Tome 2-Ch 24-Elisa

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Allongée dans mon lit, j'ai du mal à trouver le sommeil. Je pense à Damien, comme à l'habitude. Ses excuses m'ont fait beaucoup de bien, c'est déjà ça, parce qu'au moins, je sais la raison de son départ précipité. Pourquoi la vie semble si compliquée pour certaines personnes ? Je n'arrive pas à l'oublier un peu, ni à penser à autre chose que lui. Il est encore tôt, alors je saisis mon portable, pour consulter mon agenda. Encore une semaine, et je pourrais prendre mes vacances. J'en ai besoin, plus que jamais. L'année passée, je me suis noyée dans la dépression, mais j'avoue que maintenant, un peu de répit, loin de New-York, en tête à tête avec mon fils, me ferait le plus grand bien.

Il est cinq heures lorsque je me réveille. Je me jette sur mon portable, espérant avoir un texto de sa part, mais rien, si ce n'est un mail de confirmation pour mon vol jusqu'à Toronto. J'ai pris la décision de passer ces vacances avec ma mère, de me retrouver dans l'appartement que je considère un peu comme le mien, même si je n'y ai vécu que très peu, durant quelques week-end. J'étais à l'université lorsqu'elle est partie y vivre. Pourquoi le Canada ? Parce que c'était son rêve de gosse, qu'elle voulait absolument le réaliser et depuis, elle revit. J'ai hâte de revoir ma mère, de lui présenter mon fils aussi. Parce que ses soucis financiers l'ont empêchée de venir nous voir. Bien évidemment, nous nous parlons de temps à autres sur Skype, mais ma mère et les technologies... Bref, bien vite !

Avant que mon fils ne s'éveille, je file à la salle de bains. Aujourd'hui, il ne va pas chez Danielle, ce qui veut dire que je ne verrais pas Damien, malheureusement. Je me rends compte que de lui laisser du temps et de l'espace est compliqué, je n'y arrive pas. Je voudrais qu'il soit là, dès le matin, que nous nous câlinons avant de se lever, que nous nous préparons ensemble, qu'on prenne le petit-déjeuner ensemble et que nous fassions tout qui s'apparente à une vraie vie de couple. La patience n'a jamais été mon fort, mais quand il s'agit de lui, encore moins.
Je lui écris un message, lui souhaite une bonne journée et l'envoie. L'impression de le perdre grandit de jour en jour, et là, il parle de partir loin d'ici... Que ferais-je s'il partait vraiment ? Je serais dévastée, encore une fois, mais je continuerais ma route, pour notre fils. Eden n'a rien demandé, n'a même pas conscience de ce qu'il se passe, alors que je souffre pour lui, en imaginant sa vie sans son père. J'adorais le mien ! Mon père était mon héros, le premier homme que je voulais absolument épouser, celui qui m'a montré que l'homme peut être bien avec celle qui l'aime, et les autres. Son décès a été et sera toujours une des plus douloureuses périodes de ma vie. Il a laissé derrière lui une plaie béante dans nos vies. Alors je n'arrive pas à concevoir que mon fils pourrait vivre sans être proche de son papa.

Mélanie me dépose une pile de feuilles sur mon bureau. Je redresse la tête et souffle.

— Je crois qu'on va passer par l'envoi de manuscrit pas mail, soupire-t-elle en s'installant face à moi.

— Tu m'étonnes... Ce serait beaucoup plus simple.

— Tu serais en prendre un à lire pour ce soir ? J'ai lu le début et j'aime bien mais je suis en pleine corrections du tome 3 de Blake.

—Ok, pas de souci, réponds-je.

Elle se tient droite comme un « i » et je hausse un sourcil, me demandant ce qu'elle me veut.

— Faut que je t'annonce quelque-chose.

— Je n'en doutais pas, ris-je. Vas-y, je t'écoute.

Je croise mes mains sur mes genoux, alors qu'elle semble chercher ses mots.

— Je suis enceinte.
— Oh mon dieu !

— Ouais, c'est dingue. Merde, je suis pathétique, je ne l'ai même pas encore dit à Connor.

Je me lève pour lui sauter dessus, heureuse pour mon amie. Elle mérite tellement ce bonheur, et Connor aussi. Nous nous étreignons quelques secondes et quand je la relâche, nous essuyons nos larmes de joie.

— Félicitations ! Depuis combien de temps ?

— Le test dit quatre semaines, mais je saurais réellement après mon rendez-vous chez le médecin.

Je hoche la tête, puis elle me demande des idées originales pour l'annoncer à Connor. Honnêtement, je n'en sais rien. Pour Eden, ça c'était fait naturellement, et Damien avait été le premier au courant.

— T'emballes le test dans une boite à bracelet ?

— Trop vu, partout.

Elle n'a pas tort. Nous fouillons le Net, à la recherche de la surprise parfaite, et même du comment l'annoncer à Logan.

Seize heures, et ma journée de travail est finie, quoique... Nous avons plus parlé grossesse en préparant l'annonce pour le futur papa et le futur grand-frère que de travailler. C'est donc avec deux manuscrits sous le bras que je me rends à la crèche, pour récupérer Eden.

— Bonsoir, me salue la nourrice.

— Bonsoir, réponds-je, tout s'est bien passé ?

— Eden a eu un peu de température, mais rien d'important qui aurait justifier un appel, me rassure-t-elle. Un petit trente-huit cinq, c'est tout.

— Oh. Y a-t-il des enfants malades en ce moment ?

— Non, pas spécialement.

Mon fils s'est endormi, sans doute épuisé par sa petite montée de fièvre et, délicatement, je le soulève. J'espère qu'il ne couve rien, que ce soit juste une poussée dentaire, même si j'ai lu que c'était plus tard que cinq mois.


Le soleil est toujours bien haut dans le ciel quand je me rends à Central Park. Je m'installe sur un des bancs qui longe l'allée sur laquelle les joggeurs courent et sors de mon sac le muffin que je me suis pris au Starbuck du coin. Une légère brise souffle, faisant balancer les branches des arbres. Leurs feuilles brunissent, annonçant le retour prochain de l'automne. Déjà... Dans cinq jours, ça fera un mois que Damien sera rentré. C'est peu, mais ça passe trop vite quand on sait qu'on en est au même point. Je prends mon portable qui a dormi toute la journée dans mon sac, et constate tristement qu'il n'a toujours pas répondu à mon texto. Je suis déçue, je ne vais pas mentir. Mais faut que je m'y fasse au plus vite. Damien n'est plus le même qu'avant, il me l'a répété des dizaines de fois, et je dois accepter cela.

Comme il fait toujours beau et bon, je prends le temps de me détendre un peu, en observant ce qu'il m'entoure. Je n'ai plus vraiment fait attention au monde dans lequel j'évolue chaque jour, puisque mes pensées étaient toutes pour lui, je me suis paumée en cours de route et je sens que c'est le bon moment pour moi de revenir un peu plus forte. Après mon mariage chaotique, je m'étais jurée de ne plus vivre pour un homme. Alex ne m'aimait pas assez, moi encore moins... Mais Damien m'avait très rapidement séduite et cette promesse faite à moi-même s'était envolée en même temps que ses baisers aient pris possession de ma personne.

Je vais partir en vacances, oublier un peu, profiter sûrement, et tourner douloureusement la page de notre histoire s'il le veut.

Trois jours se sont écoulés depuis, et ma dernière journée au travail débute. J'ai déposé Eden chez Danielle, et je n'ai même pas croisé son fils. Pourtant, il faut que je lui parle, parce que je pars demain en début d'après-midi et que j'aimerais lui dire qu'Eden part avec moi, pour pas qu'il attende, ou qu'il se tracasse ou que sais-je encore.
Je ricane... Se tracasser ? Non, je ne crois pas. Trois jours sans nouvelles. Il ne doit pas être fort inquiet pour nous. 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant