Tome 2-Ch 37-Elisa

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S'il y a bien une chose que la vie est en train de m'apprendre, c'est qu'il ne faut jamais baisser les bras, et lutter, encore et encore, ne jamais rien lâcher. 

J'en ai pleuré des larmes, jusqu'à ce que mes yeux me brûlent, j'en ai dites, des choses pas terribles à Damien, aux médecins, parce que je crève de mal et que rien n'atténue la douleur. Une dose de morphine, de temps en temps. D'ailleurs l'appareil est très bien fait, puisqu'il ne me permet pas d'en abuser. Mais j'ai mal, et mon humeur devient massacrante à force. Cela fait trois jours que je suis ici, alitée et que je ne rêve que d'une seule chose : sortir et voir mon fils.

Danielle me téléphone aussi souvent que possible, me raconte les journée d'Eden, mais ce n'est pas assez. J'ai besoin de le tenir contre moi, de sentir son odeur et de le bercer pour le voir sombrer vers le sommeil. C'est pour ça qu'aujourd'hui, Damien est parti le chercher à New-York. J'ai tellement hâte qu'ils arrivent. Connor et Mélanie m'appellent aussi, mais ils ne peuvent pas se permettre de tout abandonner pour venir me rendre visite. Parce qu'il y a la maison d'éditions, et surtout, Logan, qui n'a que sa mère et sa nourrice.

Lorsque je suis seule, ce qui est rare, je l'admets, je regarde la télévision, à la recherche du moindre article qui parlerait d'Alexandro. Il a été arrêté, dans ce qui reste des bureaux de Burn & Cie. Honnêtement, j'ai du mal à comprendre comment un meneur comme lui ait pu faire faillite. Surtout que son père était toujours derrière son cul afin de faire fluctuer leurs affaires. Il n'empêche que ça a fait grand bruit et les journalistes se font un malin plaisir à décortiquer sa vie dans les moindres détails pour comprendre le moment fatidique, où il a basculé dans la folie. Evidemment, selon eux, c'est depuis l'échec cuisant de notre mariage qu'il a emprunté une pente abrupte. Mais selon moi, il s'agit plus de mauvais placements et d'investissement un peu trop ambitieux. Le concept des voitures hybrides est passé de mode, d'autres se sont aussi approprié le marché, puis il y a les voitures électriques qui entre aussi en compte et ça, Alex n'a pas su protéger ses arrières. Tant pis pour lui. Mais en aucun cas, je n'accepterais d'être tenue responsable de sa déchéance.

— Je peux entrer ?

Je sursaute quand une voix grave retentit dans ma chambre suivie de trois coups frappés sur la porte. L'homme me présente un insigne, et je déglutis, comprenant que c'est un inspecteur.

— Oui, oui.
Je tente de me redresser un peu, histoire d'avoir l'air moins affalée et l'observe prendre place dans un coin de la chambre.

— Je suis l'inspecteur Deken, chargé de l'enquête sur l'affaire Burn.
— Oui, je m'en suis doutée, réponds-je faiblement.

— Votre ex-mari, c'est ça ?

J'acquiesce, alors qu'il sort un carnet de la poche intérieur de son blouson, avant de me regarder.

— Je suppose que vous avez vu ce que les médias racontent, me dit-il en pointant de son stylo la télévision.

— En effet... Il a été arrêté.

— Il a été arrêté, confirme-t-il. Je suppose que vous allez porter plainte.

— Evidemment que oui.
— Evidemment que oui, répète-t-il en prenant des notes.
Je soupire en l'observant. Ses cheveux grisonnants et ses rides creusées lui donnent l'air assez âgé, comme s'il allait bientôt prendre sa retraite, et je suppose alors qu'il doit avoir une certaine lassitude de son job.

— Pouvez-vous me relater les faits de cette journée du trois Novembre ?

J'avale ma salive difficilement, avant de lui raconter le déménagement, Damien et Connor partis chercher des pizzas et enfin, ce coup de sonnette auquel je n'aurais pas dû répondre. L'inspecteur Deken prend note de ce que je lui dis, avant de me poser quelques questions : est-ce que nous lui avons dit que nous déménagions, est-ce que j'entretiens encore quelconque rapport avec Alexandro, ou bien encore si les deux frères se sont encore battus depuis la dernière fois. Sérieusement, ses questions m'épuisent, même si j'ai pleinement conscience qu'elles sont nécessaires.

— Donc, reprend-il après vingt minutes d'interrogatoires, n'hésitez pas à venir au poste dès votre sortie. Cette plainte est importante à ajouter dans le dossier que nous établissons.

— D'accord, lui réponds-je en souriant.

Il me serre la main et sort de la chambre, me laissant pensive, et quelque peu craintive aussi. Quelles vont être la suite de tout ça ? Je veux qu'Alexandro paie de ses actes. On ne peut pas essayer de détruire la vie d'autrui, encore moins essayer de tuer son ex-femme pour se venger d'un divorce. Et s'il avait réussi ? Et si, aujourd'hui, je n'étais plus là ? Et mon fils ? Et mon bébé ? Mon corps est pris de spasmes et je laisse échapper mes sanglots quand j'imagine ce qu'aurait été sa vie. Un enfant révolté, qui aurait souffert toute sa vie de la mort prématurée de sa mère... Et Dam ? Est-ce qu'il aurait réussi à ne pas sombrer pour maintenir son rôle de père ? Oui, évidemment qu'il aurait assuré avec notre fils, il assure toujours... Mais... Comment a-t-il pu me faire ça ? Comment a-t-il pu être à ce point égoïste, méchant, rancunier ? Comment peut-on basculer dans la folie, pour une histoire de cœur ?
Le poids de ce qu'il m'est arrivé me revient violemment en pleine figure. Autant je gardais le sourire pour Damien, pour tenter de dissiper la fureur qui marquait ses traits, autant je réalise que j'aurais pu mourir, juste pour un divorce.
La vie est faite de choix, de manière constante. On en fait de meilleurs que d'autres, et Damien, en fait partie. J'étais consciente que ce que nous faisions était mal, je le savais. Mais je l'ai choisi, lui. Même s'il est venu un jour trop tard, et même si son côté « bonhomme sûr de son charisme » me saoulait, il a su me toucher là où son frère a échoué.
Et même si cette décision de le choisir lui n'a jamais été simple, je ne regretterais jamais mon choix.
Damien est celui, il est mien et je suis sienne. Nous sommes faits pour être ensemble, pour vivre ensemble et ne jamais se séparer. Et si Alexandro doit pourrir dans une cellule de deux mètres carrés pour le comprendre, qu'il en soit ainsi.

— Et qui voilà ! Les deux Playboys !
Je sèche rapidement mes larmes quand la porte s'ouvre sur Damien, Eden dans les bras. Mon sourire reflète le sien, et Eden s'agite dans tous les sens.

— Mon bébé !
Je prends Eden contre moi lorsque Damien me le pose dans les bras, et son odeur de bébé m'apaise immédiatement malgré la douleur qui m'assaille. Mes larmes ressurgissent, mais cette fois, elles sont de bonheur. Je l'embrasse, partout où je peux avoir de la place sur sa bouille d'amour, sur ses mains, ses bras potelés.

— Mon dieu que tu m'as manqué.
Damien s'installe sur le bord du lit, pour attraper notre fils au cas où je n'avais plus de force. Ses yeux verts brillent aussi d'émotions, et il se penche vers moi, pour m'embrasser doucement.

— Enfin au complet, souffle-t-il contre ma joue.

— Enfin, oui.

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant