Chapitre 7.1

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Nous nous rendîmes à Colmar une heure plus tard. J'avais pris place dans la voiture en me rappelant qu'elle ne ferait pas long feu. C'était encore la vieille voiture de la mère de Charlye qui tombait en rade au fil du temps. Je restai silencieux tout le long du trajet, observant toute la route de La Paroche à Colmar. Je n'en revenais tout simplement pas de refaire ce trajet "aujourd'hui", après tout ce temps. A quelques occasions, j'avais pu emprunter une courte partie du chemin menant à La Paroche, mais sans jamais y retourner vraiment. Je n'avais pas envie d'y retourner, de peur que le choc des souvenirs soit trop grand, même des années après.

Arrivés à Colmar, nous nous garâmes en bordure d'un pont, près de la gare. A peine sortis de la voiture, ma main prenait mystérieusement celle de Charlye. Une chose qui me fit reculer en premier lieu, jusqu'à me rappeler -encore une fois- que la situation le permettait.
Si je devais spécifier qu'à chaque manière, chaque geste, je sursautais d'étonnement, nous n'aurions jamais terminé. Il fallait coûte que coûte m'habituer à cette "nouvelle" vie, pourtant je sentais qu'il ne serait pas facile de s'y faire et pour preuve, je continuais à fonctionner comme le célibataire presque habitué à la solitude alors que ce n'était désormais plus le cas.

Néanmoins, je me souvins de cet après-midi là. Je savais où l'on se rendait, ce qu'on allait y faire. A peu de choses près, il était quasiment sûr qu'on sortirait de là avec son morceau de tapisserie Pop-Urbaine et quelques serviettes de toilettes douces.
Cela n'a pas loupé. Après un quart d'heure d'intense réflexion, Charlye décidait de prendre une bonne longueur de cette même tapisserie, qu'elle allait forcément mettre sur le mur qui fait face à son lit. En bonus, après être passée dans le rayon adéquat, elle craquait et prenait deux serviettes au toucher soyeux et doux. Au passage en caisse, je souris à la vue des articles achetés et à la concordance avec la Dimension Réelle. Devrais-je devenir devin ? Une chose était sûre : Tant que les choses se déroulaient comme elles se sont déjà produites, j'étais maître de mon avenir et pouvais voir tout ce qui allait arriver.

Une virée à Colmar ne pouvait pas juste servir à aller quinze minutes dans un magasin. Vu le trajet à faire, nous allâmes nous garer un peu plus près du centre-ville pour y faire un tour.
Il était curieux de se retrouver là-bas, dans le passé. De mon point de vue, ma dernière venue remontait à la veille, en deux milles seize, accompagné de Charlye. Chose qui ne changea presque pas, à quelques détails près. En quelques minutes, je me retrouvais au beau milieu de la grande rue marchande du centre-ville de Colmar, avec la masse de monde qui l'empruntait, ses boutiques toutes ouvertes et les restes de décorations de Noël. Oui, car à y repenser, Noël s'était déroulé deux semaines auparavant. Dans cette Dimension là, en tout cas. Passer de l'été accablant à un hiver bien froid avec les restes de festivités passées, en voilà une drôle de situation.

Traverser la grande rue main dans la main avec Charlye était une perspective que je n'avais même pas envisagé la veille, lorsque j'avais été avec elle à Colmar, dans le Post-Inhumaine. Rien ne m'aurait tenté à le faire, ni ne m'aurait fait entrevoir que cela puisse se (re)produire. Pourtant, c'était bien réel. Les baisers aussi. Ce retour en arrière ne me faisait pas que du bien.

En quelques secondes, je me retrouvai au milieu de la rue bondée, en l'absence de Charlye et ses proches, entrés dans une boutique voisine. Planté au milieu de la rue, je vus les gens passer à côté de moi dans un rythme frénétique, tandis que le bruit environnant devenait strident, comme un son de mire qui éclate les tympans, comme si des acouphènes monstrueux s'emparaient de mes oreilles.

Je fermai les yeux pour tenter de calmer la machine infernale en me focalisant sur des choses subtiles, tant qu'elles pouvaient me faire penser à autre chose. C'était quelque chose d'assez indescriptible. Ce moment d'absence, mêlé au bruit strident à casser du crystal, ressemblait fortement à un épisode de saturation. Pour autant, j'avais presque l'impression d'avoir sniffé une surdose de coke.
Au loin, au ralenti, j'entendais la petite voix de Charlye qui m'appelait, parsemé des bruits environnants de la rue marchande.
J'ouvris les yeux instantanément à l'écoute de ses mots beaucoup plus prononcés et clairs.

Back & Beyond - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant