour du divorce, il n'a jamais cessé de me harceler d'appels en tout genre que j'ai fini par ignorer.

—Tu as revu mon enflure de frère ?

Je me crispe, et il le remarque tout de suite.

—Ne m'en veux pas de ne pas l'aimer, Elisa. Il m'a quand-même piqué ma femme.
Il ponctue sa phrase d'un clin d'œil narquois, ce qui a le don pour m'énerver.

—Oui, je l'ai revu.

—Le grand amour est de retour, donc, lâche-t-il avec sarcasme. C'est pour cette raison que tu as retrouvé ton élégance ?

—Je travaille, Alexandro. Je rencontre des auteurs et...

Et puis MERDE ! Je n'ai pas à me justifier du pourquoi telle tenue, et encore moins auprès de mon ex-mari !

—Et tu as un travail fantastique, je le sais, ironise-t-il. Et j'en déduis, à ton sourire crispé que ce n'est plus vraiment le grand amour.

Je souffle, exaspérée.

—C'est plus compliqué que ça, me justifié-je, ton frère a besoin de temps et ...

—Explique, lâche-t-il, j'ai le temps et...

—Et bien navrée, mais moi non, grogné-je en lui coupant la parole.

J'ai beau tenté de revenir en arrière, je ne vois pas pourquoi je me suis mariée avec lui, ni ce qui m'a séduite. Il est beau, toujours bien habillé, mais sa personnalité ne détonne pas, ne me correspond pas du tout.

— Elisa... Tu sais qu'avec moi tu aurais ce dont il te prive.

—Bon, je vais te laisser, dis-je en ignorant ses paroles, je dois bosser et j'ai...

— Ok, ciao !
J'écarquille les yeux de stupeur lorsqu'il emprunte la rue perpendiculaire à celle où je me trouve, étonnée de sa légèreté et de sa non-insistance. 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant