Chapitre 17.1

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Charlye et moi passâmes un petit moment au téléphone, le temps de remettre les choses au point sur mes impressions. Je ne pouvais lui imputer l'envie de profiter de passer du temps avec ses amies en mon absence. Je partageais le même point de vue qu'elle dans cette dimension, chose qui n'était pas vraiment pareille dans la Dimension Réelle. Mais je ne vous répéterais jamais assez que beaucoup de choses ont changées entre les deux dimensions, Dieu merci.

Nous raccrochâmes lorsque la petite dame commença à bailler à répétitions, signal d'un endormissement imminent. Je posai mon téléphone sur le bord de ce que j'appelais "la tablette", sorte de longue planche qui me servait de second bureau, situé au bout de mon lit et où était installé mon ordinateur.

J'eu un moment de réflexion. Si la question de l'éventuelle prise de distance de Charlye à mon égard restait en suspens pour le moment, une autre me revenait sans cesse en tête.

Il devenait urgent de réfléchir sérieusement à ce que j'allais faire après le Bac mais je n'osais absolument pas tenter le diable en réessayant de me concentrer.

Il était bien tard pour penser à tout cela. Je n'aurais pas de réponses avant la prochaine apparition de Keannon, et même s'il apparaissait où bon lui semblait, il ne le faisait jamais ni à l'intérieur de chez moi ni à une heure aussi tardive.

Le lendemain, je me retrouvai épaulé par le chef du Service Technique dans l'avancement de mon travail. Nous devions nous rendre au local électrique afin de vérifier les raccordements de la centrale incendie après un défaut de déclenchement lors d'un test. Keannon ne pouvait apparaître, comme il savait si bien le faire, tant que je n'étais pas seul.

Tu fais bien les choses toi, pensai-je en m'adressant au Temps lui-même.

Cela m'agaçait au plus haut point. Je devais voir Keannon urgemment et les choses se déroulaient de façon à empêcher que cela arrive. Je pris mon mal en patience durant toute la matinée, espérant qu'on moment propice survienne, sans succès.

La pause midi prit tout son temps pour arriver. Je décidai cette fois-ci de sortir du bâtiment et m'installer sur un banc, situé juste à l'extérieur du périmètre de l'établissement, pour déjeuner. Les environs étaient très calmes. Les rues de ce côté-ci de Sanmé étaient généralement calmes, ce qui avait le don d'être apaisant.

J'approchai le sandwich de ma bouche, prêt à y fermer les crocs, quand soudain :

"Bon appétit !

Je m'arrêtai net dans mon élan, l'extrémité de mon sandwich à un centimètre de ma bouche. Keannon venait d'apparaître, soudainement, comme un coup de vent, comme d'habitude.

— Tiens, répondis-je d'un air faussement surpris, vous voilà, vous.

Je croquai dans mon sandwich à pleines dents.

— J'ai l'impression de t'avoir manqué, s'amusa-t-il.
— Pour une fois, répondis-je en souriant, j'ai presque regretté votre absence.

Keannon laissa échapper un rire.

— J'ai un problème, repris-je sérieusement. Je ne vous en ai jamais parlé car je n'ai pas osé réessayer depuis votre arrivée.
— Quoi donc ? Répondit-il avec intérêt.
— Dès les premières heures après ma transportation, poursuivis-je, j'étais sujet à de violentes migraines et des étourdissements. J'avais l'impression d'avoir pris trop de coke ou quelque chose du genre. Je planais, je n'entendais rien d'autre qu'un acouphène assourdissant et j'avais du mal à comprendre ce que je faisais là.

Keannon leva la tête et fit signe de continuer.

— Avec le temps, continuai-je, ça s'est estompé. Mais je ne peux pas me concentrer sur certaines choses, comme par exemple mon avenir. Penser à la Dimension Réelle est parfaitement faisable, mais imaginer autre chose que ce qu'il s'est passé dans mon futur m'est impossible. La dernière fois que je l'ai fais, j'ai forcé et je me suis retrouvé à l'infirmerie.
— Ah ça c'est embêtant, remarqua Keannon le sourire aux lèvres.
— Vous trouvez ça amusant, répliquai-je amèrement, mais à cause de ça, j'ai pas eu d'autre choix que d'parler de ma transportation à Blake. Qui sait comment ça aurait pu s'terminer.
— Je ne me moque pas Logan, tempéra-t-il, je vois de quoi tu parles. C'est un effet secondaire des voyages dans le temps, ça arrive parfois.
— Ça arrive parfois, répétai-je en mimant des guillemets avec mes doigts. C'est censé me rassurer ?

Back & Beyond - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant