Tome 2-Ch 34-Damien

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Un mois plus tard.

— Alors ? Comment vous sentez-vous depuis la dernière fois ?

Je détache mon regard de la fenêtre par laquelle j'observais Central Park et ses joggeurs, et je me retourne vers Calie avant de soupirer. Ouais, j'avais dit que j'irais chez une autre psy, mais rien qu'à l'idée de devoir tout recommencer depuis le début me saoule et me fout la chair de poule. Elle sait, elle. Pas besoin de rentrer dans les détails encore une fois. Puis, on se voit une fois par semaine et elle sait comment je fonctionne. En plus, sa thérapie me semble marcher sur moi, alors pourquoi changer ?

— Je suis assez stressé avec le déménagement. C'est pour un bien, un mieux même, mais ça reste stressant.

Elle sourit en acquiesçant.

— Evidemment, Damien. C'est normal de ressentir ce stress quand on s'apprête à quitter ce qu'on a toujours connu. Et l'agoraphobie ? Comment gérer vous cela ?

— J'évite toujours les centres commerciaux, mais New-York reste une ville pleine de monde, hein ? réponds-je en venant m'assoir sur un de ces fauteuils jaune moutarde.

— Les crises d'angoisses s'espacent ?

— Un peu. Ça ira mieux là-bas, j'espère.

Je joins mes mains sur mes cuisses, puis pose la question qui me trotte de plus en plus dans la tête. Je n'en ai encore parlé avec personne même pas avec Elisa qui me ferait une belle crise de nerfs, mais je me dois d'éclaircir ce point. Seul Connor est au courant de mes projets, parce que seul lui peut comprendre ce que je ressens.

— Quand pensez-vous que je pourrais reprendre le travail ?

— Vous sentez-vous apte à reprendre ? Je ne pense pas que vos angoisses puissent être un avantage...

— Mais plus j'attends, et plus j'angoisserais de remonter sur un navire. L'armée a toujours fait partie de ma vie, de moi. Et même si je dois rester sur terre, je suis prêt. Je deviens fou à rester cloîtré, à faire des cartons. Je n'ai jamais été aussi longtemps en permission.

— Ce n'est pas une permission, me reprend-elle.

— C'est pareil, grogné-je. Je n'ai pas l'habitude de rester sans rien faire, sans ordre dans ma vie. J'ai envie de recommencer.

— Je ne sais pas, je ne vous vois que depuis cinq semaines.

— Et je suis en maladie depuis bien plus longtemps que ça. Laissez-moi revenir sur le terrain.

— Je ne suis pas la seule à prendre cette décision.

— Mais comme je suis sympa, vous allez signer un document que je remettrais au chef de corps, qui lui, le rendra aux médecins de HM*.
La psy fait semblant de réfléchir, avant de m'octroyer un petit sourire.

— Ok. À une seule condition : vous continuez vos séances ici, jusqu'à ce que vous en n'ayez plus besoin.

— Marché conclus.

Elle glousse en secouant la tête, vaincue. Et dans mon moi, je hurle un « oui » et lève mon poing, victorieux.

Le raffut qui se fait entendre derrière la porte de l'appartement me fait sourire. Je devine qu'Elisa est en train de se chamailler avec Connor, à propos de l'allaitement maternel.

Discussion complètement stupide, mais qui leur ressemble tellement.

J'entre, et referme la porte derrière moi, avant d'enlever mes pompes et de les pousser du pied dans le coin que forment le mur et la commode.

— Je te dis que ça rien avoir, souffle Elisa. Le lait maternel se digère en vingt minutes, c'est pour ça qu'un bébé est autant au sein. Puis, bah toi tu manges bien en public, non ?

— Mais c'est pas pareil, insiste mon pote. Je ne veux pas que Mélanie exhibe ses nibards devant d'autres mecs pour nourrir notre bébé.

Elisa et Mélanie éclatent de rire, imitant à la perfection le ton ronchon de Connor.

— De toute façon, lui répond sa copine, ce sont mes seins, chéri.

— Je savais que vous étiez une bande de dingues, mais je ne m'attendais tout de même pas à un débat sur l'allaitement, les interromps-je.

Ils rient tous alors que je me penche par-dessus le parc pour embrasser mon fils.

— Alors ? me souffle Elisa à l'oreille alors que je dépose un baiser sur sa tempe.

— Ça s'est bien passé.

— T'as une date ? demande Connor en attrapant sa bouteille d'eau.
Je déglutis, parce que je me souviens de la première fois que j'avais émis l'idée auprès d'Elisa : elle était furieuse, dévastée. Je tente de me raisonner, en me disant que c'était parce que je venais juste de rentrer, mais j'ai peur de tout gâcher, en affirmant mon besoin de recommencer le travail.

— Faut attendre que je passe en conseil.

— Quand ? me questionne-t-elle. T'as une date pour le conseil ?

Je m'assieds après avoir pris Eden dans les bras, alors qu'elle vide les placards de la cuisine. Tous les regards sont braqués sur moi, en attente d'une réponse.

— Je n'en sais encore rien, réponds-je en regardant mon fils. Elle m'a fait mon autorisation et quand je l'aurais rendue, j'aurais une date.

Je l'entends soupirer et je grimace, osant un regard dans sa direction. Ses yeux sont posés sur moi, sa mine sérieuse.

— C'est vraiment ce que tu veux ?

— Oui.
Elle lève son index vers moi, ouvre la bouche puis la referme, comme si elle allait me réprimander. De son autre main, elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille.

— T'as intérêt de revenir à chaque permission, Burn. Et en un seul morceau.

— Pro...

— Ne promets pas, me gronde-t-elle. Je veux seulement que tu gardes en tête qu'Eden a besoin de son papa, même s'il sera loin, clair ?

— T'as fini de m'engueuler ? ris-je, soulagé qu'elle accepte mon choix. Viens par ici, plutôt.

Elle s'avance vers moi, une tasse vide dans les miens et se penche pour déposer un baiser sur mon front. Je relève la tête, capture ses lèvres des miennes.

— Si tu savais comme...
Elle rougit, son regard bleu pétille à m'en couper le souffle.

— Je sais, Dam. Moi aussi je t'aime.

* HM : hôpital militaire

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant