Tome 2-Ch8-Elisa

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Je reste plantée là, dans ma chambre sans savoir comment réagir. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Ne voit-il pas que je l'aime, que je suis inquiète pour lui ? Je voudrais qu'il soit ici, avec nous. Le retrouver encore, l'observer découvrir son fils et qu'il l'aime comme j'aime Eden.
Comment allons-nous nous en sortir ? J'ai l'impression que rien ne va, que tout est pire, que tout ce que je dis est une tare mais si je laisse tomber, je le perdrais.

Que suis-je censée faire pour qu'il me revienne ? Je n'en sais strictement rien, malheureusement. J'essuie mes dernières larmes, soupire et vais dans le salon ou Eden dort à poings fermés dans son parc. Même pas un seul regard, ou geste de tendresse pour son fils...

Mon cœur de maman a mal, mon cœur de femme aussi. Avoir la nette sensation d'être son tout, puis de devenir insignifiante me brise. Je suis perdue face à lui et son comportement.

Même si mon fils dort, je ressens le besoin de le prendre dans mes bras, comme une enfant qui se réconforterait avec son ours en peluche. Je m'installe dans le fauteuil derrière moi, le regarde dormir. Il est si éloigné de tout ça, si paisible alors que mon monde ne fait que s'écrouler un peu plus chaque jour.
Mais pour lui, je ne peux pas abandonner. Damien est son père, qu'il le veuille ou non, et Eden a besoin de lui, autant qu'il a besoin de moi. Pour mon fils, notre fils, je ne laisserais pas tomber l'affaire.

Aujourd'hui, je dois amener Eden chez Danielle. J'ai l'estomac noué, le dos tendu tellement je suis sous pression. J'ai peur. De le voir, lui, et je me demande comment va-t-il se comporter avec Eden lors de mon absence. En père ? Ou bien est-ce qu'il va le fuir, partir faire un tour pour éviter de voir notre enfant ? J'espère qu'il s'occupera un peu d'Eden, qui le prenne dans ses bras serait déjà une bonne chose.
Pour l'occasion, je me suis levée plus tôt. Hier soir, déprimée après son départ, j'ai téléphoné à Mélanie. Elle m'a dit que tout ceci était normal, qu'il fallait du temps à Damien pour retrouver ses traces. Mais ça, je le savais déjà. Puis, elle m'a conseillé de lui rappeler la personne dont il était tombé amoureux. Je ne peux pas renfiler ma robe de mariée et me présenter à lui, il aurait plus pitié de moi qu'autre chose, ou aurait peur en pensant que je lui demande de m'amener devant l'autel. Non, il faut que je le séduise. Moi qui n'ai jamais fait la cour à un homme, ça me paraît un peu compliqué, mais je pense que c'est jouable, surtout si je donne tout ce que j'ai.
Après m'être douchée et brossée les dents, j'enfile une petite robe noire et une paire d'escarpins que je n'avais plus mise depuis bien longtemps. Je coiffe méticuleusement mes cheveux, les attache en une queue de cheval haute et me maquille légèrement. Une fois apprêtée, je vais préparer Eden et nous partons tous les deux à l'heure, vers l'homme qui décidera de notre destin.

Mon cœur bat la chamade quand je sonne à la porte. J'espère sincèrement que ce soit lui qui ouvre, juste pour pouvoir contempler son regard vert se balader sur mes courbes. J'ai l'impression de retourner des années en arrière, lors de mes premiers rencards et de ressentir toute cette appréhension. Parce que oui, j'appréhende à chaque fois que je le vois. Il me rend nerveuse, me détraque le ventre et un seul de ses sourires me donne des ailes dans le dos. Sauf que pour le moment, je n'ai pas encore eu la chance de m'en voir attribuer un seul.

Comme je l'avais espéré, c'est Damien qui ouvre la porte. Vêtu d'un bas de training, il paraît surpris par ma présence, alors que je me perds dans la contemplation de son torse. Oui, il a maigri, c'est un fait. Mais bordel, il est toujours aussi bien foutu et la vue qu'il m'offre me donne littéralement chaud. Bon, lui ne me regarde pas avec autant d'intérêt, mais je porte mon imper, ça doit être pour cela.

—Euh ? Entre ?

L'hésitation dans sa voix me fait sourire et j'avance quand il recule, le maxi-cosy dans les bras.
—Ta maman est là ? demandé-je en déposant Eden sur la table.

—Hum. Hum...
J'enlève mon imper, le pends sur le dossier d'une chaise et me penche vers mon fils pour le prendre dans les bras. Il cligne plusieurs fois des yeux et fait sa moue adorable de bébé boudeur.
Je me retourne vers Damien, qui m'observe sans rien dire. Voilà, le charme de la robe noire opère. Il balade son regard sur mes jambes, le remonte vers mon ventre, mes seins et enfin mon visage. Mon ventre se crispe, mes joues se réchauffent et mes palpitations cardiaques s'emballent. Je voudrais tant que cette année ne se soit pas passée comme ça, que notre histoire n'ait jamais connu cette interruption cauchemardesque. On n'en ne serait pas là, et c'en aurait été beaucoup mieux.

—Oh ! Voici mon petit trésor !

Danielle interrompt cet échange des plus silencieux en entrant dans la salle de séjour et me fonce dessus pour se saisir de Eden qui babille déjà en apercevant sa grand-mère.

—Bonjour, lui dis-je en lui faisant la bise.
—Venez prendre un café, les jeunes, dit-elle en s'extasiant sur son petit-fils.
Je souris en les regardant, et suis Danielle jusqu'à ce que Damien me retienne par le bras.

—Je peux te parler ?

Ses iris vertes me désarment, ses lèvres qui bougent me paralysent. Pourtant, c'est bien ce que je voulais, non, qu'il me parle ?

—Oui, bien... Bien-sûr, bégayé-je presque.
Me parler de quoi ? Et voilà que le stress monte en moi. Est-il fâché que je sois présente ? Ne sait-il pas que sa mère garde Eden deux matinées par semaine ? Danielle part dans la cuisine, et Damien m'entraîne à l'étage, sûrement pour éviter que sa mère ne nous écoute. Mais être dans sa chambre, avec lui, va me donner de vilaines pensées. Parce que son corps contre le mien me manque, la sensation de sa peau douce sous mes doigts aussi. Tout de lui me manque, même s'il est rentré vivant.

Dès qu'il est dans son antre, il ouvre la fenêtre qui se trouve dans le fond et je referme la porte derrière moi. Je reste là, prostrée sur place, à détailler chacun de ses mouvements. Son dos est lui aussi amoché, balafré à quelques endroits, notamment entre les omoplates.
Il se retourne, s'appuie contre l'appui de fenêtre et croise ses bras sur son torse en me fixant. Son visage ne laisse paraître aucune émotion distincte. Je ne saurai dire s'il est énervé, las, irrité... Je ne sais pas.
—Alors, commencé-je nerveusement, tu voulais me parler ?

Il acquiesce et d'un signe de tête, m'indique de m'assoir sur son lit, ce que je fais sans le lâcher du regard.

—Hum... tousse-t-il, mal à l'aise, en regardant ses pieds. Je voulais te parler du bébé...
—De notre bébé. Et il s'appelle Eden, le coupé-je, irritée.
—Oui, je sais... Enfin, je voulais te demander si t'avais tout ce qu'il te faut ? Je ne sais pas ce dont a besoin un mioche mais...
—Il a tout ce qu'il faut.
— Durant la nuit je pensais à quelque-chose, mais je ne sais pas comment il faut faire, s'il...
—Viens en au fait, s'il te plaît.

—Je voudrais te payer une pension alimentaire, juste pour t'aider. Je ne pourrais pas être présent dans sa vie, enfin, pas comme un père devrait l'être alors...
Il se tait, attendant ma réponse. Mais je suis choquée par ce qu'il me propose. Donc, il veut me filer du fric et se débarrasser de nous ? Quel enfoiré !
Je me lève, prends la direction de la sortie avant de me retourner vers lui.

—Je n'ai pas besoin de ton pognon, Damien. TON fils et moi s'en sortions très bien sans. Va te faire foutre.
Il s'avance vers moi, tel un prédateur, mais d'un bras tendu, je l'empêche de m'approcher.

—C'est de toi qu'on a besoin, Damien.

—Je ne suis plus le Damien que t'as connu.
—Ah bon ? ironisé-je. Je crois que ça, je l'avais remarqué toute seule, bien avant que tu me le dises ! Pourtant, je suis encore là, à essayer.
—Arrêtes d'essayer dans ce cas, ce sont des efforts en vain que tu fournis !
Je déglutis douloureusement, sous le coup de la peine, mais décide de continuer, même s'il ne me facilite pas la tâche.

—Eden mérite que je me batte pour lui. Et le Damien que j'aime aussi, le mérite.
—Tu perds la bataille d'avance ! siffle-t-il en frottant son crâne.

—Pas la guerre, Dam ! Merde !
Son regard fou plonge dans le mien et du mieux que je peux, je retiens mes larmes. Je baisse mon bras lorsqu'il avance vers moi, ferme les yeux quand son torse froid et dur heurte mon corps. Ses bras se referment sur moi et à mon tour, je l'enlace. 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant